Plan d'action pour la gentiane de Victorin (Gentianopsis virgata ssp. victorinii) au Canada - 2014 [Proposition]

Loi sur les espèces en péril
Série de Plans d'action

Gentiane de Victorin

la gentiane de Victorin (Gentianopsis virgata ssp. victorinii)
Plan d'action pour la gentiane de Victorin (Gentianopsis virgata ssp. victorinii) au Canada - 2014 [Proposition]

Référence recommandée :

Environnement Canada. 2014. Plan d'action pour la gentiane de Victorin (Gentianopsis virgata ssp. victorinii) au Canada [Proposition]. Série de Plans d'action de la Loi sur les espèces en péril, Environnement Canada, Ottawa. iv + 11 p.

Pour télécharger le présent plan d'action ou pour obtenir un complément d'information sur les espèces en péril, incluant les rapports de situation du COSEPAC, les descriptions de la résidence, les programmes de rétablissement et d'autres documents connexes sur le rétablissement, veuillez consulter le Registre public des espèces en péril.

Illustration de la couverture : © Audrey Lachance, Bureau d’écologie appliquée.

Also available in English under the title:
"Action Plan for the Victorin’s Gentian
(Gentianopsis virgata ssp. victorinii) in Canada [Proposed]"

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l'Environnement, 2014. Tous droits réservés.
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Le contenu du présent document (à l'exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d'indiquer la source.

En vertu de l'Accord pour la protection des espèces en péril (1996)[1], les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signataires ont convenu d'établir une législation et des programmes complémentaires qui assurent la protection efficace des espèces en péril partout au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, ch. 29) (LEP), les ministres fédéraux compétents sont responsables de l'élaboration des plans d'action pour les espèces inscrites comme étant disparues du pays, en voie de disparition ou menacées, pour lesquelles le rétablissement a été jugé comme étant réalisable. Ils sont également tenus de rendre compte des progrès réalisés cinq ans après la publication du document final dans le Registre public des espèces en péril.

En vertu de la LEP, un ou plusieurs plans d'action présentent la planification détaillée du rétablissement élaborée dans le but d’appuyer l'orientation stratégique établie dans le programme de rétablissement de l'espèce. Le plan décrit ce qui doit être réalisé pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition (auparavant appelés buts et objectifs du rétablissement) établis dans le programme de rétablissement, y compris les mesures à prendre pour aborder les menaces et effectuer le suivi du rétablissement de l'espèce, ainsi que les mesures proposées visant à protéger l'habitat essentiel qui a été désigné pour l’espèce. Le plan d’action inclut également une évaluation des répercussions socioéconomiques de la mise en œuvre du plan d’action et des avantages en découlant. Le plan d'action est considéré comme l'un parmi une série de documents qui sont liés et qui doivent être pris en considération ensemble. Parmi ceux-ci, on compte le rapport de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), le programme de rétablissement, ainsi qu’un ou plusieurs plans d'action.

Le ministre de l'Environnement et le ministre responsable de l’Agence Parcs Canada sont les ministres compétents en vertu de la LEP de la gentiane de Victorin et ont élaboré ce plan d'action pour mettre en œuvre le programme de rétablissement, conformément à l'article 47 de la LEP. Dans la mesure du possible, le plan d’action a été préparé en collaboration avec le Gouvernement du Québec (ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs - MDDEFP).

La réussite du rétablissement de l’espèce dépendra de l'engagement et de la collaboration d'un grand nombre de parties concernées qui participeront à la mise en œuvre des directives et des activités formulées dans le présent plan d'action. Cette réussite ne pourra reposer seulement sur Environnement Canada et l’Agence Parcs Canada, ou sur toute autre compétence. Tous les Canadiens et les Canadiennes sont invités à appuyer le ce plan d'action et à contribuer à sa mise en œuvre pour le bien de la gentiane de Victorin et de l’ensemble de la société canadienne.

La mise en œuvre du présent plan d'action est assujettie aux crédits, aux priorités et aux contraintes budgétaires des compétences et des organisations participantes.

