Espèces sauvages 2010 : chapitre 12

Insectes : Dytiques

Dytiscidae - Famille d’insectes appartenant à l’ordre des coléoptères. La majorité de ces espèces sont noires, marron foncé, ou vert foncé, mais certaines sont pourvues de reflets dorés ou autres. Ils ont des petites mâchoires tranchantes qui leur servent à mordre leurs proies. La plupart d’entre eux mesurent environ 25 mm mais certains peuvent atteindre 45 mm de long. Les larves sont généralement connues sous le nom de tigres de l’eau.

Photo d’un dytique Hygrotus sayi
Photo: Hygrotus sayi © Tom Murray

En bref

  • Le Canada compte au moins 275 espèces de dytiques sur 500 espèces connus en Amérique du Nord et sur près de 4000 connues dans le monde entier. Les dytiques sont présents sur la quasi-totalité de la planète.
  • En excluant les espèces classées comme étant Disparue, Disparue de la région, Indéterminée, Non évaluée, Exotique ou Occasionnelle, la grande majorité (98%) des dytiques au Canada est en sécurité à l’échelle nationale (au niveau du Canada), alors que 1% sont sensibles et 1% sont possiblement en péril à l’échelle nationale. Cependant, il convient de noter que de nombreuses espèces de dytiques sont classées dans la catégorie Indéterminée.
  • Le nom de la famille Dytiscidae (du genre Dytiscus) proviendrait du mot grec dytikos qui signifie « capable de plonger ».
  • Les oeufs sont pondus dans le tissu d’une plante aquatique et éclosent environ trois semaines plus tard. Une fois les larves développées, elles se dirigent au bord de l’eau, s’enfouissent dans le sol et se transforment en pupe.
  • Les larves, généralement connues sous le nom de tigres de l’eau, sont des prédateurs actifs et efficaces, mais certains adultes peuvent également se nourrir de proies mortes, de leurs propres congénères, voire même de plantes.
  • La larve, dotée d’un corps allongé et d’une tête ronde et aplatie, a une apparence assez terrifiante. Elle capture sa proie avec ses mâchoires robustes, lui injecte des enzymes digestives puissantes, puis aspire les parties internes liquéfiées.
  • La tension superficielle de l’eau peut constituer un obstacle de taille pour les dytiques qui souhaitent quitter l’eau pour s’envoler vers d’autres sites. L’eau ingérée et rejetée rapidement par le rectum peut aider les dytiques plus petits à se propulser et à surmonter cet obstacle pour se mettre à voler.

Contexte

Comme tous les coléoptères aquatiques, les dytiques sont des insectes terrestres qui ont besoin d’air pour respirer. Certaines caractéristiques corporelles ont évolué pour leur permettre de vivre dans l’eau. Les larves et les adultes sont aquatiques mais doivent se rendre à la surface pour obtenir de l’air. Les adultes échangent et stockent de l’air frais sous leurs ailes antérieures, ou élytres, tandis que les larves stockent l’air dans leurs corps. Les dytiques contrôlent ou maintiennent leur flottabilité dans l’eau en contrôlant la taille des poches d’air situées sous leurs ailes. Cela fonctionne bien lorsqu’ils s’alimentent bien et qu’ils ont un système digestif plein. Lorsque leur estomac et leur abdomen est vide, ils doivent ingérer de l’eau pour éviter de flotter continuellement à la surface. Les adultes nagent grâce à leurs pattes arrière transformées en rames, mais ces coléoptères ne sont pas tous de bons nageurs. Certains types moins aérodynamiques vivent dans la végétation sous-marine dense, dans le gravier ou sous les roches. À l’instar des huards et des autres oiseaux aquatiques pourvus de pattes modifiées pour nager, de nombreux dytiques marchent sur la terre de façon maladroite.

Ces coléoptères se nourrissent d’une grande variété d’invertébrés plus petits mais certaines espèces de plus grande taille peuvent également manger des amphibiens, des poissons et même des reptiles. À leur tour, ils peuvent être abondants dans certaines zones et représentent une importante source de nourriture pour les poissons et les oiseaux aquatiques et de rivage.

