Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la grenouille à pattes rouges Rana aurora au Canada 2003

Dessin de la grenouille à pattes rouges Andrée Jenks

Les rapports de situation du COSEPACsont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l'on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

Nota : Toute personne souhaitant citer l'information contenue dans le rapport doit indiquer le rapport comme source (et citer l'auteure); toute personne souhaitant citer le statut attribué par le COSEPACdoit indiquer l'évaluation comme source (et citer le COSEPAC). Une note de production sera fournie si des renseignements supplémentaires sur l'évolution du rapport de situation sont requis.

COSEPAC. 2002. Évaluation et Rapport de situation du COSEPACsur la grenouille à pattes rouges (Rana aurora) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, Ottawa. v + 26 p.

Waye, H. 1999. Rapport de situation du COSEPACsur la grenouille à pattes rouges (Rana aurora) au Canada, in Évaluation et Rapport de situation du COSEPACsur la grenouille à pattes rouges (Rana aurora) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, Ottawa. 1-22 p.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s'adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3
Tél. : (819) 997-4991 / (819) 953-3215
Téléc. : (819) 994-3684
Courriel : COSEWIC/COSEPAC@ec.gc.ca
http://www.cosepac.gc.ca

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Red-legged Frog Rana aurora in Canada.

Illustration de la couverture :
Grenouille à pattes rouges - Andrée Jenks.

© Majesté la Reine du chef du Canada, 2003

PDF : CW69-14/340-2003F-PDF

ISBN 0-662-75207-4

HTML : CW69-14/340-2003F-HTML

ISBN 0-662-75208-2


COSEPAC
Sommaire de l'évaluation

Sommaire de l'évaluation - Mai 2002

Nom commun : Grenouille à pattes rouges

Nom scientifique : Rana aurora

Statut : Espèce préoccupante

Justification de la désignation

L'aire de répartition de cette espèce est limitée et fragmentée. On la trouve sur l'île de Vancouver et sur le continent sans aucune possibilité de dispersion en traversant l'eau salée. Certaines populations des régions urbaines ont connu un déclin. L'espèce est considérée en voie de disparition (United States Endangered Species Act) dans son aire de répartition méridionale des États-Unis. L'espèce a une aire de répartition limitée au Canada et elle est susceptible à la dégradation, de son habitat ainsi qu'à la prédation et à la concurrence de la part des ouaouarons et des grenouilles vertes.

Répartition : Colombie-Britannique

Historique du statut : Espèce désignée « préoccupante » en avril 1999. La situation a été réexaminée, et le statut a été confirmé en mai 2002. Dernière évaluation fondée sur un rapport de situation existant.

Grenouille à pattes rouges

Rana aurora

On trouve la grenouille à pattes rouges (Rana aurora) dans l'extrême Sud-Ouest de la Colombie-Britannique, dans l'État de Washington, en Oregon et dans le Nord de la Californie. Cette grenouille discrète et relativement grosse vit dans des cours d'eau, des étangs ou des marais; elle fréquente également les forêts humides éloignées des plans d'eau à découvert. La grenouille à pattes rouges, souvent brun foncé, gris, olive ou rougeâtre, porte de nombreuses petites taches sur le dos. Son ventre et le dessous de ses pattes sont rouge vif.

La reproduction a lieu tôt au printemps et ne dure généralement que de deux à quatre semaines. Les masses d'œufs sont fixées à la végétation submergée, et la plupart des œufs éclosent au début mai. Le développement des embryons est lent comparativement à celui des autres espèces, mais les embryons éclosent à une taille plus grande et sont plus développés. Il y a une forte corrélation entre le taux de croissance des têtards et le nombre de degrés-jours depuis l'éclosion, mais les têtards commencent habituellement à se métamorphoser à la fin juillet. La survie des œufs semble très élevée, tandis que très peu de têtards survivent à la métamorphose et très peu de juvéniles parviennent à maturité.

Le B.C. Ministry of Environment, Lands and Parks a inscrit le R. aurora sur sa liste jaune, alors que le centre de conservation des données de la province considère l'espèce comme fréquente à commune mais à répartition limitée. De nombreux sites de capture se trouvaient dans des parcs provinciaux et régionaux, mais on a effectué peu de relevés approfondis qui documentent la taille et les tendances des populations. Par ailleurs, la majeure partie de l'aire de répartition de la grenouille à pattes rouges en Colombie-Britannique couvre des zones soumises à une activité humaine intensive.

Les principales menaces pour la survie de l'espèce sont la dégradation ou la perte d'habitat ainsi que la prédation et la compétition de la part du ouaouaron (R. catesbeiana). Les changements environnementaux qui font augmenter la température de l'eau ainsi que l'introduction d'espèces de poissons exotiques pourraient fournir un avantage compétitif au ouaouaron sur les ranidés indigènes.

logo du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) détermine le statut, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés et des populations sauvages canadiennes importantes qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées à toutes les espèces indigènes des groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, lépidoptères, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Le COSEPACest composé de membres de chacun des organismes fauniques des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des Pêches et des Océans, et le Partenariat fédéral sur la biosystématique, présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres ne relevant pas de compétence, ainsi que des coprésident(e)s des sous-comités de spécialistes des espèces et des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

* Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu'en 2000.
** Appelée « espèce rare » jusqu'en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
*** Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
**** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu'en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d'une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le comité avait pour mandat de réunir les espèces sauvages en péril sur une seule liste nationale officielle, selon des critères scientifiques. En 1978, le COSEPAC(alors appelé CSEMDC) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. Les espèces qui se voient attribuer une désignation lors des réunions du comité plénier sont ajoutées à la liste.

Rapport de situation du COSEPACsur la grenouille à pattes rouges Rana aurora au Canada

Heather Waye1

2002

1 2927, chemin Cedar Hill
Victoria (Colombie-Britannique)
V8T 3H8

Dans le Nord-Ouest de l'Amérique du Nord, le Rana aurora est considéré comme l'une des trois espèces de grenouilles brunes du genre Rana (les autres étant le R. cascadae et le R. pretiosa) qui font partie du groupe du R. boylii d'après des preuves caryologiques (Green, 1986a). Des données obtenues par électrophorèse indiquent que, parmi ce groupe, le R. cascadae et le R. aurora sont les deux espèces les plus étroitement apparentées (Green, 1986b; Green et al., 1996).

Le R. aurora compte deux sous-espèces : le R. a. aurora et le R. a. draytonii. On sépare les deux sous-espèces d'après des différences morphologiques, génétiques et comportementales (Hayes et Miyamoto, 1984; Green, 1985; Green, 1986b), bien que leurs caryotypes soient pratiquement identiques (Green, 1986a). On trouve le R. a. aurora depuis le Sud de la Colombie-Britannique jusque dans le nord du comté de Sonoma, en Californie (Green, 1985), et le R. a. draytonii, depuis le nord du comté de Sonoma jusqu'en Basse-Californie (Hayes et Miyamoto, 1984). À moins d'indication contraire, tous les renvois au « R. aurora » (grenouille à pattes rouges) dans le présent rapport désignent le R. a. aurora (la grenouille du Nord à pattes rouges).