Vincent Carignan (Environnement Canada, Service canadien de la faune – Région du Québec) a rédigé le présent plan d’action avec la collaboration d’Hélène Gilbert (consultante botaniste, Bureau d’écologie appliquée). Les personnes suivantes ont contribué à l’amélioration du contenu : Charles Latour, Alain Branchaud et Karine Picard (Environnement Canada, Service canadien de la faune – région du Québec); équipe de rétablissement de la flore menacée de l’estuaire d’eau douce du Saint-Laurent [Pierre Morisset (consultant), Hélène Gilbert, Nicole Lavoie et Michèle Dupont-Hébert (Fondation québécoise pour la protection du patrimoine naturel), Patrice Laliberté et Hubert Pelletier (Conservation de la Nature Canada - Région du Québec), Patricia Désilets (MDDEP), Frédéric Coursol (Jardin botanique de Montréal) et Sylvain Paradis (Agence Parcs Canada)] ainsi que Norman Dignard (Fondation québécoise pour la protection du patrimoine naturel).

Le présent plan d’action complète le Programme de rétablissement de la gentiane de Victorin (Gentianopsis virgata ssp. victorinii) au Canada (Environnement Canada, 2012). Les mesures de rétablissement proposées visent la mise en oeuvre de l’ensemble des stratégies générales et approches du rétablissement établies dans le programme de rétablissement et ce pour l’ensemble des populations et de l’habitat convenable à l’espèce au Canada.

L’habitat essentiel de la gentiane de Victorin a été désigné dans le programme de rétablissement. Il correspond à l’habitat convenable du littoral moyen jusqu’à la rive adjacente, incluant ainsi le littoral supérieur aux 14 occurrences identifiées comme cibles prioritaires. Puisqu’il subsiste des inconnues concernant la contribution de ces parties d’habitat essentiel dans l’atteinte des objectifs de population et de répartition à long terme, un calendrier d’études a été proposé afin de combler les lacunes de connaissances sur la viabilité et la dynamique des populations. Le présent plan d’action considère cet aspect dans l’élaboration des mesures de rétablissement à prendre et ne désigne donc aucun habitat essentiel additionnel pour le moment.

L'habitat essentiel désigné à ce jour est situé à la fois sur le territoire domanial et sur le territoire non domanial. Les mesures proposées pour protéger l’habitat essentiel sont présentées à la section 1.4.

Les mesures de rétablissement proposées pour la gentiane de Victorin recoupent quatre stratégies générales: 1) conservation de l’espèce, de son habitat convenable ainsi que de la zone riveraine adjacente ; 2) inventaires et suivis, 3) recherche, et 4) communication et sensibilisation. Un calendrier établissant les priorités pour la mise en oeuvre de ces mesures a été élaboré et une évaluation socio-économique a été effectuée. Des répercussions faibles à moyennes, principalement positives, sont attendues sur les plans environnemental, social et économique au niveau régional dans les secteurs ciblés par le plan d’action et devraient engendrer peu de contraintes additionnelles liées à l’utilisation du territoire comparativement à ce qui est prévu par la situation législative/réglementaire actuelle. Les coûts directs de la mise en œuvre du présent plan d’action sont estimés à 962 000$ pour la période de 2014-2019.

La gentiane de Victorin (Gentianopsis virgata ssp. victorinii) est une plante herbacée endémique au Québec qui croît principalement au niveau du littoral supérieur des marais d’eau douce ou légèrement saumâtre du fleuve Saint-Laurent. L’espèce a été évaluée comme étant menacée par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) en 2004 et est inscrite en tant que telle à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) depuis 2005. Au Québec, l’espèce est désignée menacée en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV) depuis 2001.

La population de la gentiane de Victorin est estimée entre 1700 et 6000 individus. À ce jour, l’espèce a été répertoriée dans 45 occurrences réparties le long du fleuve Saint-Laurent entre Deschambault et Lotbinière à l’ouest et Saint-Roch-des-Aulnaies et l’Île aux Oies à l’est. Des données à jour sont contenues dans le Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec (CDPNQ).

La perte d’habitat, par exemple par le remblayage des rives et la mise en place d’infrastructures, est la plus grande menace à laquelle doit faire face la gentiane de Victorin. Le piétinement anthropique, les plantes envahissantes, le fauchage et la cueillette de fleurs ainsi que les populations animales surabondantes menacent également ses occurrences.