Les larves de certaines espèces ont un corps relativement dense et sont de mauvais nageurs; elles vivent au fond des eaux, rampant sur la végétation ou s’enfouissant dans la boue. D’autres sont capables de flotter, elles flottent ou vivent près de la surface de l’eau lorsqu’elles ne nagent pas activement en utilisant toutes leurs pattes. Les larves peuvent fléchir leur abdomen rapidement pour se déplacer à grande vitesse sur de courtes distances afin d’échapper à leurs prédateurs.

Mis à part deux espèces, toutes les espèces canadiennes de dytiques semblent pouvoir voler à l’âge adulte. Ces coléoptères volent pour coloniser de nouveaux habitats, pour trouver des zones d’hivernage appropriées, ou pour éviter les environnements aquatiques qui subissent des modifications ou qui s’assèchent. Les coléoptères aquatiques volent la nuit et le jour, et sont parfois attirés par les carrosseries brillantes des voitures, par le plastique ou par les trottoirs mouillés qu’ils prennent peut-être pour de l’eau. Pour plusieurs Canadiennes et Canadiens, leur premier tête-à-tête avec un dytique a lieu dans la piscine ou la pataugeoire de leur cour arrière.

Au Canada, le cycle de vie des espèces dépend en grande partie du gel des habitats aquatiques et de la fonte des neiges du printemps, mais les saisons des pluies déterminent le comportement des espèces dans les écosystèmes chauds et arides du sud. Différents types de dytiques hivernent à l’état d’oeuf, de larve ou d’adulte.

État des connaissances

Toutes les espèces canadiennes de dytiques sont évaluées pour la première fois dans la série Espèces sauvages. Les scientifiques spécialisés dans l’étude des dytiques tiennent à signaler que bien que la plupart des espèces nord-américaines soient bien décrites, certaines sont difficiles à identifier et doivent faire l’objet d’études plus approfondies avant d’obtenir une classification stable et fiable. Il reste beaucoup à apprendre sur leur cycle vital de base ou sur leur biologie de base, ce qui offre aux Canadiennes et aux Canadiens de tous milieux une occasion de contribuer de façon significative à améliorer nos connaissances au sujet de ces remarquables créatures.

Richesse et diversité au Canada

Dans de nombreux groupes de plantes ou d’animaux, on constate que plus on se dirige vers le sud plus la diversité des espèces augmente, mais cela ne semble pas s’appliquer aux dytiques du Canada, qui comptent autant d’espèces différentes que dans d’autres régions du monde de surface équivalente. Cette anomalie peut s’expliquer par le fait que leur capacité à se disperser par voie aérienne a favorisé la recolonisation relativement rapide des divers habitats aquatiques post-glaciaires du Canada. On a découvert qu’un marais boréal de l’Alberta comptait jusqu’à 50 espèces!

Les 275 espèces du Canada sont réparties en six sous-familles et 35 genres. Les genres qui comprennent le plus grand nombre d’espèces sont Agabus (66 espèces), Hydroporus (41 espèces) et Hygrotus (29 espèces). Les dytiques sont présents dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada.

Pleins feux sur Hydroporus carri

Il s’agit d’une espèce peu commune de l’Alberta. Ce petit insecte (4 mm), que l’on trouve dans les sources, est noir à marron foncé mais arbore un petit point rougeâtre au bout de chaque antenne. On le trouve dans les petites sources et les eaux d’infiltration dans les piémonts et les parties sub-alpines dans les régions où l’on élève du bétail à grande échelle, où son habitat est susceptible d’être endommagé par le bétail. Considérée comme étant en péril sur une grande partie de son aire de répartition (Alberta, Idaho, Utah et Oregon), cette espèce est classée dans la catégorie possiblement en péril en Alberta et au Canada en vertu de la classification de l’évaluation de la situation générale. Des mesures de conservation telles que la gestion de l’accès à l’eau pour le bétail et sa capacité à coloniser des habitats propices laissent croire que les êtres humains sont en mesure de favoriser la conservation de l’espèce.

