Phoque commun de la sous-espèce des lacs des loups marins (Phoca vitulina mellonae) : programme de rétablissement

Table des matières

Liste des tableaux

  • Tableau 1. Évaluation des menaces.
  • Tableau 2. Planification du rétablissement.
  • Tableau 3. Sommaire des caractéristiques et des fonctions de l’habitat essentiel.
  • Tableau 4. Calendrier des études.
  • Tableau 5. Exemple d’activités susceptibles de détruire l’habitat essentiel.

Liste des figures

  • Figure 1. Aire de répartition potentielle du phoque commun des lacs des Loups Marins. Les données proviennent de la littérature et des connaissances traditionnelles (Consultations à Whapmagoostui, Kuujjuarapik, Umiujaq, 3 et 4 avril 2012).
  • Figure 2. Carte du parc national Tursujuq
  • Figure 3. Habitat essentiel désigné pour le phoque commun des lacs des Loups Marins

Phoque commun, sous-espèce des lacs des Loups Marins

Proposition

2017

Phoque commun

Citation recommandée :

MPO. 2017. Programme de rétablissement du phoque commun, sous-espèce des lacs des Loups Marins (Phoca vitulina mellonae) [version proposée]. Série des programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péri, Pêches et Océans Canada, Ottawa. v + 30 p.

Exemplaires supplémentaires :

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires du plan d'action ou de plus amples renseignements sur les espèces en péril, y compris les rapports de situation du COSEPAC, les descriptions de résidence, les programmes de rétablissement et d'autres documents liés au rétablissement, veuillez consulter le Registre public des espèces en péril1.

Illustration de la page couverture : François Martin, Nunavik Research Center, Makivik

Also available in English under the title:
"Recovery strategy for the harbour seal, Lacs des Loups Marins subspecies (Phoca vitulina mellonae) [Proposed]"

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par la ministre de Pêches et Océans Canada, 2017. Tous droits réservés.
ISBN ISBN à être fourni par l'organisme responsable de la LEP
No de cat. No de cat. à être fourni par l'organisme responsable de la LEP

Le contenu (à l’exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d’indiquer la source.

Préface

En vertu de l'Accord pour la protection des espèces en péril (1996), les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signataires ont convenu d'établir une législation et des programmes complémentaires qui assurent la protection efficace des espèces en péril partout au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, ch. 29) (LEP), les ministres fédéraux compétents sont responsables de l'élaboration des programmes de rétablissement pour les espèces inscrites comme étant disparues du pays, en voie de disparition ou menacées, et ils sont tenus de rendre compte des progrès réalisés cinq ans après la publication de la version finale du document dans le Registre public des espèces en péril.

La ministre de Pêches et Océans Canada est le ministre compétent pour le phoque commun des lacs des Loups Marins et a élaboré ce programme, conformément à l’article 37 de la LEP. Le présent programme a été préparé en collaboration avec le Gouvernement de la Nation Crie, l’Association des trappeurs cris, la société Makivik, l’Administration régionale Kativik (parc national Tursujuq), Hydro-Québec (jusqu’en juin 2011) et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec.

La réussite du rétablissement de cette sous-espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties concernées qui participeront à la mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent programme. Cette réussite ne pourra reposer seulement sur Pêches et Océans Canada ou sur toute autre compétence. Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes sont invités à appuyer le programme et à contribuer à sa mise en œuvre pour le bien du phoque commun des lacs des Loups Marins et de l’ensemble de la société canadienne.

Le présent programme de rétablissement sera suivi d’un ou de plusieurs plans d’action qui présenteront de l’information sur les mesures de rétablissement qui doivent être prises par Pêches et Océans Canada et d’autres compétences ou organisations participant à la conservation de l’espèce.

Remerciements

Pêches et Océans Canada (MPO) remercie les rédactrices Andréanne Demers, Marthe Bérubé et Catherine Laurian, qui ont rédigé ce programme avec la précieuse collaboration de l’Équipe de rétablissement (voir l’annexe B). Le MPO souligne l’apport précieux des chasseurs cris et inuits qui ont communiqué leurs connaissances sur cette population. Le MPO remercie également Gilles Fortin et Brigitte Lévesque pour leur soutien en cartographie. Enfin, nous remercions toutes les personnes qui ont commenté le document.

Sommaire

Le phoque commun des lacs des Loups Marins (Phoca vitulina mellonae) est une sous-espèce de phoque commun qui vit exclusivement en eau douce. Cette population est unique au monde puisque son aire de répartition est exclusive au Québec. Celle-ci est, de surcroît, très restreinte et limitée à un groupe de lacs et de rivières situés au Nunavik, à quelque 250 km à l’est de la baie d’Hudson. On estime que la population des lacs des Loups Marins est isolée de son habitat marin d’origine depuis les plus récentes glaciations, il y a de cela 3 000 à 8 000 ans. Les estimations de la taille de la population sont entourées d’une grande incertitude et varient entre 50 et 600 individus.

Bien que la population de phoques communs des lacs des Loups Marins ait toujours été petite, il est possible qu’elle ait décliné par le passé à cause de la chasse. L’une des principales menaces potentielles à sa survie mentionnées dans le rapport de situation du Comité sur la situation des espèces en péril du Canada (COSEPAC) est l’aménagement de barrages hydroélectriques, qui pourrait entraîner la disparition des zones d’eau libre en hiver et la contamination des poissons par le mercure. Toutefois, depuis juillet 2013, le parc national Tursujuq protège ce territoire de ce type de développement.

Les changements climatiques représenteraient actuellement la principale menace, car la population de phoques pourrait avoir de la difficulté à s’adapter à un milieu transformé. Le dérangement anthropique provenant du tourisme et des activités scientifiques et de l’exploration ou de l’exploitation minière est également susceptible de nuire à cette petite population. Des chasseurs autochtones récoltent à l’occasion et de manière opportuniste quelques individus, mais l’espèce ne fait présentement l’objet d’aucune chasse traditionnelle ciblée. Étant donné la très petite taille de cette population, ces menaces risqueraient d’entraîner sa disparition.