Le Programme de rétablissement de la gentiane de Victorin (Gentianopsis virgata ssp. victorinii) au Canada (Environnement Canada, 2012) contient des objectifs en matière de population et de répartition qui se déclinent en deux temps. À court terme, il s’agit de maintenir et, si possible, d’augmenter la taille de la population et la zone d’occupation de la gentiane de Victorin à chacune des 14 occurrences identifiées comme cibles prioritaires. À long terme, il s’agit de maintenir et, si possible, d’augmenter la taille de la population et la zone d’occupation de la gentiane de Victorin dans l’ensemble de son aire de répartition au Canada.

Le présent plan d’action vise la mise en œuvre intégrale des stratégies générales et approches de rétablissement proposées dans le programme de rétablissement et ce pour l’ensemble des populations et de l’habitat convenable à l’espèce au Canada. Il est complémentaire au Plan de conservation du gentianopsis élancé variété de Victorin (Gentianopsis procera subsp. macounii var. victorinii) (Jolicoeur et Couillard, 2007; présentement en révision) publié par le Gouvernement du Québec dans lequel 17[2] occurrences sont identifiées comme étant de cibles prioritaires pour la conservation de l’espèce.

Tableau 1. Calendrier de mise en œuvre. Version accessible du Tableau 1
# Mesures de rétablissement Priorité[3] Menaces ou préoccupations
abordées
Échéancier
Stratégie générale : Conservation de l’espèce, de son habitat convenable ainsi que de la zone riveraine adjacente
Approche : appliquer des mesures légales et d’intendance à l’intérieur des occurrences ainsi que dans les zones adjacentes afin de réduire les répercussions des menaces principales
1 Poursuivre les démarches visant l’acquisition, l’attribution de statuts légaux et/ou d’accords de conservation des occurrences prioritaires et leurs zones adjacentes Haute Toutes sauf
5 - 6 - 7
2014-2019
2 Éliminer les pratiques incompatibles avec le maintien de l’espèce et son habitat Haute Toutes sauf
5 - 6 - 7
2014-2019
3 S’assurer de la prise en compte de la présence de l’espèce et son habitat convenable dans le cadre de l’analyse environnementale de projets (incluant la réfection de murs de soutènement), de l’atténuation des impacts ou de mesures compensatoires Haute Toutes sauf
5 - 6 - 7
2014-2019
4 Évaluer les forêts adjacentes aux occurrences prioritaires dans le but de les conserver en tant que zone tampon pour la conservation du littoral Moyenne 1, 9 2014-2019
5 Évaluer les indices de qualité des bandes riveraines pour l’ensemble des occurrences prioritaires afin de cibler les secteurs d’intervention prioritaires Moyenne 12 2014-2019
6 Améliorer la cartographie et la signalisation (ex. pancartes) aux occurrences ayant un statut de conservation/protection Moyenne 2 , 4 2014-2019
Approche : poursuivre ou mettre en œuvre des approches de gestion visant l’augmentation de l’abondance de l’espèce et de la superficie d’habitat convenable
7 Déterminer s’il est possible de gérer les 14 occurrences prioritaires de telle façon que leur productivité puisse être suffisante pour maintenir ou augmenter l’ensemble de la population de l’espèce ainsi que sa zone d’occupation Moyenne 12 2014-2019
8 Explorer des approches visant à augmenter les effectifs des populations Moyenne 12 2014-2019
9 Restaurer l’habitat lorsque techniquement réalisable Faible Toutes sauf 6 2014-2019
Stratégie générale : Inventaires et suivis
Approche : établir un programme de suivi pour cette espèce aux effectifs locaux fortement fluctuants
10 Développer une méthode rapide pour estimer le nombre d’individus d’une occurrence Haute 12 2014
11 Établir la fréquence des inventaires nécessaires à la compréhension de la dynamique des populations de l’espèce (variations interannuelles de l’abondance, tendances, vivacité) Moyenne 12 2014
12 Étendre le suivi des occurrences entamé en 2008 à d’autres occurrences Moyenne 12 2014-2019
13 Préciser l’état de la population à Boischatel Moyenne 12 2014
14 Vérifier à intervalles réguliers la présence/absence de l'espèce dans l'habitat convenable qui n'est pas colonisé actuellement Faible 12 2014-2019
Stratégie générale : Recherche
Approche : préciser certains paramètres démographiques de la gentiane de Victorin (vivacité, viabilité des occurrences, réponses aux menaces)
15 Développer et mettre en oeuvre un programme de recherche visant à mieux comprendre l’impact des menaces principales sur la survie de l’espèce Moyenne Toutes 2014-2019
16 Établir la taille minimale d’une population viable Moyenne 12 2014-2015
17 Établir si l’espèce constitue une banque de graines et, si tel est le cas, déterminer sa longévité Moyenne 12 2014-2019
Stratégie générale : Communication et sensibilisation
Approche: élaborer et mettre en œuvre une stratégie de communication visant les agences partenaires, les groupes qui s’intéressent à l’espèce, les propriétaires privés et le grand public
18 Favoriser les échanges entres les intervenants (scientifiques, équipes de rétablissement et de groupes de mise en œuvre, organisation non gouvernementale, paliers gouvernementaux, grand public, propriétaires privés) par l’entremise de rencontres annuelles, présentation aux partenaires, soirées d’information des citoyens, etc. Haute Toutes 2014-2019
19 Favoriser l’adhésion du grand public et des décideurs en matière de gestion du territoire (municipalité, MRC, conférence régionale des élus, etc.), notamment en effectuant des études de préfaisabilité de projets et en misant sur la promotion de la conformité aux lois, règlements et politiques Haute Toutes 2014-2019
20 Poursuivre les activités de sensibilisation des propriétaires riverains en utilisant les outils tels des dépliants, des articles vulgarisés, des sites web, des cartes pour la conservation, des indices de qualité de la bande riveraine, des cahiers de propriétaires, des soirées d'information annuelles, etc. Moyenne Toutes 2014-2019

