Lotier splendide (Lotus formosissimus): évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2010

Photographie du lotier splendide (Lotus formosissimus) en fleurs.

En voie de disparition – 2010

Table des matières

Table des matières

Liste des figures

Liste des tableaux

Information sur le document

COSEPAC – Comité sur la situation des espèces en péril au Canada

Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

COSEPAC. 2010. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le lotier splendide (Lotus formosissimus) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. ix + 20 p.

Rapport(s) précédent(s) :

COSEPAC. 2000. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le lotier splendide (Lotus formosissimus) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vi + 19 p.

RYAN, M., et G.W. DOUGLAS. 1996. Rapport de situation du COSEPAC sur le lotier splendide (Lotus formosissimus) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. Pages 1-19.

Note de production :
Le COSEPAC remercie James Miskelly qui a rédigé le rapport de situation sur le lotier splendide (Lotus formosissimus) au Canada en vertu d’un contrat avec Environnement Canada. Erich Haber, coprésident du Sous-comité de spécialistes des plantes vasculaires du COSEPAC, a supervisé la préparation du rapport et en a assuré la révision.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Tél. : 819-953-3215
Téléc. : 819-994-3684
Courriel
Site Web

Illustration/photo de la couverture :
Lotier splendide -- © Barbara J. Collins.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2011.
No de catalogue CW69-14/42-2011F-PDF
ISBN 978-1-100-97282-4

COSEPAC
Sommaire de l’évaluation

Sommaire de l’évaluation – novembre 2010

Nom commun
Lotier splendide

Nom scientifique
Lotus formosissimus

Statut
En voie de disparition

Justification de la désignation
Cette plante vivace remarquable a une aire de répartition très restreinte qui se limite à quelques sites de mares printanières et de zones de suintement dans les écosystèmes du chêne de Garry situés dans le sud-est de l'île de Vancouver. Ces petites populations semblent stables, mais elles sont continuellement menacées par une perte d’habitat résultant de changements successionnels causés par des espèces ligneuses, de la propagation de plantes envahissantes et du broutage par des lapins introduits.

Répartition
Colombie-Britannique

Historique du statut
Espèce désignée « en voie de disparition » en avril 1996. Réexamen et confirmation du statut en mai 2000 et en novembre 2010.

COSEPAC
Résumé

Lotier splendide
Lotus formosissimus

Description et importance de l’espèce sauvage

Le lotier splendide (Lotus formosissimus) est une plante herbacée vivace de la famille des papilionacées (Fabacées). La souche produit plusieurs tiges feuillées étalées pouvant atteindre 50 cm de longueur. Vers la fin du printemps, la plante produit des groupes serrés de fleurs jaune et violet, sur de courts rameaux. Durant l’été, des gousses minces se forment à la place des fleurs.

Répartition

Le lotier splendide se rencontre sporadiquement dans l’île de Vancouver et dans l’ouest de l’État de Washington et de manière relativement continue dans l’ouest de l’Orégon et sur la côte de Californie. Au Canada, l’espèce ne compte que 4 populations, toutes situées dans la région de Victoria, qui inclut les îles voisines de cette ville.

Habitat

Au Canada, le lotier splendide est confiné à des prés maritimes, des zones de suintements et des mares printanières situés près de la côte, dans la zone biogéoclimatique côtière à douglas. Ces milieux sont considérés comme faisant partie des écosystèmes associés au chêne de Garry et se caractérisent par des étés chauds et secs, des hivers doux et humides ainsi qu’une flore particulière. Moins de 5 % de la superficie d’origine de ces écosystèmes existent encore dans un état quasi naturel. À l’extérieur du Canada, le lotier splendide se rencontre principalement dans des milieux humides et occasionnellement dans des milieux non humides.

Biologie

Le lotier splendide ne se multiplie que par ses graines, et on estime que la plante a une longue durée de vie. Dans les populations canadiennes, l’espèce produit des graines en abondance, mais il est rare que des plantules parviennent à s’établir.

Taille et tendances des populations

Les 4 populations canadiennes ont un effectif total estimatif de 650 à 960 individus matures. Une des populations ne comprend que 3 individus matures, tandis que chacune des 3 autres en compte plus d’une centaine. Une cinquième population, historique, est considérée comme disparue. Les populations existantes ne semblent pas être en déclin.

Menaces et facteurs limitatifs

Au Canada, le lotier splendide est peut-être limité par l’empiétement de la végétation ligneuse et par la compétition qu’exercent les graminées exotiques. Le broutage par des animaux non indigènes pourrait également menacer certaines sous-populations.

Protection, statuts et classements

Le lotier splendide figure à titre d’espèce en voie de disparition dans l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral; il est donc illégal d’endommager les individus de cette espèce se trouvant sur des terres fédérales. Toutes les populations canadiennes se trouvent au moins en partie sur des terres fédérales. Une des populations se trouve en partie dans une réserve écologique, où elle jouit également d’une protection juridique. Des mesures de rétablissement ont été entreprises à l’égard de toutes les populations canadiennes.

L’organisme NatureServe estime que le lotier splendide est gravement en péril à l’échelle de la Colombie-Britannique et du Canada. À l’échelle mondiale, l’espèce est jugée non en péril, étant considérée comme vulnérable à apparemment non en péril à l’échelle des États-Unis.

Résumé technique

Lotus formosissimus

Lotier splendide Seaside Bird’s-foot Lotus
Répartition du Canada (province/territoire/océan) : Colombie-Britannique

Données démographiques

Durée d’une génération Inconnue mais probablement bien supérieure à 2 années
Y a-t-il un déclin continu observé, inféré ou prévu du nombre total d’individus matures? Non
Pourcentage estimé de déclin continu du nombre total d’individus matures pendant cinq années. Aucun
Pourcentage de réduction ou d’augmentation du nombre total d’individus matures au cours des dix dernières années. Inconnu, mais apparemment stable
Pourcentage prévu ou présumé de réduction ou d’augmentation du nombre total d’individus matures au cours des dix prochaines années. Inconnu, probablement stable
Pourcentage de réduction ou d’augmentation du nombre total d’individus matures au cours de toute période de dix ans ou de trois générations couvrant une période antérieure et ultérieure. Probablement stable
Est-ce que les causes du déclin sont clairement réversibles et comprises et ont effectivement cessé? Sans objet
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures? Non