La population de phoques communs des lacs des Loups Marins a été désignée en voie de disparition par le COSEPAC en novembre 2007. Les objectifs de population de ce programme de rétablissement sont d’atteindre une population totale de 210 individus sur une période de 25 ans et de 250 individus matures à plus long terme. Compte tenu des très nombreuses incertitudes entourant la taille, la répartition et la biologie de la population, ces objectifs sont amenés à évoluer à mesure que l’on connaîtra mieux le phoque et son habitat.

Ce programme propose une stratégie visant à orienter les mesures qui doivent être prises pour compléter les efforts déjà investis à ce jour en vue de contrer la disparition de cette sous-espèce endémique du Canada. Améliorer les connaissances sur la population et protéger son habitat sont les stratégies prioritaires proposées dans ce programme. L’habitat essentiel désigné correspond aux lacs où la présence du phoque commun d’eau douce a été confirmée, soit le lac Bourdel, les lacs des Loups Marins et le Petit lac des Loups Marins.

Résumé du caractère réalisable du rétablissement

Le rétablissement de la population de phoques communs des lacs des Loups Marins est jugé réalisable puisqu’il répond aux quatre critères de faisabilité technique et biologique.

1. Les individus présents dans le milieu naturel sont capables de se reproduire.

Bien qu’aucune naissance n’ait été observée, plusieurs adultes, dont des femelles probablement gestantes, ont été vus dans la région des lacs des Loups Marins. Selon des commentaires de chasseurs cris et inuits rencontrés, le nombre d’individus serait probablement supérieur aux estimations.

2. Des habitats sont disponibles ou pourraient le devenir pour permettre la croissance et la reproduction des phoques communs des lacs des Loups Marins.

Les habitats propices à la croissance de la population existent, bien que nos connaissances concernant les habitats adéquats soient très limitées. D’après les quelques renseignements disponibles, les phoques communs des lacs des Loups Marins seraient répartis dans les vastes étendues des lacs des Loups Marins, ainsi que dans le petit lac des Loups Marins et le lac Bourdel. Lors des consultations dans les communautés autochtones (2009), des intervenants ont suggéré que sa répartition serait plus vaste que celle indiquée dans le rapport de situation du COSEPAC. En revanche, il faut veiller à ce que cet habitat ne soit pas dégradé ou détruit, et notamment que les zones libres de glace en hiver soient préservées pour offrir des sources d’air.

3. Les menaces qui affectent l’espèce et son habitat peuvent être évitées ou atténuées.

La plupart des menaces peuvent être atténuées grâce à la protection offerte par le parc national Tursujuq. Il faudra suivre les autres menaces, telles que les changements climatiques, pour en mesurer l’impact.

4. Il existe des techniques qui permettent le rétablissement de l’espèce.

Il existe des mesures de protection de l’habitat du phoque commun des lacs des Loups Marins qui peuvent être mises en place afin d’assurer la survie et la croissance de la population.

Liste des acronymes

ATC
Association des trappeurs Cris
CBJNQ
Convention de la Baie-James et du Nord québécois
CCCPP
Comité conjoint de chasse de pêche et de piégeage
COSEPAC
Comité sur la situation des espèces en péril au Canada
ÉES
Évaluation environnementale stratégique
LEP
Loi sur les espèces en péril
MFFP
Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs
MPO
Pêches et Océans Canada

1. Évaluation de l’espèce par le COSEPAC

Voici le sommaire de l’évaluation du Comité sur la situation des espèces en péril du Canada (COSEPAC) tel qu’il apparaît dans le rapport de situation (COSEPAC 2007) :

Date de l’évaluation :Novembre 2007

Nom commun : Phoque commun de la sous-espèce des lacs des Loups Marins

Nom scientifique : Phoca vitulina mellonae

Désignation du COSEPAC : En voie de disparition

Justification de la désignation : Cette sous-espèce confinée aux eaux intérieures est endémique au Québec, et sa population pourrait compter aussi peu que 100 individus. Elle habite dans un petit groupe de lacs dans le nord du Québec et est la seule sous-espèce à vivre uniquement en eau douce. La population a connu (et connaît peut-être encore) un déclin causé par la chasse. Des aménagements hydroélectriques proposés causeraient des changements considérables à l'habitat.

Présence au Canada : Québec

Historique du statut selon le COSEPAC :Espèce désignée « préoccupante » en avril 1996. Réexamen du statut : l'espèce a été désignée « en voie de disparition » en novembre 2007. Dernière évaluation fondée sur une mise à jour d'un rapport de situation.

2. Information sur la situation de l’espèce

La population de phoques communs des lacs des Loups Marins (Phoca vitulina mellonae) qui vit dans la péninsule d’Ungava, au Québec, est la seule population existante de cette sous-espèce. Ainsi, toute son aire de répartition se trouve au Canada. NatureServe (Canada et Québec) lui a attribué la classification « gravement en péril ». Le gouvernement du Québec a placé la population sur la liste des espèces susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables.

3. Information sur l’espèce

3.1 Description de l’espèce

Le phoque commun des lacs des Loups Marins vit exclusivement en eau douce. Il est en fait le seul phoque d’eau douce d’Amérique du Nord et la seule sous-espèce de phoque commun d’eau douce connue au monde. Il est connu par les Cris sous le nom d’achikunipi et par les Inuits sous celui de qasigiaq. Cette sous-espèce a été peu étudiée et il existe donc de nombreuses lacunes dans les connaissances liées spécifiquement à cette population. Le phoque commun (P. vitulina) est un petit pinnipède au pelage de coloration variable, tacheté de brun, de noir et de blanc jaunâtre. Dans l’est du Canada, sa longueur moyenne à la naissance est d’environ 80 cm, et il n’y a pas de différence importante entre les sexes (Boulva et McLaren, 1979). Les mâles adultes mesurent jusqu’à 154 cm et les femelles jusqu’à 143 cm. Le poids des mâles matures atteint 90 kg en moyenne et celui des femelles, 70 kg (Boulva et McLaren, 1979). Chez les femelles matures, l’état d’engraissement change énormément de la mise bas jusqu’à la fin de la lactation. La longévité de ce phoque est d’environ 30 ans (Boulva et McLaren, 1979).