Menaces et éléments limitatifs : 1) remblayage des rives et mise en place d’infrastructures; 2) piétinement anthropique; 3) plantes envahissantes; 4) fauchage et cueillette de fleurs; 5) populations animales surabondantes; 6) modification de la salinité de l’eau due aux changements climatiques; 7) affouillement glaciel; 8) pollution; 9) érosion; 10) déversements d'hydrocarbures; 11) rejet de débris sur le littoral; 12) lacunes dans les connaissances.

L’habitat essentiel de la gentiane de Victorin a été désigné dans le programme de rétablissement de cette espèce (Environnement Canada, 2012). Il correspond à tout l’habitat convenable à chacune des 14 occurrences prioritaires avec comme limite d’un côté la rive (lignes des hautes-eaux) et de l’autre la limite supérieure du bas littoral. Il subsiste des inconnues concernant la contribution de ces parties d’habitat essentiel dans l’atteinte des objectifs de population et de répartition à long terme. En effet, il pourrait être difficile d’augmenter la population et la zone d’occupation à l’intérieur des 14 occurrences prioritaires de façon assez importante pour maintenir l’ensemble de la population de gentiane de Victorin ainsi que sa zone d’occupation, notamment en raison de la disponibilité de l’habitat. Le calendrier d’études du programme de rétablissement indique les activités requises pour combler les lacunes de connaissances à cet égard et ainsi déterminer si des parties additionnelles d’habitat essentiel sont requises pour atteindre les objectifs de population et de répartition à long terme. Le présent plan d’action considère cet aspect dans l’élaboration des mesures de rétablissement à prendre et ne désigne donc aucun habitat essentiel additionnel pour le moment.

L’habitat essentiel de la gentiane de Victorin a été désigné sur des terres fédérales et des terres non-fédérales.

De l’habitat essentiel pour une des occurrences de la gentiane de Victorin se situe sur des terres appartenant à l’Agence Parcs Canada au Lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais. Conformément aux dispositions du paragraphe 58(5) de la LEP, le ministre compétent devra, dans les 180 jours suivant l’affichage de la version finale du programme de rétablissement désignant l’habitat essentiel dans le Registre public des espèces en péril et après avoir consulté tout autre ministre compétent, prendre un arrêté pour toute partie de l’habitat essentiel qui n’est pas protégée légalement par des dispositions ou des mesures en vertu de la LEP ou de toute autre loi fédérale. S’il ne prend pas l’arrêté, le ministre est tenu de mettre dans le Registre public des espèces en péril une déclaration énonçant comment l’habitat essentiel ou la partie de celui-ci sont protégés légalement.