Information sur la répartition

Superficie estimée de la zone d’occurrence
La superficie réelle de la zone d’occurrence, de 4 km², a été remplacée par l’IZO, conformément à la règle du COSEPAC concernant les cas où cette superficie est inférieure à l’IZO.
24 km²
Indice de la zone d’occupation (IZO) 24 km²
La population totale est-elle très fragmentée? Non
Nombre de « localités »* Maximum de 5
Y a-t-il un déclin continu de la zone d’occurrence? Non
Y a-t-il un déclin continu de l’indice de la zone d’occupation? Non
Y a-t-il un déclin continu du nombre de populations? Non
Y a-t-il un déclin continu du nombre de localités? Non
Y a-t-il un déclin continu de la superficie, de l’étendue ou de la qualité de l’habitat? Oui, déclin de la superficie et de la qualité
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations? Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de localités*? Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes de la zone d’occurrence? Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes de l’indice de la zone d’occupation? Non

Nombre d’individus matures (dans chaque population)

Population Nbre d’individus matures
Île Trial 400 – 600
Cap William 3
Pointe Rocky (pointe Church) 140 – 220
Pointe Rocky (côte est) 115 – 145
Total 658 – 968

Analyse quantitative

La probabilité de disparition de l’espèce de la nature est d’au moins [20 % sur 20 ans ou 5 générations, ou 10 % sur 100 ans]. Non effectuée

Menaces (réelles ou imminentes, pour les populations ou leur habitat)

Empiétement des plantes ligneuses, arbustes envahissants, graminées envahissantes, herbivorie, changements climatiques.

Immigration de source externe (immigration de l’extérieur du Canada)

Situation des populations de l’extérieur
Non en péril
Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible? Inconnue et improbable
Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre au Canada? Probablement
Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants? Oui
La possibilité d’une immigration de populations externes existe-t-elle? Non

Statuts existants

COSEPAC :
Espèce en voie de disparition (novembre 2010)

Statut recommandé et justification de la désignation

Statut :
Espèce en voie de disparition
Code alphanumérique :
B1ab(iii)+2ab(iii)
Cette plante vivace remarquable a une aire de répartition très restreinte qui se limite à quelques sites de mares printanières et de zones de suintement dans les écosystèmes du chêne de Garry situés dans le sud-est de l'île de Vancouver. Ces petites populations semblent stables, mais elles sont continuellement menacées par une perte d’habitat résultant de changements successionnels causés par des espèces ligneuses, de la propagation de plantes envahissantes et du broutage par des lapins introduits.

Applicabilité des critères

Critère A (déclin du nombre total d’individus matures) : Sans objet, car il n’y a aucun déclin manifeste.
Critère B (petite aire de répartition et déclin ou fluctuation) : Correspond au critère de la catégorie « en voie de disparition », B1ab(iii)+2ab(iii), car la zone d’occurrence et l’IZO respectent les limites du critère, et il y a eu déclin de l’étendue et de la qualité de l’habitat dans un maximum de 5 localités.
Critère C (nombre d’individus matures peu élevé et en déclin) : Sans objet, car il n’y a aucun déclin manifeste.
Critère D (très petite population totale ou répartition restreinte) : Correspond au critère de la catégorie « menacée », D1, car il y a moins de 1 000 individus matures.
Critère E (analyse quantitative) : Aucune analyse quantitative n’est disponible.

* Voir les documents : Instructions pour la préparation des rapports de situation du COSEPAC et Définitions et abréviations approuvées par le COSEPAC.

Préface

Depuis la préparation du premier rapport de situation (Ryan et Douglas, 1996), une population de Lotus formosissimus que l’on croyait disparue a été retrouvée. Les activités accrues de recherche dans les localités connues ont produit des estimations d’effectif au moins 3 fois plus élevées que celles obtenues en 1996. Par ailleurs, la Loi sur les espèces en péril (LEP) est entrée en vigueur, ce qui a assuré une protection à l’espèce sur les terres fédérales. Conformément à la LEP, un programme de rétablissement de l’espèce a été publié dans le Registre public de la LEP (Agence Parcs Canada, 2006). Ce programme a été établi selon une approche multispécifique et propose des mesures favorisant 9 espèces en péril des prés maritimes faisant partie des écosystèmes associés au chêne de Garry, dont le lotier splendide. Des mesures spécifiques ont été prises dans divers sites pour lutter contre la propagation des espèces envahissantes et éliminer les arbustes et les conifères empiétant sur l’habitat des espèces en péril.

Mandat du COSEPAC
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) détermine la situation, à l'échelle nationale, des espèces, sous-espèces, variétés et populations (importantes à l'échelle nationale) sauvages jugées en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes des groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles, poissons, mollusques, lépidoptères, plantes vasculaires, lichens et mousses.

Composition du COSEPAC
Le COSEPAC est formé de représentants des organismes provinciaux et territoriaux responsables des espèces sauvages, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des Pêches et des Océans et Partenariat fédéral en biosystématique) et de trois organismes non gouvernementaux, ainsi que des coprésidents des groupes de spécialistes des espèces. Le Comité se réunit pour examiner les rapports sur la situation des espèces candidates.

Définitions

Espèce
Toute espèce, sous-espèce, variété ou population indigène de faune ou de flore sauvage géographiquement définie.

Espèce disparue (D)
Toute espèce qui n'existe plus.

Espèce disparue du Canada (DC)
Toute espèce qui n'est plus présente au Canada à l'état sauvage, mais qui est présente ailleurs.

Espèce en voie de disparition (VD)
Toute espèce exposée à une disparition ou à une extinction imminente.

Espèce menacée (M)
Toute espèce susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants auxquels elle est exposée ne sont pas inversés.

Espèce préoccupante (P)*
Toute espèce qui est préoccupante à cause de caractéristiques qui la rendent particulièrement sensible aux activités humaines ou à certains phénomènes naturels.

Espèce non en péril (NEP)**
Toute espèce qui, après évaluation, est jugée non en péril.

Données insuffisantes (DI)***
Toute espèce dont le statut ne peut être précisé à cause d'un manque de données scientifiques.

* Appelée « espèce rare » jusqu'en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
** Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire »
*** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu'en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d'une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité avait pour mandat de réunir les espèces sauvages en péril sur une seule liste nationale officielle, selon des critères scientifiques. En 1978, le COSEPAC (alors appelé CSEMDC) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. Les espèces qui se voient attribuer une désignation au cours des réunions du comité plénier sont ajoutées à la liste.

Le Service canadien de la faune d'Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le Lotier splendide Lotus formosissimus au Canada – 2010

Description et importance de l’espèce sauvage

Nom et classification

Nom scientifique : Lotus formosissimus Greene

Synonyme : Hosackia gracilis Benth.

Nom français : Lotier splendide

Noms anglais : Seaside Bird’s-foot Lotus, Seaside Bird’s-foot Trefoil, Coast Lotus, Witch’s Teeth, Coast Hosackia

Famille : Fabacées (papilionacées)

Grand groupe végétal :  Eudicotylédones

Le Lotus formosissimus a été décrit sous le nom Hosackia gracilis à partir de spécimens récoltés en Californie (Bentham, 1837). Greene (1890) a par la suite démontré que le nom Hosackia est un synonyme de Lotus. Comme le nom Lotus gracilis désignait déjà une espèce européenne, il a fallu attribuer à l’espèce une nouvelle épithète spécifique (Greene, 1890).