Le R. aurora a souvent un dos brun foncé, gris, olive ou rougeâtre parsemé de nombreuses petites taches et mouchetures noires irrégulières et peu visibles (figure 1). Les plis dorsaux-latéraux proéminents sont généralement de couleur plus pâle. Un masque noir est visible de chaque côté de la face, au-dessus de la bande crème surplombant la lèvre supérieure. La gorge et la poitrine sont blanches avec des mouchetures noires ou grises, et le bas du ventre et le dessous des pattes sont rouge vif (le rouge semble être sous la surface de la peau). Le rouge est plus visible chez les adultes âgés et peut ne pas être évident chez les juvéniles. La partie inférieure des flancs présente une bande verte et mouchetée, tandis que les pattes ont des barres foncées. La peau de la partie inférieure des pattes est translucide de sorte que les os sont visibles. La palmure des pattes arrière ne s'étend pas jusqu'au dernier segment de l'orteil le plus long. Il est souvent difficile de différencier les mâles des femelles. Toutefois, pendant la saison de reproduction, les pouces sont de couleur plus foncée, et les pattes avant et les palmures s'élargissent chez les mâles. Les femelles peuvent atteindre les 100 mm, tandis que les mâles mesurent généralement moins de 70 mm. Les individus des deux sexes sont normalement plus petits en Colombie-Britannique que dans le reste de l'aire de répartition nord-américaine. L'espèce possède des pattes relativement longues; le talon de la patte arrière rabattue vers l'avant rejoint ou dépasse le museau (Nussbaum et al., 1983; Cook, 1984; Green et Campbell, 1984; Stebbins, 1985; Leonard et al.,1993).

photo du Rana aurora adulte du ruisseau Rush

Figure 1. Un Rana aurora adulte du ruisseau Rush, près de Nanaimo, en Colombie-Britannique, juillet 1996. Photo de Heather Waye.

Chez les têtards, le dos est brun verdâtre avec des mouchetures foncées, et le ventre est blanc rosâtre. Les yeux sont au sommet de la tête (Green et Campbell, 1984). Chez les larves, la queue mesure 1 ou 1,5 fois la longueur du corps et forme un angle vers le haut par rapport au corps. La nageoire dorsale est longue et gris translucide, et il y a un petit liséré doré de chaque côté du dos. Chez les plus gros têtards, la queue mesure au plus 1,5 fois la longueur du corps, et la nageoire dorsale mesure en hauteur plus que l'épaisseur du tronc de la queue près de la base. Les têtards ont trois rangées de dents en haut (la première est complète, alors que la deuxième et la troisième ont un petit espace) et quatre en bas (la première a un espace, alors que les trois autres sont complètes). Chaque rangée est plus courte que la précédente (Nussbaum et al., 1983; Corkran et Thoms, 1996).

Les collections des spécimens de R. aurora du Musée royal de la Colombie-Britannique datent de 1941 à 1981, tandis que celles du Musée canadien de la nature vont de 1923 à 1989. Les premières mentions publiées touchent principalement des spécimens de R. aurora en captivité (Cowan, 1941; Carl, 1952; Guppy, 1960). Des recherches sur le comportement, la reproduction, la survie et la dynamique des populations ont été publiées à la fin des années 1960 et au début des années 1970, principalement par L. Licht (Dickman, 1968; Licht, 1969a, 1969b, 1971, 1974, 1975; Calef, 1973a, 1973b), tandis que les publications les plus récentes présentent les résultats de courtes études sur les localités historiques (Knopp, 1996; Haycock, 1996), les relations entre le R. aurora et les autres espèces de ranidés (voir par exemple Green, 1985, 1986a), le comportement des têtards (voir par exemple Blaustein et al., 1993; Lefcort et Blaustein, 1995) et les effets des rayons UV-B sur le développement (Ovaska et al., 1997).

Au Canada, c'est seulement en Colombie-Britannique qu'on trouve la grenouille à pattes rouges. Il s'agit de la grenouille du Nord à pattes rouges (R. a. aurora), qui vit dans le sud de la Colombie-Britannique, sur l'île de Vancouver et dans les îles Gulf, dans la partie continentale adjacente au détroit de Georgia ainsi que dans la vallée du Fraser jusqu'à Hope (écoprovince de la dépression de Georgia et Sud de l'écoprovince du littoral et des montagnes) (voir figure 2). Les sites indiqués sur la carte correspondent aux points de collecte des spécimens du Musée royal de la Colombie-Britannique et du Musée canadien de la nature, aux observations faites par l'auteure, à la carte de répartition présentée dans Green et Campbell (1984) et aux emplacements signalés dans Green (1978). Les spécimens recueillis à Kingcome et Powell River sont conservés au Musée canadien de la nature à Ottawa; ils doivent être ré-identifiés pour vérifier la présence de la sous-espèce dans la partie continentale, au nord de Vancouver.

L'aire de répartition du R. a. aurora s'étend de la Colombie-Britannique jusqu'au Sud de l'Oregon et au Nord de la Californie en passant par l'État de Washington, sur le flanc ouest des chaînes côtières (voir figure 3). Dans l'État de Washington, on trouve cette sous-espèce dans les provinces physiographiques de la péninsule Olympic/Sud-Ouest de l'État de Washington, du Puget Trough ainsi que du versant occidental et de la crête des monts Cascades. En Oregon, elle habite les provinces physiographiques du versant oriental des monts Cascades, des monts Klamath, de la chaîne côtière de l'Oregon, du versant occidental des monts Cascades et des vallées intérieures occidentales (Corkran et Thoms, 1996). Le R. a. draytonii, quant à lui, a une aire de répartition qui part du Nord-Ouest de la Californie, longe le littoral jusqu'au Nord-Ouest de la Basse-Californie et couvre le Centre de l'État (Stebbins, 1985). Cette sous-espèce, introduite au Nevada dans les années 1940, n'a pas été signalée lors des relevés récemment réalisés dans la région (Reaser, 1996).

Emplacement des points de collecte du Rana aurora en Colombie-Britannique

Figure 2. Emplacement des points de collecte du Rana aurora en Colombie-Britannique.

Aire de répartition nord-américaine du Rana aurora

Figure 3. Aire de répartition nord-américaine du Rana aurora. Tirée de Stebbins (1985).

Toutes les espèces indigènes d'amphibiens de la Colombie-Britannique sont protégées contre la capture en vertu de la Wildlife Act de 1982. Le B.C. Ministry of Environment, Lands and Parks a inscrit le R. aurora sur la liste jaune (espèce devant être conservée), et le centre de données sur la conservation de la province la considère comme fréquente à commune mais à répartition limitée et prévoit des menaces dans l'avenir à l'échelle tant mondiale que provinciale (voir tableau 1). Le Nature Conservancy considère lui aussi la sous-espèce comme « non rare » dans l'État de Washington et en Oregon, et « en péril » en Californie. Le U.S. Forest Service la juge « vulnérable », tandis que le Bureau of Land Management la considère comme « à surveiller » dans l'État de Washington et en Oregon. Elle est « vulnérable » pour l'Oregon Department of Fish and Wildlife (Corkran et Thoms, 1996). Le U.S. Fish and Wildlife Service a attribué au R. a. draytonii le statut de « menacé ».

Tableau 1. Statut du Rana auroraaurora et du R. a. draytonii au Canada et
aux États-Unis.