En ce qui concerne les parties de l’habitat essentiel se trouvant sur des terres non-fédérales, Environnement Canada entend collaborer avec le Gouvernement du Québec afin de déterminer si les lois et les règlements provinciaux constituent une protection de l’habitat essentiel pour cette espèce en vertu de la LEP.

Dans le respect du rôle des compétences, l’approche d’Environnement Canada est de regarder les lois de la province en premier lieu et, où il est nécessaire, progresser vers l’évaluation des dispositions ou des mesures en vertu de la LEP ou de toute autre loi fédérale afin de déterminer si elle peuvent protéger ces parties d’habitat essentiel.

S’il est jugé que l’habitat essentiel n’est pas protégé en tout ou en partie, les progrès en vue d'atteindre sa protection seront communiqués dans le registre public des espèces en péril par l'entremise des rapports prévus à l'article 63 de la LEP.

La mise en place de mesures de conservation est une stratégie complémentaire importante pour préserver l’habitat essentiel de cette espèce. Environnement Canada collaborera avec le Gouvernement du Québec, les organisations non-gouvernementales et les individus pour faciliter la mise en place de mesures de conservation.

La LEP requiert qu'un plan d’action comporte une évaluation des répercussions socioéconomiques de la mise en oeuvre du plan d’action et des avantages en découlant (Loi sur les espèces en péril, 2003). La protection et le rétablissement des espèces en péril peuvent entraîner des avantages et des répercussions. La Loi reconnaît « que les espèces sauvages, sous toutes leurs formes, ont leur valeur intrinsèque et sont appréciées des Canadiens pour des raisons esthétiques, culturelles, spirituelles, récréatives, éducatives, historiques, économiques, médicales, écologiques et scientifiques ». Les écosystèmes sains et autosuffisants, dont les divers éléments sont en place, y compris les espèces en péril, apportent une contribution positive aux moyens de subsistance et à la qualité de vie de l'ensemble de la population canadienne. Un examen de la littérature confirme que la population canadienne tient à la préservation et à la conservation des espèces en soi. Les mesures prises pour préserver une espèce, comme la protection et la remise en état de l'habitat, sont aussi importantes. En outre, plus une mesure contribue au rétablissement d'une espèce, plus le public accorde une valeur élevée à de telles mesures (Loomis et White, 1996; Pêches et Océans Canada, 2008). De plus, la conservation des espèces en péril est un élément important de l'engagement du gouvernement du Canada à conserver la diversité biologique en vertu de la Convention internationale sur la diversité biologique. Le gouvernement du Canada s'est également engagé à protéger et à rétablir les espèces en péril par l'intermédiaire de l'Accord pour la protection des espèces en péril.

La présente section évalue les répercussions socioéconomiques potentielles associées à la mise en œuvre du plan d’action, ainsi que les avantages pouvant en découler.

Le plan d’action pour la gentiane de Victorin au Canada décrit les mesures de rétablissement à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs en matière de population et répartition établis dans le programme de rétablissement de l’espèce. Le tableau 2 présente la répartition des coûts directs anticipés en fonction des quatre stratégies générales pour le rétablissement. Il s’agit d’une compilation des coûts estimatifs pour chacune des activités du tableau 1 tels qu’ils ont été déterminés en consultant les principaux intervenants de la conservation de l’espèce. Étant donné que les intervenants travaillent souvent sur plusieurs espèces ou, plus généralement, au niveau de l’habitat, les coûts présentés peuvent ne pas être entièrement attribuables à la gentiane de Victorin. Les coûts directs sont estimés pour la période de 2014 à 2019[4] et incluent, entre autres, les salaires, le temps bénévole, les déplacements et les équipements.