Description morphologique

La morphologie du Lotus formosissimus est décrite par Douglas et al. (1998) et illustrée à la figure 1. Le L. formosissimus est une plante herbacée vivace poussant à partir d’une souche ramifiée. Les tiges sont étalées à ascendantes, longues de 20 à 50 cm. Les feuilles sont alternes, composées-pennées, comportant 5 à 9 folioles opposées, elliptiques à oblongues. Les fleurs sont réunies en ombelles dont le long pédoncule prend naissance sur la tige à l’aisselle d’une feuille. Chaque ombelle comporte 3 à 9 fleurs et est sous-tendue par une bractée tripartite. La corolle est fortement bicolore : l’étendard est jaune, les ailes sont violet-rose, et l’extrémité de la carène est violette. Le calice mesure 5 à 6 mm de longueur, et ses dents sont légèrement plus courtes que le tube. Le fruit est une gousse mince, longue de 2 à 3 cm, renfermant un petit nombre de graines.

Figure 1. Morphologie du lotier splendide (Lotus formosissimus). Reproduction autorisée d’un dessin tiré de Hitchcock et Cronquist (1973).

Illustration du lotier splendide.

On peut distinguer le Lotus formosissimus des autres espèces de Lotus présentes en Colombie-Britannique à ses fleurs bicolores jaune et violet ou, à défaut de fleurs, à la combinaison suivante de caractères : port vivace; feuilles pétiolées; stipules foliacées; ombelles sous-tendues par une bractée tripartite.

Structure spatiale et variabilité de la population

Les populations canadiennes du Lotus formosissimus occupent une aire disjointe par rapport aux autres populations de l’espèce et sont donc isolées sur le plan reproducteur. Aucune information n’est disponible sur les effets génétiques de cet isolement. La plupart des populations canadiennes sont composées de plusieurs sous-populations géographiquement séparées.

Unités désignables

Les unités désignables ne sont pas reconnues. L’espèce a une répartition canadienne restreinte, et on n’y reconnaît aucun taxon infraspécifique. De plus, elle est présente dans une seule des aires écologiques nationales du COSEPAC, celle du Pacifique.

Importance

Au Canada, le Lotus formosissimus se rencontre dans une zone restreinte et, à l’intérieur de cette zone, dans des milieux restreints. Les zones de suintement et les mares printanières où pousse l’espèce sont situées près de la côte et ont été grandement réduites par l’expansion résidentielle. Au moins 15 autres espèces de plantes menacées ou en voie de disparition ainsi que de nombreuses espèces figurant sur les listes rouge et bleue de la province poussent dans les mêmes milieux. Au Canada, ces milieux sont uniques sur les plans floristique et climatique. Par ailleurs, les populations canadiennes sont isolées par rapport à l’aire de répartition principale de l’espèce, qui se trouve plus au sud, et ce sont probablement les reliques d’une répartition ancienne plus étendue. L’espèce constitue donc un lien vivant avec le patrimoine biogéographique et paléoécologique de la Colombie-Britannique.

Le Lotus formosissimus est renommé pour sa beauté, ayant même déjà été considéré comme la plus belle espèce du genre (Greene, 1890). L’espèce est populaire comme plante de jardin en Californie et pourrait également avoir un potentiel horticole au Canada.

Aucune connaissance traditionnelle autochtone n’est disponible sur cette espèce.

Répartition

Aire de répartition mondiale

Le Lotus formosissimus se rencontre le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord et plus précisément dans le sud de l’île de Vancouver, dans l’ouest des États de Washington et d’Orégon ainsi que sur la côte de Californie (figure 2).

Figure 2. Répartition mondiale du lotier splendide (Lotus formosissimus).

Carte illustrant la répartition mondiale du lotier splendide.

Aire de répartition canadienne

Au Canada, le Lotus formosissimus ne compte que 4 populations, situées dans la région de Victoria, qui inclut l’extrémité sud-est de l’île de Vancouver et les îles voisines. L’indice de la zone d’occupation (IZO) est de 24 km², selon le nombre de carrés de 2 kilomètres renfermant des populations, ou de 9 km², selon le nombre de carrés de 1 kilomètre renfermant des populations. Les populations canadiennes sont réparties sur une superficie totale de 4 km², selon le plus petit polygone convexe incluant toutes les occurrences, si on en soustrait la superficie des plans d’eau. Or, selon les règles du COSEPAC, si on obtient ainsi une zone d’occurrence de superficie inférieure à l’IZO, il faut l’augmenter de manière à ce qu’elle soit égale à l’IZO. La zone d’occurrence est donc de 24 km².

Activités de recherche

Au moins 15 autres plantes menacées ou en voie de disparition ainsi qu’un certain nombre de plantes rares à l’échelle provinciale ont un habitat et une répartition semblables à ceux du Lotus formosissimus. Pour cette raison, les zones de suintement et les milieux humides printaniers se trouvant sur la côte sud de l’île de Vancouver et dans les îles voisines font l’objet de relevés approfondis depuis plusieurs décennies. Des centaines de sites potentiels ont fait l’objet de nombreux relevés depuis le début des années 1980, dans le cadre de projets visant à répertorier la répartition des plantes rares des zones de suintement et des mares printanières du sud-est de l’île de Vancouver et des îles Gulf. La plupart des relevés ont été menés durant la période de floraison du L. formosissimus. Malgré ces recherches intensives, aucune nouvelle population du L. formosissimus n’a été découverte au Canada depuis le début des années 1990 (Centre de donnés sur la conservation, 2009).