On sait que le phoque commun des lacs des Loups Marins se distingue des phoques communs vivant en milieu marin (P. v. concolor) par la couleur de son pelage, qui est particulièrement foncé, par certains aspects de sa morphologie, notamment une boîte crânienne plus large et plate, par son comportement – il reste en eau douce et il se reproduit plus tôt que les autres phoques – et par sa génétique (Smith et coll., 1994; Smith, 1999). Les Autochtones apprécient la couleur de son pelage. Les Inuits considèrent que la peau de ce phoque est plus douce et plus brillante que celle des autres phoques communs. Pour leur part, les Cris du Nord du Québec ont observé que le P. v. mellonae est plus petit et plus foncé que les phoques communs marins, qu’il se comporte différemment et qu’il a un goût distinct (Atkinson, 1818; Doutt, 1942; Consortium Gilles Shooner & Associés et coll., 1991; Posluns, 1993).

3.2 Population et répartition

La première description manuscrite de Phoca vitulina mellonae a été réalisée par Atkinson en 1818. Puis, en 1898, Low a formulé l’hypothèse que la population de phoques communs que l’on trouvait dans ces lacs avait été isolée 3 000 à 8 000 ans plus tôt, piégée par le relèvement isostatique2 de la péninsule d’Ungava depuis le retrait des glaciers. Ce n’est qu’en 1942 que Doutt publie la description scientifique de la sous-espèce P. v. mellonae.

Selon le rapport de situation du COSEPAC, il est improbable que d’autres phoques communs migrent vers la région des lacs des Loups Marins, la population étant vraisemblablement isolée géographiquement et génétiquement. L’immigration de phoques marins est freinée par la distance de la côte. En outre, les populations adjacentes de la baie d’Hudson et de la baie d’Ungava sont relativement petites (Mansfield, 1967).

3.2.1 Taille et tendances de la population

Le peu d’information disponible ne permet pas d’établir une estimation fiable de l’abondance du phoque commun des lacs des Loups Marins. Il n’est pas possible actuellement de calculer les tendances de l’abondance à l’échelle de l’aire de répartition.

Les estimations de la taille de la population, qui vont de 50 à quelque 600 individus, varient selon les auteurs et sont imprécises (MPO 2009). Par exemple, au cours des trois étés d’intenses travaux sur le terrain aux lacs des Loups Marins, qui constitueraient le centre de l’aire de répartition actuelle du phoque commun d’eau douce, Smith (1999) a observé seulement 39 individus. Un relevé des zones d'eau libre des lacs des Loups Marins, en mai 2011, a permis de dénombrer 52 phoques échoués sur la glace (J.-F. Gosselin, MPO, communication personnelle). Il est manifestement très difficile de calculer les tendances de la population au fil du temps, même si des observations manuscrites qui témoignent d’une plus grande aire de répartition et de taux de captures plus élevés suggèrent que la population ait été plus abondante dans le passé (COSEPAC, 2007). Il est également possible que cette population soit naturellement de petite taille, limitée par la capacité biologique du milieu.

3.2.2 Répartition de la population

Actuellement, les phoques communs des lacs des Loups Marins occuperaient au moins 670 km² de lacs et de rivières de la péninsule d’Ungava (Smith et coll., 2006 ; figure 1). Quoique la répartition actuelle semble se limiter aux lacs des Loups Marins, au lac Bourdel et au Petit lac des Loups Marins, les connaissances traditionnelles autochtones et les données historiques décrivent une aire de répartition s’étendant dans plusieurs lacs et rivières dans la région des lacs des Loups Marins, notamment le lac Minto, le lac à l’Eau Claire et la rivière Nastapoka (Flaherty, 1918; Manning, 1946; Berrouard, 1984; Archéotec, 1990; Consortium Gilles Shooner & Associés et coll., 1991; Smith, 1999). Ces renseignements sont corroborés par les toponymes cris de la région, qui emploient des termes associés à la présence des phoques pour désigner plusieurs lieux (Archéotec 1990). De plus, lors des consultations dans les communautés autochtones effectuées par le MPO en 2009 et en 2012, quelques intervenants ont suggéré que la répartition de ce phoque d’eau douce serait plus vaste que celle énoncée dans le rapport de situation du COSEPAC et qu’elle pourrait s’étendre au-delà du périmètre désigné. Selon eux, la population pourrait même être en augmentation.

Il n’existe aucune donnée sur les déplacements saisonniers des phoques d’eau douce, bien que les observations les plus récentes permettent d’établir que les phoques passeraient l’hiver dans les vastes étendues  des lacs des Loups Marins, du lac Bourdel et du Petit lac des Loups Marins et qu’ils se déplaceraient dans de plus petites masses d’eau éloignées à la fonte des glaces (Consortium Gilles Shooner & Associés et coll., 1991). Il est improbable que le phoque commun des lacs des Loups Marins parvienne à franchir les chutes de la rivière Nastapoka ou qu’il se déplace entre la région des lacs des Loups Marins et la baie d’Hudson ou la baie d’Ungava (Low, 1898; Smith, 1999).

Description longue de la figure

Figure 1 : Aire de répartition potentielle du phoque commun des lacs des Loups Marins. Elle est située au nord du Québec, au Nunavik. Les données proviennent de la littérature et des connaissances traditionnelles (Consultations à Whapmagoostui, Kuujjuarapik, Umiujaq, 3 et 4 avril 2012). L’aire de répartition potentielle inclut les lacs Guillaume-Delisle, Werden, Melvin, Minto, Bourdel, des Loups Marins, à l’Eau Claire, d’Iberville, Mollet, Lenormand, Saindon, Mondain, Bienville, Kaminapiskwasi et le Petit lac des Loups Marins, et la rivière Nastapoka.

Figure 1. Aire de répartition potentielle du phoque commun des lacs des Loups Marins. Les données proviennent de la littérature et des connaissances traditionnelles (Consultations à Whapmagoostui, Kuujjuarapik, Umiujaq, 3 et 4 avril 2012).