Pleins feux sur Dytiscus dauricus

Ce dytique noir de grande taille (jusqu’à 40 mm) présente une surface supérieure réfléchissante verdâtre et une surface inférieure rougeâtre-jaune. Ses antennes sont jaunes à la base et ses pattes sont principalement jaunes à rougeâtres. Cet insecte est largement présent au Canada et sur près de la moitié des États-Unis. Il est également présent dans la partie nord de l’Eurasie. On le trouve dans les marais permanents des zones forestières à partir du niveau de la mer au nord et à plus haute altitude au sud. En Arizona, on sait qu’il se nourrit de larves de salamandres. À l’échelle nationale, cette espèce a été classée dans la catégorie en sécurité en raison de son habitat abondant et facilement disponible et de sa vaste répartition au Canada.

Pleins feux sur Graphoderus manitobensis

Ce dytique de taille moyenne (13-15 mm) a été décrit en premier par Wallis en 1933 à partir d’un spécimen récolté à Winnipeg, Manitoba (connu comme la « localité type »). Ailleurs, cette espèce a été observée jusqu’à maintenant seulement dans quelques localités du sud du Wisconsin. On la retrouve dans les milieux ouverts des grands marais et étangs à carex et à quenouilles. Cette espèce est classée comme ayant une situation générale indéterminée puisque nous disposons d’informations insuffisantes à propos de sa répartition et de son abondance relative au Manitoba et au Canada. Elle se distingue d’une espèce semblable, Graphoderus fascicollis, par la forme unique d’une griffe antérieure et des organes génitaux du mâle. Des efforts d’échantillonnage supplémentaires devraient permettre une meilleure évaluation de sa situation générale en 2015.

Species spotlight - Agabus immaturus

Ce petit dytique (7,6-7,9 mm) possède une tête et des jambes d’un rouge foncé, et est connu à partir d’une seule localisation au Canada ; un marais à carex à Tabusintac, au Nouveau-Brunswick. De façon semblable, aux États-Unis, cette espèce a une répartition limitée à quelques localisations au Michigan et au Wisconsin. Cette espèce, comme plusieurs autres espèces de dytiques, a été classée comme ayant une situation générale indéterminée, soulignant l’étendue de notre manque de connaissances sur les critères de base ou l’information requise pour attribuer des classifications plus définitives de la situation de la conservation.

Résultats de l’évaluation de la situation générale

À l’échelle nationale, la plupart des dytiques est classée en sécurité (75%). Cependant, 23% des espèces de dytiques sont mal connues et sont classées dans la catégorie Indéterminée. Enfin, trois espèces sont considérées comme étant sensible et deux espèces comme étant possiblement en péril (figure 12 et tableau 17). Étant donné le manque d’informations général dans de nombreuses régions, il est probable que l’évaluation relative aux dytiques inclus dans le rapport Espèces sauvages 2010 fasse l’objet de modifications dans les futurs rapports de la série suite à une amélioration de nos connaissances sur ces espèces.

Figure 12. Résultats des évaluations de la situation générale des espèces de dytiques au Canada dans le rapport Espèces sauvages 2010.
diagramme à bandes (voir longue description ci-dessous)
Description longue pour la figure 12