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Au Canada, le Lotus formosissimus se rencontre dans une seule zone biogéoclimatique, la zone côtière à douglas, qui se caractérise par des hivers doux et humides et des étés chauds et secs à déficit hydrique prononcé (Green et Klinka, 1994). À l’intérieur de cette zone, l’espèce pousse dans des milieux demeurant humides une partie de l’année, généralement à moins de 50 m du littoral, à l’intérieur de prés maritimes et de terrains boisés clairsemés. Ces mares printanières et ces zones de suintement se forment souvent dans les poches de sol séparant des affleurements rocheux. Le couvert arborescent varie de modérément dense à presque nul. Le Lotus formosissimus semble avoir besoin de beaucoup de lumière, car il produit peu de pousses et ne fleurit pas sous couvert relativement dense. Les espèces typiques du couvert arborescent sont le chêne de Garry (Quercus garryana), le douglas de Menzies (Pseudotsuga menziesii) et le pin tordu côtier (Pinus contorta var. contorta). Les arbustes communément présents comprennent le rosier de Nootka (Rosa nutkana), des saules (Salix spp.) et le salal (Gaultheria shallon). La camassie camash (Camassia quamash), la sanicle à tige charnue (Sanicula crassicaulis) et le mimule tacheté (Mimulus guttatus) figurent parmi les espèces communes de plantes herbacées à feuilles larges. De nombreuses graminées peuvent également être présentes, dont la danthonie de Californie (Danthonia californica), la fétuque rouge (Festuca rubra) ainsi que 2 espèces exotiques, la houlque laineuse (Holcus lanatus) et le dactyle pelotonné (Dactylis glomerata). Certains individus de L. formosissimus poussent près de la limite des hautes mers, où il n’y a presque aucune autre végétation. À la pointe Rocky, une colonie se trouve dans un milieu inhabituel, une petite zone humide à l’intérieur d’un peuplement de chêne de Garry, à au moins 350 m du littoral. À cet endroit, les espèces associées au lupin splendide sont le carex voilé (Carex obnupta), le carex de Dewey (C. deweyana), l’épiaire de Cooley (Stachys cooleyae) ainsi que deux espèces exotiques, la renoncule rampante (Ranunculus repens) et la houlque laineuse.

Aux États-Unis, le Lotus formosissimus est considéré comme une espèce facultative des milieux humides (Department of Agriculture des États-Unis, 2009). L’espèce s’y rencontre dans une variété de milieux humides et notamment dans des prés maritimes, des prairies humides, des berges de petits cours d’eau et des tourbières, mais également, bien que moins souvent, dans des milieux non humides.

Tendances en matière d’habitat

En 2006, les écosystèmes associés au chêne de Garry avaient déjà perdu 90 % de la superficie qu’ils occupaient au Canada au moment de la colonisation euro-canadienne (Lea, 2006). La transformation de ces écosystèmes à des fins résidentielles ou commerciales se poursuit aujourd’hui, et la pression de l’exploitation foncière est élevée à l’extérieur des zones protégées. Les milieux côtiers que privilégie le Lotus formosissimus ont probablement subi des pertes encore plus élevées que l’ensemble des écosystèmes associés au chêne de Garry, car ce sont les secteurs côtiers qui subissent la plus forte pression de l’exploitation. De plus, les prés maritimes ont perdu une partie de leur étendue à cause de l’empiétement des arbres et arbustes (Fuchs, 2001). Autrefois, bon nombre de ces écosystèmes étaient régulièrement brûlés par les Premières Nations, qui maintenaient ainsi diverses ressources alimentaires, notamment les bulbes de Camassia (Turner et Bell, 1971). Cette pratique a cessé au 19e siècle, avec la colonisation euro-canadienne, ce qui a provoqué un empiétement des plantes ligneuses sur les prés autrefois maintenus par le feu. Les milieux servant d’habitat au L. formosissimus sont peut-être particulièrement sensibles à un tel empiétement, car ils sont souvent moins sujets à la sécheresse que les prés environnants. À la pointe Rocky, Gedalof et al. (2006) ont constaté que les cours d’eau éphémères avaient été la première partie des prés à se reboiser après la cessation des incendies. Dans les localités actuelles du L. formosissimus, il y a eu un déclin de la superficie et de la qualité de l’habitat.

Biologie

Il existe peu d’information sur la biologie du Lotus formosissimus. La plus grande partie des données disponibles sur le cycle vital et la reproduction de l’espèce proviennent d’études récentes visant les populations canadiennes (Fairbarns, 2005; idem, 2009).

Cycle vital et reproduction

La souche pérennante de la plante commence souvent à produire des pousses en automne, par temps doux et humide, mais ces pousses ne lèvent du sol qu’au printemps (Fairbarns, comm. pers., 2009). La floraison a lieu en mai et juin, et les graines sont libérées en juin et juillet. La plupart des tiges meurent jusqu’à la souche au cours de la partie sèche de l’été, mais certaines restent vertes jusqu’à l’automne (Ryan et Douglas, 1996). Il arrive que les tiges se ramifient sous la surface du sol, mais la plante ne produit aucun rhizome véritable et ne se reproduit pas par voie végétative.

Selon Zandstra et Grant (1968), le Lotus formosissimus a besoin d’une pollinisation croisée pour produire des graines viables. Chez une espèce apparentée non indigène à la Colombie-Britannique, le Lotus corniculatus, chaque fleur a besoin de 12 à 25 visites d’abeilles pour que la gousse produise le nombre maximal de graines (Morse, 1956). Une étude portant sur 5 espèces du genre Lotus a révélé que ces plantes comportent une grande diversité de systèmes sexuels, dont l’autopollinisation obligatoire, la pollinisation obligatoire par des fleurs de la même inflorescence et la pollinisation obligatoire par d’autres individus (Richards et Friesen, 2001). Durant les travaux de terrain de 2009, la visite de pollinisateurs a été observée seulement 4 fois chez le L. formosissimus, malgré les conditions météorologiques propices et un effort délibéré d’observer de telles visites. De plus, 2 des visites ont été faites par des bourdons (Bombus sp.), et les 2 autres l’ont été par un papillon de jour, l’Erynnis propertius. Cependant, malgré la rareté apparente de ces visites, l’espèce produit une abondance de graines à l’île Trial et à la pointe Rocky (Fairbarns, 2009).

Dans le cadre d’un essai en serre, le taux de germination du Lotus formosissimus a été de 7 % à 30 % (Trehearne, comm. pers., 2009). Cependant, en milieu naturel, le taux de germination semble médiocre. En effet, peu de plantules ont été observées durant les travaux de terrain de 2009. Une série d’expériences menées sur le terrain ont donné des taux de germination de 0 % à 6,5 %, et les graines ne germaient que la première et la deuxième année après leur mise en terre (Fairbarns, 2009). Cependant, il est possible que les graines n’ayant pas germé soient demeurées viables dans le sol, car les graines de nombreuses légumineuses connaissent une période de dormance. Chez le L. formosissimus, il y a dormance physique des graines, qui restent viables au moins 2 années dans le sol (Fairbarns, 2005). Les quelques plantules obtenues dans le cadre des expériences in situ ont eu un taux de survie élevé, mais une croissance lente. Ben que certaines des plantes fleurissent la deuxième année après la germination, la plupart n’ont pas fleuri même la troisième année (Fairbarns, 2009). Le L. formosissimus est probablement une espèce à longue durée de vie qui réussit assez rarement à se reproduire (Ryan et Douglas, 1996).

Physiologie et adaptabilité

Aucune information n’est disponible sur la physiologie du Lotus formosissimus. Comme de nombreuses autres légumineuses, cette espèce est associée à des bactéries fixatrices d’azote du genre Rhizobium qui augmentent la disponibilité d’éléments nutritifs à proximité des racines (Fairbarns, 2005).