Carte

3.3 Besoins du phoque commun des lacs des Loups Marins

Le phoque commun des lacs des Loups Marins s’alimente essentiellement de poissons tels le grand corégone (Coregonus clupeaformis), le touladi (Salvelinus namaycush), le cisco de lac (Coregonus artedii) et l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis). Les résultats d’analyses d’isotopes stables et d’acides gras menées sur différents groupes de phoques, dont ceux d’eau douce, ont confirmé que l’alimentation de ces derniers provenait de l’eau douce (Smith et coll., 1996). Il est probable que la prédation par les phoques ait modifié la composition des espèces de poissons dans les lacs des Loups Marins où le touladi est moins abondant que dans les lacs environnants (Power et Grégoire, 1978; Consortium Gilles Shooner & Associés et coll., 1991).

Malheureusement, on ne dispose d’aucune donnée sur les paramètres du cycle biologique du phoque commun des lacs des Loups Marins. Si son cycle biologique est similaire à celui du phoque commun marin, l’âge moyen lors de la première reproduction devrait être entre 3 et 6 ans chez les femelles et d’environ 5 à 6 ans chez les mâles. On estime que les taux de survie sont faibles chez les jeunes phoques (COSEPAC, 2007; MPO, 2009). Il semble que les phoques communs des lacs des Loups Marins mettent bas très tôt au printemps (au début du mois de mai), comparativement aux phoques marins qui donnent plutôt naissance à leurs petits au mois de juin, aux mêmes latitudes (Consortium Gilles Shooner & Associés et coll., 1991; Smith et coll., 1994). Les femelles mettraient au monde un seul petit alors que les lacs sont toujours recouverts de glace. Selon le rapport du COSEPAC, plusieurs auteurs mentionnent que les naissances pourraient avoir la particularité de se produire sur des plates-formes sous la glace plutôt que sur la banquise, bien qu’il n’existe aucune observation directe pouvant l’attester.

Le suivi des déplacements de septembre à novembre de phoques marqués dans les lacs des Loups Marins a montré qu’ils préfèrent les petites zones le long des rives et qu’ils restent dans ce secteur. Toutefois, ils parcourent parfois des distances relativement longues, en moyenne de 1,5 à 9,8 km par jour, et leurs aires de répartition individuelles varient de 82,9 km² à 890,8 km² (Smith et coll., 2006). Durant l’hiver, les phoques ne se déplacent pas uniquement dans l’eau; ils utilisent également des sentiers battus sur la glace et la neige afin de se déplacer entre des zones d’eaux libres. Au printemps, ils agrandissent leur territoire en se déplaçant dans les rivières avoisinantes et sur terre (Consortium Gilles Shooner & Associés et coll., 1991; MPO, 2009). L’activité d’échouage3 augmente au printemps, lors de la mise bas, puis en août, probablement au cours de la mue. Les phoques se hissent sur la glace au printemps et utilisent les rochers, les îles isolées et les plages pendant l’été.

Contrairement aux véritables phoques arctiques tels le phoque annelé (Phoca hispida) et le phoque barbu (Erignathus barbatus), le phoque commun n’est pas capable de conserver des trous d’air dans la glace pendant l’hiver, il ne possède pas de longues griffes aux nageoires antérieures, ce qui l’empêche de percer et maintenir des trous dans la glace. Durant l’hiver arctique, le phoque commun d’eau douce dépend donc des zones d’eaux libres permanentes pour sortir de l’eau (Mansfield, 1967; Stewart et Lockhart, 2005).

Trois éléments semblent contribuer au maintien des ouvertures dans le couvert de glace en hiver, soit : la vitesse de l’eau, la température de celle-ci et la baisse du niveau de l’eau en réaction à l’apport réduit des tributaires, qui sont eux-mêmes gelés en plus ou moins grande partie. Ainsi, lorsque la grande majorité des lacs et des rivières est couverte de glace, ce sont les zones qui demeurent libres de glace en raison des forts courants, les fissures dans la glace et les poches d’air créées par la forme complexe de la ligne de côte ou les ondulations de la couche inférieure de la glace de surface qui permettraient aux phoques de respirer (Smith et Horonowitsch, 1987; Consortium Gilles Shooner & Associés et coll., 1991; Dean Consulting & Research Associates, 1991).  

4. Menaces

La faible taille de la population et la répartition géographique restreinte des phoques communs des lacs des Loups Marins augmentent leur vulnérabilité et limitent le potentiel de rétablissement de cette sous-espèce.

Les changements climatiques représenteraient actuellement la principale menace, car la population de phoques pourrait avoir de la difficulté à s’adapter à un milieu transformé. Par exemple, les chasseurs autochtones ont rapporté une augmentation de la prédation par l’ours, qui semble être liée aux changements climatiques et avoir déjà eu un impact sur cette population. Le développement hydroélectrique pourrait représenter une menace en raison des impacts significatifs qu’il pourrait engendrer sur l’habitat du phoque. Les autres menaces sont la récolte d’individus par la chasse occasionnelle et opportuniste, le dérangement que pourraient causer le développement du tourisme dans la région ou les activités scientifiques et l’exploitation minière. Tous ces éléments menacent, dans une certaine mesure, la survie de cette petite population unique au monde.

4.1 Évaluation des menaces

Le tableau 1 présente une évaluation des menaces au rétablissement du phoque commun des lacs des Loups Marins en fonction de plusieurs paramètres, notamment le niveau de préoccupation. Les menaces ont été évaluées en fonction de la meilleure information disponible actuellement. Cette évaluation est appelée à changer au fil de l’acquisition de connaissances et à évoluer avec le temps. 

Description longue du tableau

Tableau 1. Le tableau présente les menaces au rétablissement du phoque commun des lacs des Loups Marins et les évaluent selon leur étendue, leur occurrence, leur fréquence, la certitude causale, leur gravité et le niveau de préoccupation.