Distribution Rana aurora aurora Rana aurora draytonii
Colombie-Britannique

Ministry of Environment, Wildlife Branch – liste jaune (espèces préoccupantes);

Centre de données sur la conservation – S4 (fréquente à commune mais à répartition limitée, menaces prévues dans l’avenir)

Washington

Bureau of Land Management – tracking species (espèce à surveiller);

Forest Service – sensitive (vulnérable);

Nature Conservancy – S5 (widespread and abundant) [répandue et abondante]

Oregon

Department of Fish and Wildlife - Pr-S/u (legally protected from taking, sensitive/undetermined status) [protégée par les lois contre la capture, vulnérable/statut indéterminé];

Bureau of Land Management – tracking species (espèce à surveiller);

Forest Service – sensitive (vulnérable);

Nature Conservancy – S4 (not rare, but of long term concern) [non rare, mais préoccupante à long terme]

Californie

Department of Fish and Game – species of special concern (vulnerable to extinction)[espèce préoccupante (risque d’extinction)];

Nature Conservancy – S2 (imperiled) [en péril]

Department of Fish and Game – species of special concern (vulnerable to extinction)[espèce préoccupante (risque d’extinction)];

Nature Conservancy – S2 (imperiled) [en péril]

États-Unis (fédéral)

U.S. Fish and Wildlife Service – threatened (menacée);

Forest Service – sensitive (vulnérable)

Mondial Centre de données sur la conservation/Nature Conservancy – G4 (not rare, but of long term concern) [non rare, mais préoccupante à long terme] Nature Conservancy – G4 (not rare, but of long term concern) [non rare, mais préoccupante à long terme]

En Colombie-Britannique, dans l'État de Washington et en Oregon, le R. aurora est protégé contre la capture, mais ses habitats ne font pas l'objet d'une gestion spécifique. La majorité des sites historiques en Colombie-Britannique ne se trouvent ni dans des parcs ni dans des aires protégées, bien que la sous-espèce ait été signalée dans le parc régional Little Campbell River, le parc provincial Miracle Beach, le sanctuaire naturel Morrell, le parc provincial Garibaldi, le parc provincial Strathcona, le parc Stanley, le sanctuaire naturel de la tourbière Rithets, le parc provincial du lac Spectacle et le parc municipal Trevlac, à Victoria.

Tableau 2. Données sur les populations du Rana aurora dans deux localités situées près de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Tableau 2. Données sur les populations du Rana aurora dans deux localités situées près de Vancouver, en Colombie-Britannique.
Rivière Little Campbell* Lac Marion
1968 1969 1969 1970
Nbre de masses d’œufs 36 33 618 620
Nbre moy. d’œufs par masse 680 (194-921) idem 531+19 écart-type idem
Nbre d’adultes 67 46 1770+280 écart-type^ 3600+775 écart-type^

*Licht, 1974
Calef, 1973a,b
^mâles reproducteurs seulement

Nous ne disposons d'aucune information sur l'effectif actuel des populations. En 1968 et 1969, « plusieurs centaines » de grenouilles se reproduisaient dans le lac Marion (Licht, 1996a); les estimations disponibles ont été calculées à partir de deux sites entre 1968 et 1970 (voir tableau 1). Il semble qu'on puisse trouver plusieurs centaines, voire plusieurs milliers, de grenouilles adultes dans certains grands étangs ou lacs, et il est possible, dans certains endroits, de trouver de nombreux individus rapidement et facilement en dehors de la saison de reproduction. Des relevés menés de 1989 à 1991 dans le Puget Trough (Washington) ont révélé que le R. aurora et le ouaouaron (R. catesbeiana) étaient les ranidés les plus communs : dans 26 sites, on a trouvé uniquement des R. aurora; dans trois sites, on a trouvé ces deux grenouilles (McAllister et al., 1993). Le R. aurora occupe une aire de répartition relativement restreinte au Canada, mais il est souvent abondant dans les endroits où il se trouve. Toutefois, nous ne possédons aucune estimation récente des populations, et de nombreux sites n'ont pas été visités depuis des décennies. De plus, peu de données existent sur les fluctuations annuelles des populations, qui peuvent être considérables chez les amphibiens (Pechmann et Wilbur, 1994). Les études citées dans le tableau 1 révèlent peu de changements dans le nombre de masses d'œufs d'une année à l'autre. Chaque étude ne couvre toutefois que deux ans.

Dans le cadre d'une étude de trois ans utilisant des barrières et des seaux de capture en Oregon (Storm et Pimentel, 1954), on a capturé 13 R. aurora, comparativement à 377 Hyla regilla. Deux R. aurora ont été recapturés lors de la deuxième année de l'étude, et trois, la troisième année. L'utilisation de seaux de capture sur la chaîne côtière de l'Oregon pendant trois ans (1988-1990) a permis de capturer de 0,03 à 2,80 par 1 000 nuits de piégeage (un total de 39 grenouilles); les taux de capture variaient considérablement d'une année à l'autre (Cole et al., 1997). Ces résultats indiquent qu'une population de R. aurora peut être maintenue par un petit nombre d'individus. Toutefois, on ne sait pas si de telles populations peuvent survivre à long terme.

Le R. aurora est réputé être « extrêmement commun » dans tout l'Ouest de l'État de Washington, sauf en altitude (K. McAllister, comm. pers.). On ne sait pas si les populations canadiennes ont disparu, mais, avec l'ampleur de l'exploitation dans la vallée du bas Fraser et sur l'île de Vancouver, il est probable qu'un grand nombre de petits étangs et d'autres habitats propices ont été détruits, éliminant ainsi les populations de grenouilles (L. Friis, comm. pers.).

Lors de deux récents relevés dans la région de la vallée du Fraser, on a trouvé le R. aurora dans 14 localités, dont certaines étaient des sites où on l'avait déjà signalé, mais pas dans 25 sites où on s'attendait à le voir (Haycock, 1996; Knopp, 1996). Ces relevés ont été réalisés en avril-mai 1996 (Haycock, 1996) et de mai à juillet 1996 (Knopp, 1996). Comme le temps alloué à l'examen de chaque site était bref, il est possible que des individus soient passés inaperçus. Le potentiel de recolonisation n'est pas connu, mais on sait que l'espèce peut s'éloigner de l'eau quand des conditions favorables sont réunies (Corkran et Thoms, 1996). Il se peut que la perte d'une seule population « source » affecte et détruise les populations qui l'entourent (voir par exemple Drost et Fellers, 1996). En outre, la présence de têtards ou de grenouillettes ne signifie pas nécessairement qu'une population se reproduit avec succès puisque les juvéniles, s'ils se dispersent, peuvent faire croire que d'autres sites abritent des populations viables alors que ce n'est pas nécessairement le cas (Seburn et al., 1997).

Le R. aurora était abondant dans la vallée de la Willamette, en Oregon, jusqu'au milieu des années 1970; il est maintenant très rare et ne semble plus s'y reproduire depuis une vingtaine d'années (Blaustein et al., 1994). Pour presque toutes les espèces d'anoures, notamment le R. a. draytonii, on note des déclins ou la disparition de populations locales dans le parc Yosemite (partie californienne de la Sierra Nevada) entre 1915 et 1992. Cette sous-espèce n'a été signalée dans aucun des trois sites où elle vivait autrefois et n'a été observée que dans un des sept autres sites propices (Drost et Fellers, 1996). Il est probable qu'un grand nombre de localités de la Colombie-Britannique ont disparu, et l'hypothèse que l'espèce est encore abondante n'a pas été vérifiée. Notons toutefois qu'il faut pratiquement une urbanisation complète pour causer la disparition des grenouilles (K. McAllister, comm. pers.).

On a vu le R. aurora et le R. catesbeiana coexister dans seulement deux des six emplacements étudiés de l'île de Vancouver (étang Hamilton et lac Bell). Plus d'une centaine de ouaouarons ont été signalés au lac Bell (Green, 1978). Ces observations peuvent indiquer que les deux espèces ne peuvent pas coexister. Le ouaouaron, qui se répand dans l'aire de répartition du R. aurora, est réputé avoir un impact négatif sur les ranidés indigènes. En 1994, il y avait autant de ouaouarons que de R. aurora dans l'étang Hamilton (obs. pers.). Ainsi, si effet négatif il y a, il se peut que la grenouille à pattes rouges soit en déclin à cause du ouaouaron, mais elle peut aussi être touchée par la construction récente d'une autoroute dans la région. L'étang d'un petit parc municipal situé près du lac Prospect, à Victoria, abrite le R. aurora depuis de nombreuses années (l'étang se trouve sur une propriété privée, et les propriétaires observent les grenouilles tous les ans). On y a entendu des ouaouarons coasser pour la première fois il y a quatre ans, et, cette année, on a compté moins de R. aurora que par le passé (P. Price, comm. pers.). Par contre, on a trouvé un « grand nombre » de grenouilles à pattes rouges dans des localités de la vallée du Fraser et de la rivière Little Campbell il y a plusieurs années, et ce, en compagnie de grenouilles vertes et de ouaouarons. Les seuls sites où on ne l'a pas signalée étaient des terres défrichées pour l'agriculture (S. Orchard, comm. pers.).