Le fait que le Lotus formosissimus soit populaire comme plante de jardin dans la partie sud de son aire, aux États-Unis, semble indiquer que l’espèce peut s’adapter à des conditions non typiques de son habitat naturel actuel. Cependant, ses faibles taux de dispersion et de germination ainsi que sa sensibilité apparente à la compétition et aux changements climatiques (voir la section « Menaces et facteurs limitatifs ») semblent indiquer qu’elle ne pourrait pas s’adapter facilement, en milieu naturel, à des conditions changeantes.

Dispersion

Les graines sont libérées de manière explosive à mesure que sèchent les gousses, et elles peuvent ainsi être projetées à plusieurs mètres. On sait par ailleurs que d’autres espèces du genre Lotus sont dispersées par les ongulés, qui broutent les gousses puis en rejettent les graines viables avec leurs excréments (Sevilla et al., 1996; Myers et al., 2004). Cependant, il est peu probable que ce mécanisme de dispersion joue un rôle important au Canada, où on n’a jamais signalé chez le L. formosissimus des dommages dus au broutage par les chevreuils.

Relations interspécifiques

Les principales relations interspécifiques de l’espèce ont trait à la pollinisation, à la compétition et à l’herbivorie. Ces facteurs sont décrits dans les sections « Cycle vital et reproduction », ci-dessus, et « Menaces et facteurs limitatifs », ci-dessous.

Taille et tendances des populations

Activités et méthodes d’échantillonnage

En 2009, dans le cadre de ce rapport, J. Miskelly a fouillé tous les sites où le Lotus formosissimus avait déjà été signalé au Canada. Dans chaque site, il a systématiquement fouillé les milieux pouvant servir d’habitat à l’espèce. En cas de détection de l’espèce, il estimait le nombre d’individus matures présents et recueillait des données sur leur habitat, en considérant comme matures tous les individus portant des fleurs ou des fruits, même avortés, ainsi que tous les individus à tige longue ou à tiges multiples dont la non-floraison pouvait être due à une perte de vigueur causée par l’ombre. Comme les tiges se ramifient dans le sol à partir de la souche, tout groupe de tiges poussant à partir d’un même point était considéré comme un seul individu. Périodiquement, Miskelly retirait le substrat pour confirmer que l’estimation était exacte. Comme les individus n’ont pas été distingués de manière catégorique, les fourchettes d’effectif ne sont que des estimations. Dans les sites où plusieurs sous-populations ont été répertoriées, les relevés ont également ciblé les secteurs se trouvant entre ces sous-populations. On trouvera des précisions supplémentaires sur les activités d’échantillonnage dans la section « Activités de recherche ».

Abondance

Le Lotus formosissimus compte au Canada 4 populations existantes connues (figure 3). En 1996, on croyait qu’une de celles-ci, celle du cap William, était disparue (Ryan et Douglas, 1996), mais elle a été retrouvée par la suite grâce à un plus grand nombre de recherches intensives. En 2009, cette population était constituée de 3 individus matures. Les 3 autres populations existantes comprennent chacune plusieurs sous-populations, dont l’effectif va d’un seul individu à plus d’une centaine. Le nombre total estimatif d’individus matures présents au Canada est de 658 à 968 (tableau 1).

Figure 3. Carte du sud de l’île de Vancouver, avec répartition canadienne du lotier splendide (Lotus formosissimus). Les localités existantes ont été établies aux termes de la définition de « localité » adoptée par le COSEPAC.

Carte de la répartition canadienne du lotier splendide.
Tableau 1. Effectif estimatif des populations connues du Lotus formosissimus au Canada.
Localité avec date de première observation Nombre estimatif d’individus matures Auteur et date de la plus récente observation
Baie Foul (1912) Population disparue Macoun, 1912
Île Trial (1953) 400 – 600 Miskelly, 2009
Cap William (1953) 3 Miskelly, 2009
Pointe Rocky, côte est* (1993) 65 – 85 Miskelly, 2009
Pointe Rocky, côte est (île Bentinck)* (1993) 50 – 60 Miskelly, 2009
Pointe Rocky, pointe Church (1977) 140 – 220 Miskelly, 2009

*À la pointe Rocky, les individus poussant sur la côte est proprement dite et dans l’île Bentinck sont séparés par une distance inférieure à 1 km et sont donc considérés comme une seule population, mais les 2 localités sont considérées comme distinctes aux fins de l’évaluation des menaces.

Les populations de l’île Trial ainsi que de la pointe Church, à la pointe Rocky, sont manifestement viables et réunissent plus de 80 % de l’effectif total d’individus matures des 4 populations ici reconnues du fait qu’elles sont séparées par des distances supérieures à leur capacité de dispersion à long terme. La population de la côte est de la pointe Rocky, comprenant 2 sous-populations, est aussi probablement viable. De plus, comme aucun déclin du nombre d’individus matures n’a été répertorié chez l’ensemble de l’espèce, les populations du Lotus formosissimus ne sont pas gravement fragmentées selon la définition de ce terme adoptée par le COSEPAC.

Les 4 populations canadiennes du Lotus formosissimus correspondent à 5 localités selon la définition de ce terme adoptée par le COSEPAC (voir la section « Menaces et facteurs limitatifs »).

Fluctuations et tendances

On sait que le Lotus formosissimus est disparu d’un site au Canada (tableau 1). Cette population a été signalée pour la dernière fois en 1912, et tous les milieux pouvant servir d’habitat à l’espèce dans ce site ont été détruits par l’expansion résidentielle. Étant donné l’étendue et la rapidité de l’exploitation foncière sur le littoral de la région de Victoria, il est probable que d’autres populations ont été éliminées avant qu’on ait eu le temps de les répertorier. On considère par ailleurs que le spécimen récolté en 1908 portant la mention « Oak Bay » ne représente pas une autre population disparue, car il pourrait s’agir de la population de la baie Foul ou de celle de l’île Trial.

Le nombre total estimatif d’individus matures actuellement présents au Canada est au moins 3 fois plus élevé que celui signalé en 1996 (Ryan et Douglas, 1996). En effet, ces auteurs estimaient alors que la population du cap William était disparue, que la population de l’île Trial comptait 28 individus et que celle de la pointe Rocky en comptait 165. La population de la pointe Church n’avait pas encore fait l’objet d’un relevé, et les sous-populations de l’île Bentinck n’avaient pas été repérées (Ryan et Douglas, 1996). Par conséquent, les effectifs plus élevés notés en 2009 sont le résultat de relevés plus complets et non d’une augmentation réelle du nombre d’individus. Étant donné les incohérences existant entre les territoires visés par les divers relevés, il est impossible d’établir les tendances de l’ensemble de la population canadienne. Cependant, les populations et sous-populations ayant fait l’objet de relevés répétés semblent stables (Centre de données sur la conservation de la Colombie-Britannique, 2009). Certaines sous-populations subissent peut-être un déclin dû à l’empiétement des plantes ligneuses (voir la section « Menaces »), tandis que d’autres connaissent peut-être une augmentation attribuable aux mesures de rétablissement (voir la section « Protection et propriété de l’habitat »). Rien n’indique que l’espèce soit en déclin au Canada ou que ses populations connaissent des fluctuations importantes. Ces conclusions sont compatibles avec la longue durée de vie et le faible taux de reproduction attribués à l’espèce (Ryan et Douglas, 1996).