Tableau 2. Estimation des coûts directs reliés à la mise en œuvre du rétablissement de la gentiane de Victorin pour la période 2014-2019.
Stratégie générale Priorité Gouvernements
(fédéral et provincial)
Autres intervenants
Conservation de l’espèce, de son habitat convenable ainsi que de la zone riveraine adjacente Haute 427 000$
(56%)
335 000$
(44%)
Inventaires et suivis Haute 47 500 $
(54%)
40 000$
(46%)
Recherche Haute 20 000$
(53%)
17 500$
(47%)
Communication et sensibilisation Haute 40 000$
(53%)
35 000$
(47%)

Le sous-total des coûts du gouvernement (fédéral et provincial) est estimé à 534 500 $, ce qui représente 56% du total des coûts directs estimés.

Le sous-total des coûts des autres intervenants est estimé à 427 500 $, ce qui représente 44% du total des coûts directs estimés.

Le total des coûts directs estimés se chiffre à 962 000 $.

Les répercussions indirectes sont les répercussions potentielles associées à la mise en oeuvre du plan d’action qui peuvent avoir un impact sur les différents intervenants touchés par la gestion de la gentiane de Victorin au Canada, particulièrement les propriétaires privés.

L’habitat essentiel se trouve en grande partie sur des terres non-fédérales, ce qui pourrait avoir des répercussions sur les habitudes des propriétaires. Par exemple, afin de limiter la menace reliée au remblayage et la mise en place d’infrastructure, les gouvernements, les municipalités et les propriétaires riverains devront limiter l’aménagement des rives ou toutes autres interventions dans l’habitat essentiel de la gentiane de Victorin. Les amateurs de plein air ainsi que les adeptes du VTT devront modifier leurs parcours dans la zone intertidale afin de ne pas perturber l’habitat de la gentiane de Victorin. Enfin, les citoyens devront éviter de cueillir cette plante.

Pour assurer le maintien de la biodiversité, les écosystèmes auxquels les espèces sont associées doivent être sains et intègres. En effet, ces conditions sont importantes dans la prestation des différents services écologiques. Bien que ces valeurs soient difficilement quantifiables, des études menées à travers le monde ont démontré leur importante contribution économique (Barbier et Heal, 2006; Almack et Wilson, 2010). Une méta-analyse de Balmford et al. (2002) indique d’ailleurs que le ratio bénéfice/coût de programmes de conservation efficients des milieux naturels sauvages serait de 100 :1. En ce qui concerne l’importance individuelle d’une espèce, elle serait variable selon plusieurs facteurs dont l’année, le lieu et les services considérés (Isbell et al., 2011). La grande contribution de la biodiversité aux services écologiques garantissant la santé économique et écologique actuelle et future du Canada justifierait donc l’application du principe de précaution afin de maintenir les espèces en péril et de les rétablir.

Il n’y aurait pas de valeur économique directe (pour fin de commercialisation) attribuée à la gentiane de Victorin. Cependant, elle revêt une valeur intrinsèque et est importante pour le patrimoine naturel canadien. Selon la Gazette du Canada (2007) les canadien(ne)s veulent conserver les espèces pour les générations futures même s’ils ne verront, ni n'utiliseront jamais personnellement ces espèces. Qui plus est, l’attrait esthétique de la gentiane de Victorin lui permet d’être un symbole de la conservation des milieux estuariens et la protection des espèces menacées ou vulnérables (COSEPAC, 2004). L’espèce revêt également une valeur scientifique pour les botanistes car elle soulève l’ensemble des problèmes de l’origine et de la diversification de la flore endémique des rives estuariennes du fleuve Saint-Laurent (COSEPAC, 2004).

L’écosystème dans lequel se retrouve la gentiane de Victorin offre plusieurs services écosystémiques[5]. À cet effet, les milieux humides sont reconnus comme étant importants dans le cycle vital de plusieurs espèces d’insectes, de poissons, d’amphibiens, de mollusques, de reptiles, de petits mammifères à fourrure et d’oiseaux (Environnement Canada, 2010). De plus, ces milieux ont la capacité de limiter l’érosion en ralentissant le courant et jouent un rôle dans le cycle des nutriments et l’épuration des eaux (Environnement Canada, 2010). Si l’on considère que le fleuve Saint-Laurent est la source d’eau principale pour un grand nombre de municipalités au Québec, le rôle d’épuration des eaux des marais en bordure du fleuve devient d’autant plus nécessaire. Également, ils sont des frayères pour plusieurs espèces de poissons et des habitats pour la sauvagine, donc ils favorisent la pratique d’activités récréatives comme la chasse, la pêche et l’observation de la faune et de la flore (Environnement Canada, 2010).