Tableau 1. Évaluation des menaces
Menace Étendue Occurrence Fréquence Certitude causale Gravité Niveau de préoccupation
Changements climatiques Généralisée Courante Continue Faible Inconnue Moyen
Développement hydroélectrique Généralisée Anticipée Continue Élevée Élevée Faible
Récolte (chasse occasionnelle et opportuniste) Locale Courante Saisonnière Moyenne Modérée Faible
Tourisme Généralisée Anticipée Inconnue Faible Inconnue Faible
Exploration ou exploitation minière Locale Anticipée Continue Faible Faible Faible
Activités scientifiques Généralisée Imminente Récurrente Moyenne Faible Faible

Étendue : indique si la menace est généralisée ou localisée dans l’ensemble de l’aire de répartition de la population.
Occurrence : indique si la menace est historique (elle a contribué au déclin, mais n’a plus d’incidence sur la population), courante (a actuellement une incidence sur la population), imminente (devrait avoir prochainement une incidence sur la population) ou anticipée (pourrait avoir une incidence sur la population dans l’avenir).
Fréquence : indique si la menace a une occurrence unique, saisonnière, continue ou récurrente (non de façon annuelle ou saisonnière).
Certitude causale : indique si les meilleures connaissances disponibles au sujet de la menace et de son impact sur la viabilité de la population sont de qualité élevée, moyenne ou faible.
Gravité : indique si le niveau de la gravité de la menace est élevé, modéré ou faible.
Niveau de préoccupation : indique si la gestion de la menace est, dans l’ensemble, une préoccupation de niveau élevé, moyen ou faible. Cela peut prendre en compte de la capacité d’atténuer ou d’éliminer la menace.

4.2 Description des menaces

4.2.1 Changements climatiques

Les impacts du réchauffement sont multiples : des hivers plus cléments, la dislocation hâtive du couvert de glace au printemps, une augmentation de la production primaire qui devrait se répercuter sur la faune, la progression de certaines espèces animales vers le nord, une incidence sur les espèces migratrices, la fonte du pergélisol, l’affaissement de certains terrains, l’évolution du régime hydrologique avec un réchauffement des températures de l’eau des lacs et des rivières conduisant à des impacts sur la faune aquatique régionale (Bourque et Simonet 2008). De plus, le Nord est la région qui subira le plus important changement climatique au Québec (Bourque et Simonet 2008).

Les communautés autochtones locales ont remarqué un changement progressif dans la composition de la faune de leur région, potentiellement causé par les changements climatiques, telles l’augmentation des populations d’aigles ou celle du nombre de barrages de castor. En ce qui concerne cette population de phoques, ils ont remarqué que certains prédateurs semblent plus présents. C’est le cas de l’ours noir (Ursus americanus), qui semble étendre son aire de répartition vers le nord (Consultations Whapmagoostui, Kuujjuarapik, Umiujaq 2012). L’ours noir est un prédateur opportuniste qui s’attaque parfois au phoque commun marin. Les Autochtones ont également noté que l’ours polaire (U. maritimus) s’aventure plus souvent à l’intérieur des terres; cet ours est connu comme étant un grand prédateur des phoques. L’augmentation de la prédation pourrait menacer la survie de la population de phoque commun des lacs des Loups Marins étant donné sa faible abondance. Pour le moment, l’impact des changements climatiques actuels et futurs est difficile à évaluer. Le niveau de préoccupation de cette menace est appelé à changer au fur et à mesure que des effets se feront ressentir dans cet écosystème nordique.

4.2.2 Développement hydroélectrique

Le rapport du COSEPAC cite que la hausse des prix des combustibles fossiles et les préoccupations à l’égard de la pollution atmosphérique suscitent un intérêt renouvelé envers les aménagements hydroélectriques. La rivière Nastapoka, qui prend sa source dans les lacs des Loups Marins, présente un potentiel hydroélectrique. Le gouvernement du Québec, la Société Makivik et l’Administration régionale Kativik sont d’ailleurs parties prenantes de l’entente Sanarrutik qui vise nommément le développement du potentiel hydroélectrique de la Nastapoka. Toutefois, en juillet 2013, le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec a créé le parc national Tursujuq qui inclut presque tout le bassin versant de la rivière Nastapoka. Selon la Loi sur les Parcs du Québec (LRQ, chapitre P-9), toute forme d'utilisation et d'exploitation des ressources à des fins de production énergétique est interdite à l’intérieur d’un parc. Dans ce contexte, l’habitat de ce phoque est donc protégé des menaces du développement hydroélectrique à l’intérieur du parc. Le développement hydroélectrique est toutefois encore considéré comme une menace puisqu’il serait possible à l’extérieur du parc, dans l’habitat potentiel du phoque d’eau douce.

Il est reconnu que le remplissage des bassins de retenue d’eau lors de la mise en fonction de centrales hydroélectriques entraîne la disparition des rapides en amont, faisant ainsi disparaître les zones sans glace et les abris sous la glace le long des côtes (COSEPAC 2007). Or, les phoques ont absolument besoin de ces sites particuliers durant l’hiver. Un développement hydroélectrique dans l’aire de répartition de la population risquerait également d’avoir une incidence sur la répartition et l’abondance des proies des phoques et d’entraîner une contamination des individus suite à l’émission de méthylmercure par la végétation inondée en décomposition (Woodley et coll., 1992). Le méthylmercure est connu pour son immunotoxicité4 et les dommages qu’il cause au système nerveux central chez les mammifères (revue dans Wolfe et coll., 1998). En plus des perturbations directes sur le milieu de vie du phoque, l’aménagement hydroélectrique s’accompagnera de la construction de routes et de lignes de transport d’énergie, qui pourrait avoir une incidence sur l’espèce si de telles structures étaient créées dans son habitat. L’expérience acquise en Finlande dans le lac Saimaa, occupé par des phoques annelés d’eau douce (Phoca hispida saimensis), démontre que les modifications des caractéristiques physiques du milieu et notamment la variation du niveau de l’eau en raison des aménagements hydroélectriques peuvent entraîner un haut taux de mortalité chez les petits (Sipilä et Hyvärinen 1998).