Immigration de source externe

À l’extérieur du Canada, la population la plus proche se trouve dans le comté de Mason, dans l’État de Washington, à au moins 70 km des populations canadiennes (Burke Museum, 2009). La probabilité que des graines puissent se déplacer naturellement sur une telle distance est négligeable. Les populations canadiennes sont en outre séparées l’une de l’autre par des distances supérieures à la capacité de dispersion normale de l’espèce, sauf si cette capacité est envisagée en fonction d’une longue période de temps et de conditions assurant un habitat à la fois plus continu et plus abondant.

Menaces et facteurs limitatifs

Toutes les populations canadiennes connues, sauf une partie de celle de l’île Trial, se trouvent sur des terres fédérales ou dans des zones protégées provinciales, où la destruction de l’habitat ne constitue pas une menace importante. Il semble que la compétition exercée par les plantes ligneuses et les graminées envahissantes ainsi que la présence de vertébrés exotiques consommant la plante constituent de plus graves menaces.

Au Canada, le Lotus formosissimus est peut-être menacé par l’empiétement de la végétation ligneuse. À la pointe Rocky, le douglas et le pin tordu côtier font de l’ombre sur plusieurs des sous-populations. De nombreux individus poussant à l’ombre de ces arbres produisent moins de tiges et moins de fleurs que ceux poussant en terrain plus dégagé. Des milieux qui sont situés à proximité de sous-populations et sembleraient convenir à l’espèce sont dominés par des petits conifères qui ont complètement supplanté les espèces herbacées. Il pourrait donc s’agir de milieux où le L. formosissimus a déjà été présent. À la pointe Rocky, la succession végétale a transformé en forêts de grandes superficies qui étaient occupées en 1850 par des prés dégagés, et cette succession a été le plus rapide dans les milieux humides saisonniers que privilégie le L. formosissimus (Gedalof et al., 2006). La présence de peuplements denses de conifères limite aujourd’hui la capacité de l’espèce à coloniser de nouveaux milieux pouvant lui convenir.

Certaines des sous-populations de la pointe Rocky et de l’île Trial sont confinées à d’étroites bandes d’habitat situées entre les affleurements rocheux et les fourrés denses de saule ou de salal. On ne sait pas s’il s’agit d’une situation stable ou si les fourrés ont empiété sur des zones autrefois occupées par le L. formosissimus. Il est possible que ces fourrés limitent actuellement la capacité d’expansion des populations. Il est également possible que cette expansion soit limitée par des arbustes exotiques, dont le lierre commun (Hedera helix), l’ajonc d’Europe (Ulex europaeus) et le genêt à balais (Cytisus scoparius). Au moins une de ces espèces était présente dans la moitié des sous-populations examinées durant les travaux de terrain de 2009.

On croit que le Lotus formosissimus oppose une compétition médiocre aux graminées exotiques. Ces graminées sont généralement abondantes dans les écosystèmes associés au chêne de Garry (Fuchs, 2001). Les trois espèces les plus préoccupantes de graminées envahissantes sont le dactyle pelotonné, la houlque laineuse et la flouve odorante (Anthoxanthum odoratum) (GOERT, 2007). Au moins une de ces espèces était présente dans les deux tiers des sous-populations examinées durant les travaux de terrain de 2009.

En tout, 2 des sous-populations examinées durant les travaux de terrain de 2009 présentaient des dommages dus aux herbivores. Une de celles-ci se trouve en bordure d’une zone intensément broutée par une population non migratrice de Bernache du Canada (Branta canadensis). Ces oiseaux ne sont pas indigènes à la région, où ils ont été introduits vers la fin des années 1960 (Smith, 2000). Les dommages causés par les oiseaux paraissent légers, mais la zone intensément broutée semble être un milieu qui conviendrait au L. formosissimus. Il est donc possible que l’espèce ait été éliminée de cette zone. Une autre sous-population subit un broutage intense par le lapin à queue blanche (Sylvilagus floridanus), non indigène à la province. Des études antérieures ont révélé que cette sous-population ne fleurissait jamais, jusqu’à ce que de petits exclos protégeant la plante du broutage soient aménagés (Byrne et al., 2007). Par la suite, les individus se trouvant dans ces exclos ont fleuri et ont produit 50 % plus de tiges que les individus non protégés.

En Californie, des populations de Lotus formosissimus ont fortement décliné en présence de conditions de sécheresse (Fish and Wildlife Service des États-Unis, 1985). Tout changement climatique ou hydrologique ayant pour effet un assèchement rapide des mares printanières et des zones de suintement provoquerait probablement un déclin chez les populations canadiennes.

Les 4 populations canadiennes sont jusqu’à un certain point menacées par l’empiétement des plantes ligneuses et des graminées exotiques. Les 2 sous-populations de la population de la côte est de la pointe Rocky sont respectivement situées dans l’île de Vancouver et à l’île Bentinck et sont ainsi séparées par une distance de moins de 1 km. Ces 2 sous-populations sont cependant exposées à des menaces différentes, car celle de l’île Bentinck est broutée par le lapin à queue blanche (Schiller, comm. pers., 2009). Ces 2 sous-populations peuvent donc être considérées comme des localités différentes aux termes de la définition de « localité » adoptée par le COSEPAC et l’UICN. Dans l’ensemble, les 4 populations canadiennes se répartissent en 5 localités en raison de leur séparation au-delà des distances de dispersion normales et à court terme, de leurs différents taux d'empiètement de la végétation ligneuse à 4 sites et de la menace de l'herbivorie sur le site de l'île Bentinck.

Protection, statuts et classements

Statuts et protection juridiques

En mai 2000, Le Lotus formosissimus était désigné « espèce en voie de disparition » par le COSEPAC et figure actuellement à ce titre à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral; il est donc illégal d’endommager les individus se trouvant sur des terres fédérales. Deux des populations canadiennes se trouvent entièrement sur des terres fédérales. La population de l’île Trial se trouve en partie sur des terres fédérales, en partie dans une réserve écologique provinciale et en partie sur des terres de la Couronne provinciales. Il est illégal d’endommager les plantes se trouvant dans la réserve, mais celles se trouvant sur des terres de la Couronne ne jouissent d’aucune protection juridique. Le L. formosissimus est une espèce susceptible d’être désignée aux termes d’une loi provinciale, la Wildlife Amendment Act, 2004, et une telle désignation lui conférerait une protection juridique.