Le R. aurora est encore jugé commun à proximité de la plage Long Beach et à l'extrémité nord de l'île de Vancouver, et on le trouve très couramment dans certaines localités de l'intérieur de l'île, dont Jordan Meadows (P. Gregory, comm. pers.). Cette année, de nombreux R. aurora ont été aperçus dans un site de l'île Saltspring et dans un lac situé près du lac Prospect, à Victoria (S. Orchard, comm. pers.). Ils semblent donc être communs dans certains endroits, mais ces derniers et de nombreux autres n'ont pas été officiellement étudiés.

Le R. aurora semble être confiné aux faibles altitudes : au maximum à 920 m (Corkran et Thoms, 1996) ou à 1 427 m en Oregon (Leonard et al., 1993). Les adultes se reproduisent dans des étangs aux eaux fraîches, sur le bord des lacs, dans des cours d'eau au débit lent, ou dans des marais, des tourbières ou des marécages qui ont une profondeur d'au moins 50 cm et une végétation convenable (Leonard et al., 1993; Corkran et Thoms, 1996). La sous-espèce utilise tant les plans d'eau provisoires que les permanents; en fait, les principaux critères nécessaires semblent être : un courant faible ou nul, une quantité suffisante d'eau jusqu'à la métamorphose et une végétation émergente pour la ponte des masses d'œufs (Nussbaum et al., 1983). Pendant leur croissance, les têtards se déplacent vers les parties plus chaudes de l'étang (une exposition à la lumière du soleil est donc nécessaire) (Licht, 1969a) et tendent à rester dans les zones de végétation (Wiens, 1970). Les adultes et les juvéniles vivent le long des cours d'eau ou dans d'autres habitats humides pendant l'été, passant la journée à l'abri, et peuvent se disperser dans les forêts éloignées des plans d'eau quand les conditions sont humides (Orchard, 1984; Corkran et Thoms, 1996). Ils préfèrent les forêts matures ayant un épais tapis de feuilles et des troncs d'arbres couchés (Orchard, 1984). Ils ont tendance à remonter les cours d'eau forestiers pendant les mois d'été (D. Green, comm. pers.). En Oregon, le R. aurora était plus abondant dans les forêts de feuillus que dans les zones d'arbustes, de gaulis clairsemés, de bois de sciage ou de peuplements mûrs de conifères; on le trouvait également beaucoup plus fréquemment dans les zones riveraines que sur les pentes (Gomez et Anthony, 1996). Toutefois, dans les monts Cascades du Sud de l'État de Washington, le R. aurora était plus abondant dans les forêts matures (Aubry et Hall, 1991). Il est probable que la sous-espèce dépend davantage de caractéristiques telles que le débit des cours d'eau et la présence de prédateurs que du type de végétation (Gomez et Anthony, 1996). En Californie, le R. a. draytonii vit principalement dans les étangs et à proximité : on ne le trouve pas loin des plans d'eau comme le R. a. aurora (Green et Campbell, 1984).

La grenouille à pattes rouges semble être largement répartie et capable d'utiliser un éventail de types d'habitats humides. Les parcelles d'habitat sont souvent fragmentées au sein de zones urbaines ou suburbaines, mais relativement continues ou reliées dans les grands parcs et les terres humides.

La plupart des pertes d'habitat ont eu lieu dans la région de la vallée du bas Fraser, où l'urbanisation de Vancouver et de ses environs se poursuit. La portion sud-est de l'île de Vancouver s'est également développée récemment, notamment avec la construction d'une nouvelle autoroute. L'Island Highway a été élargie entre Victoria et Campbell River, et 128 km de chaussée ont été ajoutés.

Pour la construction des nouvelles parties de l'autoroute, on a défriché une large bande de terre à travers une zone boisée entre Parksville et Campbell River, et ce, apparemment sans tenir compte des effets potentiels sur les amphibiens qui y vivent. Nombre des petits cours d'eau et des zones marécageuses ont été affectés par les travaux de construction, mais on ne connaît pas bien l'impact sur les populations d'amphibiens (par exemple : perte ou dégradation des habitats, perturbation des voies migratoires). À mesure qu'augmente la population humaine de la vallée du bas Fraser et de l'île de Vancouver, une proportion croissante de ces zones relativement non perturbées seront touchées ou détruites. Cette tendance est stable depuis quelques années et continuera probablement de l'être.

La plupart des sites où des R. aurora ont été capturés se trouvent dans des établissements ou près d'habitats humains; il est probable que de nombreux endroits fréquentés par la sous-espèce n'ont pas encore été signalés. Quelques spécimens ont été prélevés entre Vancouver et Kingcome, ce qui indique que l'aire de répartition longe le littoral jusqu'au 50e degré de latitude nord; or, c'est une région où l'essor démographique est relativement faible, tout comme sur la côte ouest ou dans les terres intérieures de l'île de Vancouver. L'impact des activités humaines dans ces régions provient principalement de l'exploitation forestière, qui peut avoir des répercussions sur les populations du R. aurora. Entre 1981 et 1995, on a exploité chaque année plus de 33 000 hadans la forêt de la Région forestière de Vancouver du Ministry of Forests; environ un tiers de la forêt est immature (Harding, 1994). La zone biogéoclimatique côtière à douglas, située le long du littoral sud-est de l'île de Vancouver, est fragmentée à plus de 90 p. 100 par les routes (les zones de plus de 5 000 haconstituent moins de 10 p. 100 de la zone). Divers secteurs ou sous-zones semblables de la zone côtière à pruche de l'Ouest et de la zone à pruche subalpine sont également très fragmentés par le réseau routier (Harding, 1994). L'effet de cette fragmentation sur la répartition du R. aurora n'est pas connu.

Sur l'île de Vancouver, la majorité des sites historiques se trouvent à l'est (probablement parce qu'il y a plus de personnes qui y vivent et qui, par conséquent, peuvent trouver des grenouilles, mais aussi parce que les terres humides de basse altitude sont nombreux). Une grande portion des terres appartient au secteur privé, principalement à des entreprises forestières. La plupart des terres du côté ouest de l'île appartiennent à la Couronne et sont louées par des entreprises forestières qui exploitent le bois. Le R. aurora d'une forêt d'aulnes rouges et de douglas taxifoliés de l'Oregon n'a pas semblé être affecté par la coupe et le brûlage, du moins à court terme (Cole et al., 1997). Toutefois, une étude sur les amphibiens terrestres de l'île de Vancouver a montré qu'il y avait trois à six fois plus d'amphibiens dans les peuplements anciens de douglas taxifoliés que dans les forêts matures ou jeunes (Dupuis, 1997). Une étude sur les effets de la fragmentation des forêts sur le R. aurora est en cours dans le nord de l'île de Vancouver, et devrait fournir plus d'information sur l'incidence des pratiques forestières sur la sous-espèce.