La figure 12 montre les résultats des évaluations de la situation générale des espèces de dytiques au Canada dans le rapport Espèces Sauvages 2010. Le graphique à barres présente les espèces d’odonates disparues, disparues de la région, en péril, possiblement en péril, sensibles, en sécurité, indéterminées, non-évaluées, exotiques et occasionnelles au Canada, dans chaque province et territoire et dans les 4 régions océaniques. Des 275 espèces évaluées au Canada, 2 étaient classées possiblement en péril, 3 sensibles, 206 en sécurité et 64 indéterminées. Des 119 espèces évaluées au Yukon, 90 étaient classées en sécurité et 29 indéterminées. Des 120 espèces évaluées dans les Territoires du Nord-Ouest, 70 étaient classées en sécurité et 50 indéterminées. Des 22 espèces évaluées au Nunavut, 8 étaient classées en sécurité et 14 indéterminées. Des 176 espèces évaluées en Colombie-Britannique, une était classée sensible, 135 en sécurité et 40 indéterminées. Des 157 espèces évaluées en Alberta, 2 étaient classées possiblement en péril, 2 sensibles, 130 en sécurité et 23 indéterminées. Des 130 espèces évaluées en Saskatchewan, 2 étaient classées sensibles, 95 en sécurité et 33 indéterminées. Des 145 espèces évaluées au Manitoba, une était classée sensible, 95 en sécurité et 49 indéterminées. Des 161 espèces évaluées en Ontario, 98 étaient classées en sécurité et 63 indéterminées. Des 148 espèces évaluées au Québec, une était classée possiblement en péril, 96 en sécurité et 51 indéterminées. Des 86 espèces évaluées au Nouveau-Brunswick, 28 étaient classées en sécurité et 58 indéterminées. Des 88 espèces évaluées en Nouvelle-Écosse, 38 étaient classées en sécurité et 50 indéterminées. Des 31 espèces évaluées à l’Île-du-Prince-Édouard, 13 étaient classées en sécurité et 18 indéterminées. Des 94 espèces évaluées à Terre-Neuve et Labrador, 58 étaient classées en sécurité et 36 indéterminées. Aucune espèce n’était présente dans les régions océaniques.

 

Tableau 17. Classifications nationales des espèces de dytiques déterminées par le Groupe de travail national sur la situation générale.
Classification nationale
(Canada)
Nombre et pourcentage d’espèces dans chaque catégorie de rang
0.2 Disparue 0 (0%)
0.1 Disparue de la région 0 (0%)
1 En péril 0 (0%)
2 Possiblement en péril 2 (1%)
3 Sensible 3 (1%)
4 En sécurité 206 (75%)
5 Indéterminée 64 (23%)
6 Non évaluée 0 (0%)
7 Exotique 0 (0%)
8 Occasionnelle 0 (0%)
Total 275 (100%)

Menace envers les dytiques canadiens

Les dytiques ne servent généralement pas d’indicateurs de la dégradation locale de l’environnement en Amérique du Nord car on manque d’études spécifiques aux espèces concernant la tolérance de chacune sur une échelle de gradients environnementaux. De même, la conservation de ces coléoptères aquatiques et de leurs habitats ne suscite pas de préoccupations majeures. On sait que le drainage des zones humides réduit leur abondance et leur diversité et que la pollution chimique et l’utilisation de pesticides ont un impact négatif sur les populations. Mais nous créons également des habitats pour ces coléoptères en créant des plans d’eau, dont un grand nombre est adapté aux habitats et aux environnements instables. Ce sont les espèces faiblement représentées et nécessitant des habitats spécifiques qui courent le plus grand risque. Par exemple, consultez la section consacrée à Hydroporus carri. Pour assurer la survie de ces espèces en dépit des activités anthropiques qui modifient leurs habitats, il faut mettre en place des zones protégées ou une gestion saine de l’habitat.

Conclusion

La plupart des études sur les dytiques ont consisté à documenter leur répartition et la période de l’année où l’on trouve les adultes. Certaines études ont décrit la diversité de la communauté des coléoptères et les associations d’habitat. Il est nécessaire de poursuivre les recherches sur la situation, les tendances, le cycle biologique de base, les tolérances environnementales des dytiques, en particulier à l’état larvaire.

Further information

Système canadien d’information sur la biodiversité. (Consulté le 30 décembre 2009).

References

Larson, D. J., Alarie, Y. et Roughley, R. E. 2000. Predaceous diving beetles (Coleoptera: Dytiscidae) of the Nearctic Region, with emphasis on the fauna of Canada and Alaska. NRC Research Press, Ottawa : 982 pp.

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