Autres classements

L’organisme NatureServe (2010) a attribué au Lotus formosissimus les cotes S1 (gravement en péril) à l’échelle de la Colombie-Britannique et S3 (vulnérable) à l’échelle de la Californie, mais aucune cote de conservation n’a été attribuée à l’espèce pour les États de Washington et d’Orégon. On a attribué à l’espèce les cotes G4 (apparemment non en péril) à l’échelle mondiale, N3N4 (vulnérable à apparemment non en péril) à l’échelle des États-Unis et N1 (gravement en péril) à l’échelle du Canada. Aucune de ces désignations ne confère une protection juridique à l’espèce.

Protection et propriété de l’habitat

La population du cap William est située sur des terres fédérales appartenant à Services correctionnels Canada. Les populations de la pointe Rocky sont situées sur des terres fédérales appartenant au ministère de la Défense nationale. La population de l’île Trial est située en partie sur des terres fédérales appartenant à la Garde côtière canadienne, en partie dans une réserve écologique provinciale et en partie sur des terres de la Couronne provinciales.

Conformément à la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral, un programme de rétablissement a été préparé pour le Lotus formosissimus (Agence Parcs Canada, 2006). Des mesures de gestion et de rétablissement de l’habitat ont été entreprises à l’égard de toutes les populations canadiennes, conformément aux recommandations issues du programme de rétablissement. Dans le terrain où se trouve la population du cap William, les arbustes envahissants ont été enlevés, et on a interdit la circulation à pied dans le secteur occupé par l’espèce, sauf durant les travaux d’élimination des arbustes (Trehearne, comm. pers., 2009).

Des travaux d’élimination des arbustes sont menés à la pointe Rocky depuis 2002 (Byrne et al., 2007); les principales espèces ciblées sont le genêt à balais, le chardon vulgaire (Cirsium vulgare) et la tanaisie vulgaire (Tanacetum vulgare). Un petit nombre de conifères qui empiétait a également été enlevé. Ces mesures semblent avoir eu pour effet d’accroître la superficie occupée par le Lotus formosissimus dans les deux populations de la pointe Rocky (celle de la côte est et celle de la pointe Church), mais aucun suivi systématique n’a été effectué (Schiller, comm. pers., 2009). On a aussi interdit la circulation à pied dans tous les secteurs de la pointe Rocky occupés par le L. formosissimus, afin de prévenir les dommages aux plantes et à leur habitat (Schiller, comm. pers., 2009). Le ministère de la Défense nationale prépare à l’heure actuelle un plan de gestion à long terme pour cette espèce à la pointe Rocky (Cornforth, comm. pers., 2009).

Un programme d’élimination des arbustes envahissants est en œuvre depuis 2005 à l’île Trial (Fairbarns, comm. pers., 2009). Ce programme a permis d’éliminer de l’île les individus matures d’ajonc d’Europe et de genêt à balais et de réduire l’abondance du lierre commun dans certains secteurs. Le lierre commun était encore une composante dominante de la végétation dans plusieurs sous-populations du Lotus formosissimus durant les travaux de terrain de 2009, et des plantules d’ajonc d’Europe et de genêt à balais sont toujours présentes. On n’a effectué aucun suivi détaillé permettant de mesurer l’effet de ces mesures sur les populations d’espèces rares. Si on mettait fin au programme, les arbustes envahissants retrouveraient probablement leur abondance antérieure.

Parcs Canada se prépare à effectuer une transplantation expérimentale du Lotus formosissimus dans le lieu historique national de Fort Rodd Hill (Webb, comm. pers., 2009). Ce lieu historique est situé entre deux populations existantes, mais on n’a jamais signalé que l’espèce y ait déjà été présente. En décembre 2009, un plan de transplantation avait été rédigé, un site avait été choisi, et des semences avaient été prélevées dans des populations naturelles aux fins de multiplication.

Un habitat essentiel de l’espèce a été proposé, mais il n’a fait l’objet d’aucune désignation officielle.

Remerciements et experts contactés

Le premier rapport de situation a été rédigé en 1996 par Mike Ryan et George Douglas. L’accès aux sites pour les travaux de terrain de 2009 a été facilité par Anne Anderson, Meredith Dickman, Matt Fairbarns, Andrea Schiller, Fraser Thompson et Chris Trehearne. Justine McCulloch a apporté une aide sur le terrain à l’île Trial. La University of Washington Press a autorisé la reproduction du dessin illustrant la morphologie du Lotus formosissimus.

Experts contactés

Arnett, Joseph. Rare Plant Botanist, Washington Natural Heritage Program. Department of Natural Resources. Olympia (Washington), ÉTATS-UNIS.

Cornforth, Tracy. Environment Officer, Formation Safety and Environment. Department of National Defence. Victoria (Colombie-Britannique).

Donovan, Marta. Botaniste, Conservation Data Centre de la Colombie-Britannique. Ministry of Environment. Victoria (Colombie-Britannique).

Doubt, Jennifer, chef du Service des collections, Botanique, Musée canadien de la nature. Ottawa (Ontario).

Fairbarns, Matthew. Botaniste. Aruncus Consulting. Victoria (Colombie-Britannique).

Fraser, David. Endangered Species Specialist. Ecosystem Branch, Conservation and Planning Section, Ministry of Environment de la Colombie-Britannique. Victoria (Colombie-Britannique).

Gillespie, Lynn, chercheure scientifique, Musée canadien de la nature. Ottawa (Ontario).

Millikin, Rhonda L. Chef intérimaire, Évaluation des populations, Centre de recherche sur la faune du Pacifique, Service canadien de la faune. Delta (Colombie-Britannique).

Nantel, Patrick. Biologiste de la conservation, programme des espèces en péril. Direction de l’intégrité écologique, Parcs Canada. Gatineau (Québec).

Schiller, Andrea. Federal Lands Natural Resources Specialist, Ressources naturelles Canada. Service canadien des forêts. Victoria (Colombie-Britannique).

Schnobb, Sonia. Spécialiste en soutien des projets, évaluation des espèces. Environnement Canada. Gatineau (Québec).

Seutin, Gilles. Coordonnateur, Programme sur les espèces en péril. Parcs Canada, Gatineau (Québec).

Chris Trehearne. Instructeur en horticulture, Établissement William Head. Service correctionnel du Canada, Victoria.

Webb, Conan. Scientifique de l’écosystème. Parcs Canada. Victoria (Colombie-Britannique).