De nombreuses localités connues de la partie continentale se trouvent dans des parcs, mais une grande proportion de ces parcs sont petits et se trouvent au sein de la ville de Vancouver et de ses banlieues, de sorte que même, si les terres sont protégées, la dégradation et la fragmentation des habitats demeurent préoccupantes.

Comme le R. aurora n'est pas, à l'heure actuelle, considéré comme en péril par le gouvernement de la Colombie-Britannique, aucun effort n'est déployé pour réserver des terres précisément pour protéger la sous-espèce; toutefois, la conservation des terres humides en général est un élément favorable. Le degré actuel de protection est probablement adéquat, mais nombreuses sont les zones au sein de l'aire de répartition de la sous-espèce où des individus n'ont pas encore été signalés et où les terres ne sont pas protégées. Les menaces pour ces terres sont notamment l'étalement urbain, qui peut détériorer la qualité de l'eau et détruire les couloirs entre les sites, l'exploitation forestière et d'autres activités menées au sein d'aires autrement protégées. La biodiversité urbaine peut disparaître directement en raison de l'exploitation ou indirectement à cause de la fragmentation des microhabitats, de l'introduction de polluants dans les conduits pluviaux et des changements dans le réseau hydrographique (Schaefer, 1994). Par exemple, la tourbière Rithets, à Victoria, est une zone marécageuse qui abrite le R. aurora (obs. pers.), mais l'urbanisation intensive des alentours de ce sanctuaire naturel cause la dérivation d'une telle quantité d'eau que la tourbière est en train de s'assécher et que la végétation commence à l'envahir. L'introduction d'espèces exotiques (poissons et amphibiens) détériore aussi les habitats propices (Hayes et Jennings, 1986).

Les adultes reproducteurs commencent à devenir actifs quand la température de l'air est d'au moins 5 °C pendant plusieurs jours, tandis que les grenouilles subadultes sortent plusieurs semaines après que la reproduction est terminée, quand la température de l'air dépasse 10 °C. Les mâles géniteurs arrivent dans l'étang une semaine avant les femelles et ne se nourrissent pas pendant les quelques semaines qui suivent. Ils commencent à chanter une semaine après leur arrivée, mais, si une femelle arrive avant qu'ils aient commencé à lancer leurs appels, l'amplexus aura lieu. Les températures de l'air et de l'eau doivent dépasser 6 °C pendant plusieurs jours avant que les coassements ne commencent (Licht, 1969b). La période de reproduction dure de deux à quatre semaines; elle est généralement terminée à la fin mars (Licht, 1974).

Les mâles chantent dans l'eau quand elle est entre 4 et 9 °C, mais la température minimale pour la ponte est de 6 °C (Brown, 1975). Ils émettent souvent leurs appels sous une mince couche de glace, et les œufs restent habituellement de nombreux jours dans une eau de 4 ou 5 °C si le temps se refroidit après le début de la ponte (Calef, 1973a). Les mâles lancent leurs appels depuis un lit d'algues submergées, et l'accouplement et la ponte suivent immédiatement. La plupart des masses d'œufs sont fixées à des herbes ou des branches près de la rive (Calef, 1973a; Brown, 1975), à une profondeur de 5 cm à 5 m (Calef, 1973b). Les grenouilles demeurent immobiles sur le fond ou dans la végétation (Licht, 1969b) et coassent surtout la nuit, les femelles ne pondant qu'à ce moment de la journée (Licht, 1971). Les quelques mâles qui coassent au-dessus de la surface de l'eau ne le font que brièvement. Ils se tiennent à une distance de plusieurs pieds les uns des autres et lancent leurs appels d'un endroit précis auquel ils retournent après avoir fait surface pour respirer. Les appels sexuels sont de faible volume et ne se propagent pas bien dans l'air ni dans l'eau. Une fois que les mâles ont commencé à coasser, ils ne s'arrêtent pas, même si la température chute. Les mâles accentuent leurs appels si d'autres mâles se trouvent à proximité ou quand il y a du mouvement près d'eux. La grenouille à pattes rouges s'accouple par amplexus axillaire; le mâle émet une seule note par seconde tout en serrant la femelle sous les aisselles, probablement pour la garder réceptive (Licht, 1969b).

Pendant une saison de reproduction, les mâles sont souvent recapturés à moins de 300 m de leur site précédent de capture. Les années suivantes, ils sont souvent capturés au même endroit et à la même heure (Calef, 1973b). Il n'y a pas de compétition agressive entre les mâles reproducteurs (Calef, 1973b), et on ne sait pas si les mâles sont territoriaux (Licht, 1969b). Les mâles peuvent s'accoupler plus d'une fois pendant une saison de reproduction, mais nombre d'entre eux n'arrivent pas à se reproduire (Calef, 1973b). Les femelles non réceptives coassent et s'agitent quand un mâle les enlace, puis roulent sur le côté et se raidissent jusqu'à ce qu'elles soient relâchées (Licht, 1969a). Les femelles adultes de grenouilles à pattes rouges se reproduisent sans doute chaque année (Licht, 1974).

La plupart des femelles continuent à s'accoupler pendant deux semaines après la ponte de la première masse d'œufs (Licht, 1969b). Chacune des masses d'œufs est déposée dans la même zone, mais à intervalles d'environ 60 cm. Les masses sont généralement pondues en eau profonde, loin des rives (Licht, 1969b, 1971, 1974). Certaines masses d'œufs sont déposées dans des eaux de moins de 30 cm de profondeur, et d'autres se trouvent à des profondeurs de plus de 3 m (Calef, 1973a), mais la majorité est fixée à des tiges de végétaux, à une profondeur allant de 30 cm à 90 cm (Licht, 1969b). Les masses d'œufs sont pondues dans les eaux à débit lent d'où les mâles lançaient leurs appels et qui sont ensoleillées presque toute la journée (Licht, 1969b). Une femelle pond en moyenne 680 œufs par masse, mais les plus petites femelles en produisent moins (Licht, 1974). La majorité des œufs éclosent au cours des deux premières semaines de mai. Les têtards restent ensemble pendant environ une semaine avant de se disperser. Ils commencent leur métamorphose à la fin juillet-début août, mais certains ne se métamorphosent qu'au début octobre (Calef, 1973a). Les jeunes larves s'associent sélectivement avec les larves issues de la même ponte, mais, à mesure que les têtards se développent, ils perdent leur capacité de distinguer les individus de leur ponte et s'associent avec n'importe lesquels de leurs congénères (Blaustein et al., 1993).

Les adultes atteignent la maturité sexuelle au plus tard trois ans après la métamorphose (Licht, 1974). Généralement, le rapport des sexes chez les adultes en dehors de la saison de reproduction est de 1:1 (Calef, 1973b). À l'heure actuelle, on ne connaît pas les taux de recrutement et/ou de mortalité des populations, mais il semble que certaines populations réussissent au moins à persister. Le potentiel de croissance des populations serait bon si les prédateurs étaient limités ou éliminés, que ce soit dans des conditions naturelles ou contrôlées. Les populations sont probablement en mesure de survivre à une ou deux années de faible recrutement; en effet, les adultes semblent pouvoir vivre plusieurs années après avoir atteint la maturité, et leur taux de survie tend à être relativement élevé (Cowan, 1941; Licht, 1974).

Les adultes reproducteurs sont actifs à des températures plus faibles que les juvéniles et les adultes non reproducteurs (Licht, 1969b). La température létale minimale pour les œufs est d'environ 4 °C, et la maximale, d'environ 21 °C; ces limites minimale et maximale de tolérance thermique sont les plus basses parmi toutes les espèces de grenouilles nord-américaines (Licht, 1971). Les masses d'œufs sont normalement submergées pendant le développement, et, par conséquent, sont protégées de l'ensoleillement direct et des extrêmes de température (Licht, 1971).