4.2.3 Récolte (chasse occasionnelle et opportuniste)

À l’heure actuelle, la seule cause connue de mortalité attribuable aux humains chez cette petite population de phoques communs d’eau douce est une chasse occasionnelle effectuée par les communautés autochtones. Aux termes de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, les phoques d’eau douce au nord du 55e parallèle sont réservés à l’usage exclusif des Cris, des Inuits et des Naskapis. Il est possible que, par le passé, l’avènement de la chasse au fusil et le grand intérêt pour les peaux de phoque commun à des fins décoratives aient entraîné une diminution du nombre de ceux-ci dans les rivières et les lacs à proximité des territoires de chasse (Smith et Horonowitsch 1987). Des aînés cris rapportent que la chasse historique aurait culminé vers 1918 (I. Masty, ATC, comm. pers.). La distance à parcourir pour se rendre sur les territoires où les phoques d’eau douce sont présents est très grande, mais les Cris parcouraient de plus grandes distances à cette époque pour chasser le caribou. Les peaux de ces phoques d’eau douce étaient réputées pour leur grande qualité. Cette chasse est aujourd’hui très limitée, les besoins et les activités des communautés ayant changé. Lors de consultations sur l’ajout de l’espèce à la Liste des espèces en péril, la population locale a confirmé qu’à l’occasion, un à deux individus sont récoltés par année, mais qu’aucune chasse traditionnelle ne vise cette espèce (Consultations Whapmagoostui, Kuujjuarapik, Umiujaq 2009). Selon les aînés cris, moins de 10 phoques d’eau douce auraient été tués dans les trente dernières années (I. Masty, ATC, comm. pers.).

Compte tenu de la très petite taille présumée de la population, une augmentation de la chasse de quelques captures peut constituer une menace. Il est difficile de prévoir le comportement des prochaines générations de chasseurs et donc de l’impact de cette menace dans l’avenir. Si le territoire devenait plus accessible, notamment à cause d’une augmentation des activités industrielles, l’impact de cette menace pourrait changer. Étant donné la grande incertitude liée à la taille réelle de la population (estimations entre 50 et 600 individus), un suivi serré du nombre des captures sera nécessaire pour évaluer l’impact de cette menace.

4.2.4 Tourisme

Le secteur touristique est en pleine expansion dans le Nunavik. Une présence humaine accrue dans l’habitat du phoque commun des lacs des Loups Marins pourrait entraîner un dérangement des individus et donc perturber leurs activités essentielles à leur survie.

Le parc national Tursujuq du Québec, incluant le bassin de la rivière Nastapoka, a été officiellement créé en juillet 2013 (figure 2 ). Sa création pourrait faire augmenter le tourisme dans la région et les visiteurs pourraient être tentés par l’observation d’une espèce emblématique et unique telle que le phoque commun des lacs des Loups Marins. Or, selon des chasseurs cris et inuits consultés qui connaissent ce phoque, cet animal pourrait être facilement perturbé par la présence humaine et les chasseurs craignent l’impact du dérangement provenant du tourisme. Cependant, la majeure partie de l’aire de répartition du phoque commun des lacs des Loups Marins se situe sur un territoire éloigné dont les coûts d’accès sont élevés. De plus, l’accès au territoire ne sera pas plus facile avec l’établissement du parc, puisqu’aucune route n’est prévue dans le secteur où se trouvent les phoques.

L’utilisation touristique du territoire occupé par les phoques est pour l’instant négligeable et, advenant une augmentation du nombre de visiteurs, des mesures d’atténuation du dérangement pourraient être mises en place par les autorités du parc, la mission première d’un parc étant la conservation. Par exemple, à l’intérieur d’un parc, les zones très sensibles peuvent être protégées par un zonage particulier telles les zones de préservation et les zones de préservation extrême. Le directeur du parc a le pouvoir de contrôler ou d’interdire l’accès de certains secteurs du parc. De plus, le directeur doit autoriser les activités de recherche. Toutefois, ces mesures sont hors du contrôle du gouvernement fédéral. Le niveau de préoccupation de cette menace est considéré comme faible.

Description longue de la figure

Figure 2 : Carte du parc national Tursujuq. Le parc s’étend sur presque tout le bassin versant de la rivière Nastapoka, du Petit lac des Loups Marins jusqu’à l’embouchure de la rivière au nord et à l’embouchure du lac Guillaume-Delisle au sud.

Figure 2. Carte du parc national Tursujuq

Carte

4.2.5 Exploration et exploitation minière

Actuellement, il n’y a pas d’exploitation minière sur le territoire qu’occupe le phoque commun des lacs des Loups Marins. L’exploration et l’exploitation minière sont interdites à l’intérieur du parc national Tursujuq. Cependant, l’aménagement de mines dans le secteur autour du parc n’est pas exclu dans le futur. Il existe des titres miniers actifs à proximité de la limite du bassin versant de la rivière Nastapoka; la partie nord du bassin versant de la Nastapoka n'est pas soustraite à l'activité minière. Bien que tout développement minier soit sujet à une évaluation d’impacts environnementaux, il pourrait entraîner une altération de la qualité de l’eau ou une modification du débit des plans et cours d’eau du secteur. C’est pourquoi cette menace est incluse dans la liste des facteurs pouvant affecter le rétablissement de cette population, bien que son niveau de préoccupation soit faible.

4.2.6 Activités scientifiques

À cause de leur statut d’espèce en voie de disparition et des nombreuses lacunes dans les connaissances sur cette population, les phoques communs des lacs des Loups Marins pourront faire l’objet de plus d’études scientifiques. Bien que l’acquisition de connaissances soit essentielle à la mise en œuvre de mesures de rétablissement pour le phoque commun d’eau douce, ces projets de recherche pourraient être susceptibles de déranger les individus. Par exemple, les chercheurs doivent s’approcher des phoques pour prendre les photographies nécessaires à l’identification des individus et prélever des biopsies. Le marquage des individus ou la pose d’émetteurs nécessitent la capture et l’anesthésie des animaux, ce qui peut occasionner un stress. Cependant, des mesures peuvent être prises pour atténuer les impacts des activités de recherche sur la santé des individus et le rétablissement de la population. Ces mesures peuvent devenir des conditions à l’obtention des permis nécessaires pour effectuer des études sur le phoque (permis en vertu de la Loi sur les espèces en péril et permis accordé par le parc national Tursujuq). C’est pourquoi cette menace est incluse avec un niveau de préoccupation faible dans la liste des facteurs pouvant affecter le rétablissement de cette population.