Sources d’information

Agence Parcs Canada. 2006. Programme de rétablissement multi-espèces visant les espèces en péril des prés maritimes associés aux chênaies de Garry au Canada in Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Ottawa: Agence Parcs Canada. 93 p.

Bentham, G. 1837. Observations on the genus Hosackia and the American Loti. Transactions of the Linnaean Society of London. 17: 363-368.

Burke Museum. 2009. Species description for Lotus formosissimus (en anglais seulement). (consulté en septembre 2009).

Byrne, L., Askew, S. Schiller, A. et A. Robinson. 2007. Adaptive management of species at risk in the Garry oak ecosystem. Ressources naturelles Canada, Victoria. 28 p.

Centre de données sur la Conservation de la Colombie-Britannique. 2009. Collected records of Lotus formosissimus in Canada. Compilé pour James Miskelly, mai 2009.

Cornforth, comm. pers. 2009. Conversationavec J. Miskelly. Août 2009. Environment Officer, Formation Safety and Environment. Department of National Defence. Victoria (Colombie-Britannique).

Department of Agriculture des États-Unis. 2009. PLANTS profile for Lotus formosissimus (en anglais seulement). (consulté en septembre 2009).

Douglas, G.W., G.D. Straley et D. Meidinger, éd. 1998. Illustrated Flora of British Columbia, Vol. 3, Dicotyledons (Diapensiaceae through Onagraceae). Ministry of Environment de la Colombie-Britannique, Lands and Parks, Wildlife Branch, et Ministry of Forests Research Program de la Colombie-Britannique, Victoria. 436 p.

Fairbarns, M. 2005. Demographic and phenological patterns of Lotus formosissimus (Seaside Bird’s-foot Trefoil). Ressources naturelles Canada, Victoria. 26 p.

Fairbarns, M. 2009. Population restoration studies of plant species at risk. Ressources naturelles Canada, Victoria.29 p.

Fairbarns, M., comm. pers. 2009. Conversation avec J. Miskelly. Septembre 2009. Botaniste. Aruncus Consulting. Victoria (Colombie-Britannique).

Fish and Wildlife Service des États-Unis. 1985. Draft lotus blue butterfly recovery plan. US Fish and Wildlife Service, Portland (Oregon). 46 p.

Fuchs, Marilyn A. 2001. Towards a Recovery Strategy for Garry Oak and Associated Ecosystems in Canada: Ecological Assessment and Literature Review. Rapport technique GBEI/EC-00-030. Environnement Canada, Service canadien de la faune, région du Pacifique et du Yukon, Vancouver. 106 p.

Gedalof, Z., M. Pellatt et D. J. Smith. 2006. From prairie to forest: Three centuries of environmental change at Rocky Point, Vancouver Island, British Columbia. Northwest Science 80(1): 34-46.

GOERT. 2007. General Decision process for managing invasive plant species in Garry oak and associated ecosystems (PDF; 69.1 Ko) (en anglais seulement). (consulté en septembre 2009).

Green, R. N., et K. Klinka. 1994. A Field Guide for Site Identification and Interpretation for the Vancouver Forest Region. Ministry of Forests de la Colombie-Britannique, Research Branch, Victoria. 285 p.

Greene, E. 1890. Enumeration of the North American Loti. Pittonia. 2(10): 133-150.

Hitchcock, C. L., et A. Cronquist. 1973. Flora of the Pacific Northwest: An Illustrated Manual. University of Washington Press. 730 p.

Lea, T. 2006. Historical Garry Oak Ecosystems of Vancouver Island, British Columbia, pre-European Contact to the Present. Davidsonia 17(2): 34-50

Morse, R.A. 1956. The pollination of birdsfoot trefoil (Lotus corniculatus L.) in New York State. Proceedings of the Tenth International Congress of Entomology 4: 951-953.

Myers, J.A., M. Velland, S. Gardescu et P.L. Marks. 2004. Seed dispersal by white-tailed deer: implications for long-distance dispersal, invasion and migration of plants in eastern North America. Oecologia 139: 35-44.

NatureServe. 2010. NatureServe Explorer: An online encyclopedia of life (application Web) (en anglais seulement). Version 7.0. NatureServe, Arlington (Virginie). ÉTATS-UNIS. (consulté en septembre 2010).

Richards, K.W., et K.R.D. Friesen. 2001. Basic pollination requirements of five Lotus species. Acta Horticulturae. 561: 133-337.

Ryan, M., et G.W. Douglas. 1996. Rapport de situation du COSEPAC sur le lotier splendide (Lotus formosissimus) au Canada. Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada Ottawa. 19 p.

Schiller, A., comm. pers. 2009. Conversation avec J. Miskelly. Juin 2009. Spécialiste des ressources naturelles des terrains fédéraux, Ressources naturelles Canada. Service canadien des forêts. Victoria (Colombie-Britannique).

Sevilla, G.H., O.N. Fernandez, D.P. Minon et L. Montes. 1996. Emergence and seedling survival of Lotus tenuis in Festuca arundinacea pastures. Journal of Range Management 49: 509-511.

Smith, D.W. 2000. Management of Canada Geese in the lower Fraser valley, southwestern British Columbia. P. 151-158 In: Dickson, K.M. (éd.). Towards conservation of the diversity of Canada Geese (Branta canadensis). Occasional Paper Number 103, Service canadien de la faune – Environnement Canada. Ottawa (Ontario).

Trehearne, C. Comm. pers. 2009. Correspondance par courriel avec J. Miskelly. September 2009. Instructeur en horticulture, Établissement William Head. Service correctionnel du Canada, Victoria.

Turner, N., et M. A. M. Bell. 1971. The ethnobotany of the coast Salish Indians of Vancouver Island. Economic Botany 25: 63-104.

Webb, C., comm. pers. 2009. Conversation téléphonique avec J. Miskelly. Septembre 2009. Scientifique de l’écosystème. Parcs Canada. Victoria (Colombie-Britannique).

Zandstra, I.I., et W.F. Grant. 1968. The biosystematics of the genus Lotus (Leguminosae) in Canada. I. Cytotaxonomy. Canadian Journal of Botany 46: 557-583.

Sommaire biographique du rédacteur du rapport

Depuis 2000, James Miskelly a travaillé à divers projets ayant trait à l’écologie des écosystèmes associés au chêne de Garry. Il siège à plusieurs sous-comités de l’équipe chargée du rétablissement de ces écosystèmes. En 2005, il a obtenu une maîtrise ès sciences en biologie de l’Université de Victoria (University of Victoria). Il avait auparavant rédigé un rapport de situation mis à jour sur le Sericocarpus rigidus.

Collections examinées

Aucun spécimen n’a été examiné dans le cadre de la préparation du présent rapport de situation.

Détails de la page

Date de modification :