Comme tous les amphibiens (et donc les ectothermes), les grenouilles thermorégulent leur température en choisissant des microhabitats qui leur fournissent la température dont elles ont besoin (voir par exemple Lillywhite, 1970). Par exemple, les œufs sont déposés dans de la végétation exposée aux rayons solaires pendant une partie de la journée (Licht, 1969b), et les têtards se déplacent vers les zones chaudes de l'étang une fois qu'ils sont sortis de l'œuf (Licht, 1969a). Les grenouilles adultes s'exposent au soleil pour augmenter leur température corporelle si l'humidité est suffisante pour compenser la perte d'eau (Lillywhite, 1970), mais elles semblent se limiter à la plage de températures offerte par les microhabitats qui leur sont accessibles.

Le rythme de croissance des embryons du R. aurora est lent par rapport à celui d'autres espèces adaptées au froid (probablement en raison de la grosse taille des œufs), mais, à l'éclosion, les embryons sont plus gros que ceux des autres ranidés, et le sac vitellin est plus volumineux (Licht, 1971). La longue période de croissance des larves fait que la grenouille est plus grosse après la métamorphose, ce qui augmente le taux de survie dans les conditions estivales sèches (Brown, 1975). Le comportement de reproduction hâtif, les caractéristiques des œufs et des masses d'œufs, les limites maximale et minimale de tolérance thermique, et le dernier stade d'éclosion sont des adaptations qui améliorent le succès de développement en eau froide (Licht, 1971).

Les adultes se nourrissent de coléoptères, de chenilles, d'isopodes et d'une grande variété d'autres petits invertébrés (Nussbaum et al., 1983), et les têtards, de chlorophycées filamenteuses (Dickman, 1968). En fait, on en connaît peu sur les habitudes alimentaires de l'espèce (Nussbaum et al., 1983). Une certaine compétition existe probablement avec d'autres espèces insectivores, mais la nourriture ne semble pas être un facteur limitatif pour le R. aurora.

Pour atteindre le stade 20, les œufs prennent environ 1 400 heures à 4,5 °C et environ 120 heures à 20 °C. Les embryons sont bien développés à l'éclosion (stade 21). Le rythme de croissance augmente fortement en réponse à de faibles hausses de la température à la limite inférieure de la plage de tolérance thermique (Licht, 1971). Les œufs trouvés dans un étang de l'État de Washington ont pris 35 jours pour se développer, à une température moyenne de l'eau de 6,2 °C, et les larves mesuraient en moyenne 12,4 mm à l'éclosion. Le rythme de croissance des larves variait entre 0,62 mm/jour et 0,99 mm/jour (Brown, 1975). Le rythme de croissance des têtards varie selon les années et les zones d'un lac, mais est fortement corrélé avec le nombre de degrés-jours depuis l'éclosion. En général, le taux de croissance est d'environ 5 mm par mois (Calef, 1973a).

En 1968, au site de la rivière Little Campbell, le taux de survie entre la ponte et l'éclosion des œufs était de 92 p. 100 dans l'étang et de 91 p. 100 dans la rivière (Licht, 1974). Dans une étude menée dans des habitats naturels de l'Oregon, les masses d'œufs du R. aurora présentaient un taux de survie de 91 à 98 p. 100 avant l'éclosion (Hays et al., 1996). Le taux de survie est élevé pour des œufs pondus dans l'eau : 71 p. 100 des œufs du R. pretiosa ont survécu jusqu'à l'éclosion (Licht, 1974), et seulement 48 p. 100 des œufs du Hyla rosenbergi (Kluge, 1981). Dans la rivière Little Campbell, après l'éclosion, le taux initial de mortalité était élevé, mais il a diminué puis s'est stabilisé à mesure que les têtards croissaient. Le taux global de survie était de 5,3 p. 100 entre le stade de têtard et la métamorphose (Licht, 1974).

Le taux global de survie jusqu'à la transformation était de 4,82 p. 100, tandis qu'il était de 5,18 p. 100 chez le R. pretiosa sur le même site (Licht, 1974). Dans le lac Marion, le déclin du nombre de têtards a été rapide jusqu'à ce que les têtards soient trop gros pour être mangés par des salamandres. Ainsi, au moment de la métamorphose, il ne restait qu'environ 5 p. 100 des têtards (Calef, 1973a). Le taux de survie des têtards du R. catesbeiana avant la métamorphose serait de 11,8 à 17,6 p. 100 (Cecil et Just, 1979).

Du nombre estimé de 522 juvéniles recrutés en 1968, 272 ont été recapturés en 1969, ce qui établit le taux de survie à 52 p. 100 (Licht, 1974). Comme entre 15 000 et 30 000 grenouillettes quittent le lac Marion chaque année et qu'il ne faut pas plus de 1 200 adultes pour maintenir la population actuelle de reproducteurs, on suppose un taux potentiel de mortalité de 90 à 95 p. 100 entre la métamorphose et la maturité (Calef, 1973a). Le lac Marion pourrait abriter, jusqu'à la métamorphose, 100 fois le nombre de têtards qui a réellement survécu (Calef, 1973a), ce qui appuie l'hypothèse que la mortalité de la plupart des têtards et des adultes est due à la prédation
(Licht, 1974).

Parmi les animaux qui se nourrissent de têtards figurent les sangsues, les léthocères, les dytiques prédateurs, les notonectes, les nèpes, les nymphes de libellules, les poissons, les larves de salamandres, les tritons et les couleuvres du genre Thamnophis (Licht, 1974). Les prédateurs des adultes sont notamment le raton-laveur, le Grand Héron, le Martin-pêcheur d'Amérique, les couleuvres, la truite fardée, la Buse à queue rousse, le Busard Saint-Martin, le Harle couronné, le
Grand-duc d'Amérique, le renard roux, la mouffette rayée, le vison et les chats harets (Licht, 1974). Les grandes grenouilles adultes de la famille des ranidés sont réputées être des prédateurs occasionnels d'individus nouvellement métamorphosés de leur propre espèce ou d'autres espèces (Licht, 1986). Il y a d'autres causes de mortalité : par exemple, en 1969, dans le lac Marion, 2,4 p. 100 des œufs ont été infectés par un champignon, et certaines masses d'œufs, exposées à cause de la décrue des eaux, se sont desséchées ou ont gelé au bord du lac (Calef, 1973a). Ces autres sources de mortalité sont toutefois secondaires.

Le taux annuel de survie des adultes est en moyenne de 69 p. 100 (Licht, 1974), et les mâles ont un taux de survie plus élevé que les femelles (Briggs et Storm, 1970). À titre de comparaison, notons que les adultes du R. cascadae ont un taux de survie de 59 p. 100 chez les mâles et de 46 p. 100 chez les femelles (Briggs et Storm, 1970), tandis que ceux du R. pretiosa ont un taux de survie de 45 p. 100 chez les mâles et de 67 p. 100 chez les femelles (Licht, 1974). La longévité moyenne des adultes n'est pas connue, mais deux femelles en captivité ont respectivement vécu de 12 à 13 ans et 15 ans (Cowan, 1941). La structure par âge des populations (de même que sa stabilité) n'est pas connue, mais celle des populations d'anoures peut grandement varier d'une année à l'autre (Bertram et Berrill, 1997; Green, 1997). C'est entre l'éclosion et la métamorphose des têtards que les grenouilles subissent la plus forte prédation (Licht, 1974), ce qui indique que les individus les plus essentiels à la survie d'une population sont probablement les adultes matures, qui soutiennent la population pendant les années de recrutement faible ou nul.