5. Objectifs de population et de répartition

Il est difficile d’établir des objectifs de population et de répartition pour les phoques communs des lacs des Loups Marins, compte tenu de l’imprécision des données historiques et actuelles sur la taille de la population et de l’incertitude au sujet de la capacité biologique du milieu. Le territoire d’environ 500 km² que forment les lacs des Loups Marins pourrait théoriquement accueillir une population d’environ 200 individus (MPO 2009). D’après les données historiques et les mentions récentes rapportées par des Autochtones, des phoques d’eau douce ont été observés au-delà du chapelet des lacs des Loups Marins, soit du lac Bourdel au Petit lac des Loups Marins, et il y a de bonnes chances pour que ces lacs puissent supporter des colonies à l’année (MPO 2009). Dans ce cas, la superficie de l’habitat adéquat disponible pour les phoques pourrait passer à environ 750 km². Si cet habitat présente une productivité en poisson semblable à celle des lacs des Loups Marins, la capacité biologique de l’ensemble du secteur pourrait être estimée à quelque 300 individus.

Le MPO applique l’approche de précaution pour gérer diverses ressources marines, y compris les phoques, qui propose un effectif correspondant à environ 70 % de l’effectif maximal, selon la capacité biologique du milieu (Hammill et Stenson, 2007). En supposant que les lacs des Loups Marins, le Petit lac des Loups Marins et le lac Bourdel peuvent soutenir 300 individus, l’objectif de population est fixé à environ 70 % de la capacité biologique du milieu, soit environ 210 individus. Ce niveau permettrait de réduire les risques d’extinction découlant d’événements imprévus. Cet objectif pourrait n’être atteint que sur une période de 25 ans selon la taille actuelle de la population et les taux de reproduction possibles pour le phoque commun (MPO, 2009). Cette estimation de la capacité biologique du milieu comprend toutefois une grande incertitude et pourra être révisée à mesure que des recherches seront réalisées sur cette population. Une population de 210 phoques resterait fragile face aux changements environnementaux qui pourraient survenir. Le COSEPAC pourrait changer le statut du phoque commun des lacs des Loups Marins de « en voie de disparition » à « menacé » si la population comptait au moins 250 individus matures lors de la mise à jour du rapport de situation du COSEPAC.

L’objectif de répartition du présent programme est de maintenir l’aire de répartition actuelle du phoque commun des lacs des Loups Marins. Les objectifs de population et de répartition proposés dans ce programme pourront être mis à jour à mesure que de nouvelles informations sur le phoque et son habitat seront disponibles.

6. Stratégies et mesures de rétablissement pour l’atteinte des objectifs

6.1 Mesures déjà achevées ou en cours

6.1.1 Parc national Tursujuq

En juillet 2013, le gouvernement du Québec a officiellement créé le parc national Tursujuq. Le territoire du parc couvre plus de 26 000 km² sur la côte est de la baie d’Hudson (figure 2). Ce parc inclut les lacs Guillaume-Deslisle et à l’Eau Claire, ainsi que presque tout le bassin versant de la rivière Nastapoka. L’Administration régionale Kativik a été étroitement associée à l’élaboration du projet de parc et elle en gère les activités. Selon le gouvernement du Québec, l’objectif prioritaire des parcs nationaux est d’« assurer la conservation et la protection permanente de territoires représentatifs des régions naturelles du Québec ou de sites naturels à caractère exceptionnel, notamment en raison de leur diversité biologique, tout en les rendant accessibles au public pour des fins d’éducation et de récréation extensive. » La chasse à l’intérieur du parc demeure interdite pour les visiteurs, et les droits de chasse des Autochtones établis dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécois sont maintenus. Tout l’habitat essentiel des phoques d’eau douce, soit le Petit lac des Loups Marins, les lacs des Loups Marins et le lac Bourdel, est à l’intérieur des limites du parc. Les autorités responsables précisent que le parc sera prochainement soumis à un plan de conservation et qu’elles veilleront à adapter le niveau de protection (zonage) de certains endroits pour la conservation de cette population unique puisque les zones très sensibles à l’intérieur des parcs peuvent être protégées par un zonage particulier. De plus, un plan d'éducation facilitera et valorisera les échanges de renseignements au sujet de ce phoque.

6.1.2 Recherches sur la population de phoques communs des lacs des Loups Marins

Récemment, quelques inventaires aériens ont été effectués afin d’acquérir une meilleure connaissance de la taille de la population, de l’étendue de son aire de répartition et de l’écologie du phoque commun des lacs des Loups Marins. À l’été 2010, la Société Makivik, avec l’appui de Pêches et Océans Canada et l’aide de partenaires cris et inuits locaux, a effectué des survols en hélicoptère pour dénombrer les phoques. En mai 2011 et 2014, le MPO a réalisé des inventaires aériens des lacs des Loups Marins. L’administration du parc a d’ailleurs produit un plan de recherche en collaboration avec plusieurs partenaires locaux et régionaux (gouvernement du Québec, Centre d’études nordiques, Administration régionale Kativik, Administration régionale crie, Avataq, Centre de recherche du Nunavik).

6.2 Orientation stratégique pour le rétablissement

Afin d’atteindre les objectifs de population et de répartition, le présent programme présente plusieurs stratégies et mesures de rétablissement (tableau 2 ). Celles-ci visent en premier lieu à combler les lacunes dans les connaissances sur cette population, grâce à des recherches scientifiques, mais aussi en compilant le savoir traditionnel des communautés locales. Les stratégies visent également à atténuer les menaces qui pourraient affecter la population et à sensibiliser les communautés locales à l’importance du phoque commun des lacs des Loups Marins.

Les stratégies et les mesures proposées devront être mises en œuvre en collaboration avec tous les partenaires locaux. L’application de ce programme de rétablissement sera l’occasion de créer des partenariats productifs avec les administrations régionales crie et inuite, l’administration régionale Kativik (parc national Tursujuq) et le gouvernement du Québec. Les communautés locales, et tout particulièrement les chasseurs cris et inuits qui connaissent bien le territoire et cette sous-espèce, seront des intervenants de premier plan et des partenaires essentiels pour la protection et le rétablissement de cette population unique de phoques d’eau douce.