La mise en œuvre de l’ensemble des mesures de rétablissement proposées dans le présent plan d’action occasionnerait des coûts directs de près de 962 000 $ pour la période 2014-2019. Des répercussions faibles à moyennes, principalement positives, sont attendues sur les plans environnemental, social et économique au niveau régional dans les secteurs ciblés par le plan d’action et devraient engendrer peu de contraintes additionnelles liées à l’utilisation du territoire comparativement à ce qui est prévu par la situation législative/réglementaire actuelle. La mise en œuvre de ce plan d’action contribuerait également de façon concrète à la Stratégie fédérale de développement durable pour le Canada (Environnement Canada, 2010). Enfin, ce plan contribue aux efforts des organismes intervenant dans la gestion durable du territoire de l’estuaire moyen du fleuve Saint-Laurent.

Les indicateurs de rendement présentés dans le programme de rétablissement associé proposent un moyen de déterminer et de mesurer les progrès vers l'atteinte des objectifs en matière de population et de répartition.

Un rapport sur la mise en œuvre du plan d'action, en vertu de l'article 55 de la LEP, sera produit par l'évaluation des progrès en vue de mettre en œuvre de stratégies générales.

Un rapport sur les répercussions écologiques et socioéconomiques du plan d'action, en vertu de l'article 55 de la LEP, sera produit par l'évaluation des résultats de surveillance de rétablissement de l'espèce et de sa viabilité à long terme et par l'évaluation de la mise en œuvre du plan d'action.

Almack K. et S. Wilson. 2010. Economic value of Toronto’s Greenbelt, Canada. The Economics of Ecosystems and Biodiversity. Site web : The Economics of Ecosystems and Biodiversity [en anglais seulement].

Balmford, A., A. Bruner, P. Cooper, R. Costanza, S. Farber, R.E. Green, M. Jenkins, P. Jefferiss, V. Jessamy, J. Madden, K. Munro, N. Myers, S. Naeem, J. Paavola, M. Rayment, S. Rosendo, J. Roughgarden, K. Trumper et R.K. Turner. 2002. Economic Reasons for Conserving Wild Nature. Science 297: 950-953.

Barbier, E. B. et G.M. Heal. 2006. Valuing Ecosystem Services. The Economists' Voice 3 (2). DOI: 10.2202/1553-3832.1118 . Site web : bepress [en anglais seulement].

COSEPAC. 2004. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la gentiane de Victorin Gentianopsis procera macounii var. victorinii au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vii + 27 p.

Environnement Canada. 2010. Planifier un avenir durable - Stratégie fédérale de développement durable pour le Canada, 89 p.

Environnement Canada. 2012. Programme de rétablissement de la gentiane de Victorin (Gentianopsis virgata ssp. victorinii) au Canada, Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril, Environnement Canada, Ottawa, v + 25 pp.

Isbell, F., V. Calcagno, A. Hector, J. Connolly, W.S. Harpole, P.B. Reich, M. Scherer-Lorenzen, B. Schmid, D. Tilman, J. van Ruijven, A. Weigelt, B.J. Wilsey, E.S. Zavaleta et M. Loreau. 2011. High plant diversity is needed to maintain ecosystem services. Nature 477: 199-202.

Jolicoeur, G. et L. Couillard. 2007 (en révision). Plan de conservation du gentianopsis élancé variété de Victorin (Gentianopsis procera subsp. macounii var. victorinii) : Espèce menacée au Québec. Gouvernement du Québec, ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Direction du patrimoine écologique et des parcs, Québec. 16 pages.

Loomis, J.B., White, D.S. 1996. Economic Benefits of Rare and Endangered Species: Summary and Meta-analysis. Ecological Economics 18:197-206 [en anglais seulement].

Pêches et Océans Canada. 2008. Estimation des bénéfices économiques du rétablissement des mammifères marins de l'estuaire du Saint-Laurent. Direction régionale des politiques et de l’économique, Québec, 2008.