Le R. aurora hiberne dans l'eau ou sur le sol de novembre à la fin février. Il sort des milieux aquatiques quand la glace fond (Licht, 1969a, 1974).

L'espèce n'est pas reconnue comme tolérante ou résistante au gel. Les besoins en matière de site d'hibernation n'ont pas encore été décrits, mais il est probable que le principal critère soit que le site ne gèle pas.

Pendant la période de reproduction, les mâles se tiennent à environ 1 m les uns des autres et ont tendance à rester au même endroit pendant qu'ils coassent, ce qui peut être un signe de territorialité autour d'un site d'appel (Licht, 1969a). À part cette tendance, rien ne prouve que les grenouilles aient un comportement territorial. La grenouille à pattes rouges semble être relativement tolérante aux perturbations anthropiques puisqu'elle persiste dans des habitats suburbains, mais cela n'a pas été examiné de près ni sur une longue période de temps. Elle peut être vulnérable lorsqu'elle se déplace entre les sites d'hibernation ou de reproduction, mais, en général, elle est plutôt discrète et « extrêmement méfiante » (Leonard et al., 1993).

Pendant la majeure partie de la saison active, le R. aurora est surtout terrestre et se tient sur des sols secs à découvert (Licht, 1986). Quand il se sent menacé par un prédateur, il bondit vers le plan d'eau avoisinant et y reste (Gregory, 1979) ou, plus souvent, il fuit dans les sous-bois et se cache dans la végétation (Licht, 1986; Leonard et al., 1993). Les différences dans le comportement de fuite peuvent être dues à la présence ou non de prédateurs aquatiques (par exemple des poissons ou des adultes d'autres ranidés) dans un plan d'eau donné. Les grenouilles peuvent sauter relativement loin pour leur taille et comptent sur leurs sauts plutôt que sur la nage pour fuir les prédateurs (Licht, 1986).

La dispersion des juvéniles et la migration des adultes en direction et en provenance des sites de reproduction n'ont pas été décrites pour cette espèce, mais des individus peuvent être trouvés loin des plans d'eau si les bonnes conditions sont réunies (Corkran et Thoms, 1996). En outre, quelques individus au moins doivent se déplacer depuis les sites d'hibernation jusqu'aux sites de reproduction (Licht, 1969a). Les individus du R. aurora ne semblent pas se rassembler en grand nombre pour hiberner.

La proximité entre les sites de reproduction, d'alimentation et d'hivernage varie d'une localité à l'autre, mais, dans la plupart des emplacements, ces habitats sont probablement contigus dans une certaine mesure. Les sites de reproduction et d'hivernage peuvent se chevaucher, certaines grenouilles hibernant dans l'eau, et les sites de reproduction et d'alimentation peuvent se chevaucher eux aussi, les adultes restant près de l'eau pendant presque tout l'été. Dans des conditions humides, les grenouilles se dispersent dans les zones boisées avoisinantes, et certaines d'entre elles y hibernent probablement.

Les voies migratoires peuvent traverser des routes. Ainsi, la nuit du 30 septembre 1995, j'ai vu au moins dix R. aurora écrasés sur une route séparant des résidences d'un marais. Les grenouilles semblaient vouloir se rendre vers le marais, peut-être pour hiberner. Ce type de mortalité est répandu, de nombreux sites historiques étant maintenant urbanisés.

La grenouille à pattes rouges peut être vulnérable aux changements environnementaux qui font augmenter la température de l'eau (réduction du débit des cours d'eau, élimination de la végétation riveraine) (Hayes et Jennings, 1986). Les populations du R. aurora dans les zones suburbaines et rurales sont peut-être exposées à divers herbicides et pesticides ainsi qu'à d'autres substances chimiques utilisées dans l'industrie. Dans une étude, des têtards de ranidés montraient la même vulnérabilité aux pesticides que plusieurs poissons d'eau douce. Les faibles concentrations n'avaient aucun effet, mais des teneurs plus fortes ont causé la mortalité et des comportements anormaux (Berrill et al., 1997). L'épandage du glyphosate (herbicide) à l'automne dans des forêts déboisées de l'Oregon n'a pas paru affecter le R. aurora (Cole et al., 1997). Toutefois, il a été prouvé que certains polluants agricoles ont des effets mutagènes chez les populations d'amphibiens (Bonin et al., 1997). L'effet possible des substances toxiques présentes dans l'environnement sur le R. aurora n'est pas connu, mais une étude en cours des effets des polluants agricoles sur les grenouilles à pattes rouges de la vallée du Fraser devrait fournir de précieuses données.

Des niveaux d'eau anormalement faibles peuvent affecter le succès de reproduction si la majorité des têtards sont piégés hors de l'eau avant leur métamorphose, mais le niveau de l'eau doit baisser de manière substantielle après la reproduction pour que les masses d'œufs soient réellement exposées. Les têtards infectés par le Candida humicola, une levure parasite transmise par l'eau et les fèces, sont plus vulnérables à la prédation en raison des changements dans leur comportement (Lefcort et Blaustein, 1995). Une diminution du niveau de l'eau qui cause la concentration des têtards en eau peu profonde peut non seulement les exposer à de plus grands risques de prédation mais aussi favoriser la transmission des parasites d'un têtard à l'autre.

Des températures élevées de l'eau peuvent nuire au développement des œufs; en effet, les embryons du R. aurora sont, parmi les ranidés de l'Amérique du Nord, ceux qui affichent la plus faible température maximale tolérée (Licht, 1971). On sait que les œufs peuvent survivre à un minimum de 4 oC et que les adultes reproducteurs lancent parfois leurs appels sous une couche de glace (Calef, 1973a). Des températures printanières anormalement basses n'affecteraient donc pas énormément le succès de reproduction. Les besoins en matière d'hivernage du R. aurora n'étant pas connus, les effets de conditions hivernales extrêmes ne peuvent pas être précisés. Selon une hypothèse, si la glace devient beaucoup plus épaisse que la normale, les grenouilles en hibernation dans l'eau peuvent mourir à cause de l'appauvrissement en oxygène ou encore geler.

En Oregon, des analyses de sensibilité à des niveaux élevés de rayonnement UV-B effectuées sur le R. aurora ont révélé que les œufs n'étaient pas affectés par les rayons UV-Bambiants, sans doute en raison des fortes teneurs en photolyase des œufs (Blaustein et al., 1996). Un rayonnement UV-B de 30 p. 100 plus élevé que celui mesuré dans l'environnement à Victoria, en Colombie-Britannique, peut réduire le succès d'éclosion et la survie des larves (Ovaska et al., 1997). Il semble qu'un rayonnement UV-B accru cause la désintégration de l'enveloppe gélatineuse qui entoure les embryons. Les larves ainsi exposées présentent des brûlures cutanées et des cataractes (Ovaska et al., 1997).

Les effets des phénomènes planétaires tels que le réchauffement climatique exerceront probablement des stress sur les populations d'amphibiens. Par exemple, la hausse de la température de l'eau affectera la survie et le développement des œufs et des têtards, particulièrement ceux des espèces adaptées au froid comme le R. aurora (Ovaska, 1997). Des conditions estivales sèches plus peuvent limiter les déplacements et modifier les activités des grenouilles, tandis que des habitats pourraient disparaître si de petits plans d'eau s'assèchent (Ovaska, 1997).