Une évaluation environnementale stratégique (EES) est effectuée pour tous les documents de planification du rétablissement en vertu de la LEP, conformément à La directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes. L’objet de l’EES est d’incorporer les considérations environnementales à l’élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics pour appuyer une prise de décisions éclairée du point de vue de l'environnement et évaluer si les résultats d’un document de planification de rétablissement peuvent affecter un élément de l’environnement ou la réalisation de tout objectif ou cible de la Stratégie fédérale de développement durable[6] (SFDD).

La planification du rétablissement vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que la mise en œuvre de plans d'action peut, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des incidences possibles sur des espèces ou des habitats non ciblés. Les résultats de l’EES sont directement inclus dans le plan d'action luimême, mais également résumés dans le présent énoncé, cidessous.

Ce plan d’action contribue directement à l’atteinte des objectifs et des cibles de la Stratégie fédérale du développement durable pour le Canada. Plus précisément, il va aider à restaurer les populations d’espèces sauvages à des niveaux sains et à maintenir des écosystèmes productifs et résilients ayant la capacité de se rétablir et de s’adapter (objectifs 5 et 6 de la Stratégie).

La possibilité que ce plan d’action produise par inadvertance des effets négatifs sur l’environnement et sur d’autres espèces a été envisagée. Les mesures de rétablissement recommandées se limitant à des activités non-intrusives, telles des suivis des occurrences et la sensibilisation du public et des intervenants, il est possible de conclure que le présent plan n’entraînera pas d’effets négatifs significatifs.

La gentiane de Victorin est tributaire du littoral supérieur et moyen. La protection de l’habitat essentiel de la gentiane de Victorin aura des effets bénéfiques sur les nombreuses espèces fauniques qui fréquentent cet habitat, dont la sauvagine nicheuse, ainsi que d’autres espèces végétales endémiques à l’estuaire d’eau douce du fleuve Saint-Laurent qui vivent en association avec la gentiane de Victorin dont plusieurs sont en situation précaire comme la vergerette de Provancher (Erigeron philadelphicus ssp. provancheri) (espèce menacée en vertu de la LEMV), la cicutaire de Victorin (espèce préoccupante inscrite à l’Annexe 1 de la LEP et espèce menacée en vertu de la LEMV) et l’ériocaulon de Parker (espèce menacée en vertu de la LEMV). De plus, une dizaine d’autres espèces susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables au Québec vivent en association avec la gentiane de Victorin. Les mesures de protection des occurrences prioritaires de gentiane de Victorin ainsi que la sensibilisation du public et des collectivités riveraines contribueront directement à la conservation des populations de ces autres espèces rares de l’estuaire d’eau douce du fleuve Saint-Laurent.


1 www.sararegistry.gc.ca/approach/strategy/accord_text_f.cfm

2 Dans la révision du plan de conservation provincial, certaines occurrences ont été fusionnées en raison de leur proximité. Les 14 occurrences du programme de rétablissement fédéral correspondent exactement au 17 occurrences provinciale.

3 « Priorité » reflète la mesure dans laquelle l'action contribue directement au rétablissement de l’espèce ou est un précurseur essentiel à une action qui contribue au rétablissement de l’espèce.

4 Aux termes de l'article 55 de la LEP, il doit y avoir évaluation des progrès réalisés en vue de l’atteinte des objectifs décrits dans le plan d'action, et production d’un rapport sur sa mise en œuvre et ses impacts écologiques et socioéconomiques cinq ans après l'entrée en vigueur du plan.

5 La définition admise de services écosystémiques à l’échelle internationale est celle du Secrétariat de la convention sur la diversité biologique (SCBD) élaboré dans le Millenium Ecosystem Assessment (MEA). Les services écosystémiques sont les bénéfices que les humains retirent des écosystèmes. Ces services sont le résultat des fonctions écologiques. Le MEA identifie quatre grandes familles de services écosystémiques : Régulation, maintien de la vie, culturel et approvisionnement (MEA, 2005).

6 www.ec.gc.ca/dd-sd/default.asp?lang=Fr&n=F93CD795-1

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