On a attribué la disparition du R. a. draytonii en Californie aux effets combinés de la surexploitation, de l'introduction de ouaouarons, de l'altération des habitats (Moyle, 1973; Jennings et Hayes, 1985) et de l'introduction de poissons exotiques (Hayes et Jennings, 1986). La cause la plus probable du déclin des populations du R. a. aurora en Colombie-Britannique est la destruction des habitats. L'introduction de ouaouarons peut aussi en être responsable (MacIntyre et Palermo, 1980). Les ouaouarons éliminent les autres espèces de ranidés par la compétition (nourriture et habitats) et par la prédation qu'ils exercent sur les grenouilles indigènes plus petites (Moyle, 1973). Il a été démontré qu'ils ont une grande incidence sur les communautés d'amphibiens (Hecnar et M'Closkey, 1997). Les adultes et les têtards de ouaouarons sont des prédateurs de têtards d'autres espèces, dont ceux du R. aurora (Kiesecker et Blaustein, 1997). Les têtards des populations du R. aurora exposées à la prédation par des ouaouarons ont développé les comportements antiprédateur appropriés sur une période relativement courte (moins de 60 jours), ce qui indique que les ouaouarons nouvellement introduits ajoutent une forte pression en ce qui concerne la prédation (Kiesecker et Blaustein, 1997). Le R. aurora peut s'adapter à la présence de ouaouarons, mais son adaptation peut être compromise si d'autres stress s'exercent déjà sur la population.

Selon Licht (1974), le R. catesbeiana constitue une menace pour la survie du R. aurora : des ouaouarons ont été signalés pour la première fois sur son site d'étude (marais de la rivière Little Campbell) en 1970, et un récent relevé y a trouvé des individus de cette espèce, mais aucun R. aurora (Haycock, 1996). Pourtant, un grand nombre de R. aurora avaient été observés à cet endroit il y a quelques années, lors d'un autre relevé (S. Orchard, comm. pers.). D'après des preuves anecdotiques, le nombre de R. aurora dans au moins un étang de Victoria a décliné après l'introduction de ouaouarons (P. Price, comm. pers.).

Le R. catesbeiana a besoin d'un habitat où se trouvent des plans d'eau chaude abritant peu de végétation émergente; c'est pourquoi les changements dans l'habitat qui créent de telles conditions (causés par exemple par les pratiques forestières ou agricoles) avantagent cette espèce par rapport au R. aurora. Une perte de couvert végétal augmente également les possibilités de prédation par les ouaouarons (Hayes et Jennings, 1986) et d'autres animaux. Les têtards de ouaouarons semblent avoir un taux de survie plus élevé que ceux du R. aurora, et ils sont moins vulnérables à la prédation, surtout à celle provenant des poissons introduits (Hayes et Jennings, 1986). Avec un peu de chance, une étude en cours sur l'introduction de ouaouarons dans la partie sud de l'île de Vancouver et sur ses effets sur les espèces indigènes révélera si le R. aurora est menacé ou non par le R. catesbeiana.

Le R. aurora souffre peut-être également de la forte prédation par les poissons introduits. Les ranidés indigènes peuvent être plus vulnérables à la prédation par les poissons exotiques que par les poissons indigènes. Par ailleurs, les ouaouarons semblent avoir un avantage par rapport aux grenouilles indigènes quant à la prédation par des poissons (Hayes et Jennings, 1986). En Californie, on a trouvé peu de ranidés indigènes dans les sites où les poissons introduits étaient abondants, tandis que, dans les endroits où se trouvaient des ouaouarons, les poissons introduits semblaient dominer l'ichtyofaune (Hayes et Jennings, 1986).

La grenouille à pattes rouges vit au Canada et aux États-Unis. Le Nature Conservancy la considère comme « non rare, mais préoccupante à long terme » aux États-Unis, et le centre de données sur la conservation de la Colombie-Britannique, comme « fréquente à commune mais à répartition limitée, menaces prévues dans l'avenir » dans toute son aire de répartition canadienne (Corkran et Thoms, 1996). Tous les amphibiens jouent un rôle important dans les écosystèmes : ils sont des consommateurs primaires ou secondaires à différents stades de leur vie et constituent des proies importantes pour de nombreuses autres espèces (Shirose et Brooks, 1997). Le R. aurora est la seule espèce de ranidés sur l'île de Vancouver ainsi que dans l'ensemble de son aire de répartition continentale en dehors de la vallée du Fraser, où il vit en sympatrie avec le R. pretiosa. Les ranidés de l'ouest de l'Amérique du Nord, qui semblent subir un grave déclin (Drost et Fellers, 1996), doivent être étudiés de plus près. On ne relève pas d'intérêt particulier pour la grenouille à pattes rouges, bien que la survie des amphibiens en général préoccupe de plus en plus les citoyens. L'espèce n'est pas exploitée commercialement, que ce soit pour l'alimentation ou le commerce des animaux domestiques, et elle n'est pas économiquement importante, mais elle peut être considérée comme un moyen de lutte contre les insectes. L'espèce ne suscite pas d'opinions négatives; en fait, les grenouilles semblent être populaires auprès du grand public.

La cause la plus probable du déclin des populations en Colombie-Britannique est la perte d'habitat, surtout la disparition de la couverture végétale aquatique et riveraine. L'introduction de prédateurs exotiques peut également être une cause. Comme les ouaouarons ne se sont pas encore dispersés dans toute l'aire de répartition du R. aurora, l'urbanisation et les activités forestières sont probablement les responsables de la disparition de la plupart des populations locales. La disparition de populations locales peut être évitée grâce à des pratiques d'exploitation plus écologiques et au maintien des terres humides et des étangs au sein des zones suburbaines et urbaines. Ces mesures doivent être combinées à un contrôle de la qualité de l'eau et à la mise sur pied d'initiatives visant à réduire la pollution et les autres impacts des activités humaines. Dans les zones où l'exploitation forestière est pratiquée, les dispositions du Forest Practices Code qui régissent les répercussions sur les plans d'eau et les habitats riverains doivent être appliquées de façon plus stricte et s'étendre aux plans d'eau abritant des grenouilles mais pas nécessairement des poissons (la réglementation actuelle ne s'applique qu'aux cours d'eau abritant des poissons). La perte d'habitat causée par l'urbanisation est probablement plus importante, car elle se produit là où se trouvent (ou se trouvaient) la plupart des localités historiques. Des habitats sont ainsi perdus à jamais. Comme la grenouille à pattes rouges ne semble pas être actuellement menacée d'extinction, les mesures proposées feront en sorte qu'elle ne soit pas gravement menacée dans l'avenir. Une série de projets de surveillance intensive, d'étude des populations dans les localités historiques sur plusieurs années et de recherche sur le R. aurora à des endroits où il n'a pas encore été signalé devrait éclaircir le statut de l'espèce.

Le statut du R. aurora au Canada est « espèce préoccupante », principalement en raison des activités humaines qui mènent à la perte d'habitat dans l'ensemble de l'aire de répartition de l'espèce.

Je tiens à remercier Chris Shewchuk, Laura Friis, Kelly McAllister, Purnima Price, Patrick Gregory et Stan Orchard pour les renseignements qu'ils m'ont transmis et l'aide qu'ils m'ont fournie. Je remercie particulièrement David Green, qui m'a donné la possibilité de contribuer à la conservation des amphibiens, ainsi que les réviseurs, qui ont apporté des commentaires et des suggestions utiles sur la version préliminaire du rapport.

Le financement du présent rapport de situation a été assuré par le Service canadien de la faune d'Environnement Canada.

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Heather Waye, biologiste professionnelle agréée, est titulaire d'une maîtrise ès sciences en biologie de la University of Victoria. Co-auteure des rapports de situation sur la couleuvre à nez mince du Grand Bassin et la couleuvre agile à ventre jaune de l'Ouest en Colombie-Britannique, elle participe actuellement à un relevé de la grenouille léopard, à Creston, en Colombie-Britannique.

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