Description longue du tableau

Le tableau 2 présente, dans la première et la deuxième colonnes, les stratégies de rétablissement et les mesures qui s’y rapportent. La troisième colonne identifie la menace qui est visée par la stratégie tandis que la dernière colonne indique le niveau de priorité de chaque stratégie, de faible à élevé.

Tableau  2. Planification du rétablissement.
Note : dans le tableau ci-dessous, le nom « phoque » fait toujours référence au phoque commun des lacs des Loups Marins.
Niveaux de priorité : Faible, qui serait profitable au rétablissement; Moyen, qui présente un grand intérêt pour le rétablissement; Élevé, qui est indispensable au rétablissement.
Stratégie de rétablissement Mesures Menaces Niveau de priorité
1. Améliorer l’état des connaissances sur l’écologie du phoque 1.1. Élaborer et mettre en place un programme de recherche sur le cycle vital (reproduction, mise bas, mue, etc.) et sur le comportement de l’espèce en fonction du temps. Toutes Élevé
1.2. Compiler le savoir écologique traditionnel sur l’écologie et le comportement du phoque.
1.3. Améliorer les connaissances sur les prédateurs du phoque.
2. Évaluer la taille, la répartition et la composition de la population 2.1. Évaluer la variabilité et l’isolement génétique de la population de phoques. Toutes Élevé
2.2. Élaborer une méthode d’inventaire adéquate pour chaque segment de la population.
2.3. Compiler le savoir écologique traditionnel pour estimer la taille de la population.
2.4. Effectuer des inventaires de la population de phoques en faisant appel aux communautés locales et à l’administration régionale Kativik via le parc national Tursujuq.
3. Protéger l’habitat du phoque 3.1. Assurer des mesures de protection et un zonage adéquats dans le parc national Tursujuq. Toutes Moyen
3.2. Examiner les mesures de protection possibles pour l’habitat potentiel du phoque qui se trouve à l’extérieur des limites du parc.
4. Faire un suivi de la récolte de subsistance 4.1. Donner aux communautés les moyens (programme d’échantillonnage, questionnaires, etc.) d’effectuer un suivi et une évaluation de la récolte. Récolte Moyen
4.2. Sensibiliser les chasseurs concernés afin d’assurer une bonne communication et de permettre une bonne collecte d’information.
4.3. Évaluer la possibilité de mettre en place d’autres mesures de conservation avec la collaboration des communautés locales.
5. Minimiser l’impact du dérangement anthropique lié au développement du tourisme 5.1. Étudier le comportement des phoques face au dérangement anthropique, à différents moments de leur cycle vital. Tourisme Moyen
5.2. Encourager les autorités du parc national Tursujuq à mettre en place des mesures de gestion ou à ajuster les mesures actuelles pour diminuer le dérangement lié au tourisme.
5.3. Encourager les autorités du parc national Tursujuq à informer et sensibiliser les visiteurs concernant le phoque et son habitat afin qu’ils prennent les dispositions d’usage dans les secteurs où l’on sait que la population est présente.
6. Élaborer et appliquer un plan de communication stratégique afin de sensibiliser la population à la singularité et à l’importance de cette sous-espèce de phoques. 6.1. Déterminer les partenaires et la clientèle ciblée. Toutes Moyen
6.2. Obtenir l’implication et la collaboration des Cris et Inuits.
6.3. Élaborer des outils pédagogiques afin de faire connaître le phoque et les menaces qui pèsent sur lui, tout en limitant son dérangement.
6.4. Faire participer les communautés locales à la collecte d’information sur la population.
7. Évaluer l’impact des changements climatiques sur la survie et le rétablissement des phoques 7.1. Évaluer l’augmentation des prédateurs tels que l’ours noir. Changements climatiques Moyen
7.2. Évaluer la modification de l’habitat du phoque par les changements climatiques.
7.3. Évaluer l’impact des changements climatiques sur les parasites et les maladies.
8. Limiter le dérangement par les projets industriels 8.1. S’assurer que le phoque est pris en compte dans les évaluations environnementales des projets miniers. Exploration et exploitation minière Faible

7. Habitat essentiel

7.1 Désignation de l’habitat essentiel de l’espèce

La Loi sur les espèces en péril prévoit, lors de la rédaction d’un programme de rétablissement, « la désignation de l’habitat essentiel de l’espèce dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible […] et des exemples d’activités susceptibles d’entraîner sa destruction » [alinéa 41(1)c)]. Le but de cette désignation est de faciliter la protection de l’habitat essentiel du phoque commun des lacs des Loups Marins des activités humaines qui pourraient le détruire et ainsi compromettre la survie et le rétablissement de cette espèce.

En vertu de la Loi sur les espèces en péril, l’habitat essentiel d’une espèce est défini comme :

« l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce. » [paragraphe 2(1)]

De plus, la LEP définit l’habitat pour les espèces aquatiques comme :

« les frayères, aires d’alevinage, de croissance et d’alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire. » [paragraphe 2(1)]

L’habitat essentiel du phoque commun des lacs des Loups Marinsest désigné dans la mesure du possible et en se basant sur la meilleure information accessible. Il est composé des lacs des Loups Marins, du lac Bourdel et du petit lac des Loups Marins (figure 3 ). Les phoques passent toute leur vie dans cet habitat qui soutient donc toutes leurs fonctions vitales : alimentation, échouage, reproduction, mise bas, croissance et migration. Il y a peu d’information scientifique pour déterminer les composantes et les caractéristiques de l’habitat essentiel. Cependant, la présence de zones libres de glace toute l’année est essentielle pour que les phoques puissent respirer et s’échouer tout en maintenant un accès au milieu aquatique et aux proies. Une abondance adéquate de proies est également essentielle à la survie des phoques. Le calendrier des études présenté à la section 7.2 donne un aperçu des recherches nécessaires pour approfondir nos connaissances sur les caractéristiques des composantes de l’habitat, ce qui permettra de compléter la désignation de l’habitat essentiel en vue de l’atteinte des objectifs de population et de répartition.

7.1.1 Information et méthode utilisées pour désigner l’habitat essentiel

Les renseignements disponibles sur l’habitat essentiel de cette population ont été revus dans le cadre de processus scientifique d’évaluation du potentiel de rétablissement du phoque commun des lacs des Loups Marins (MPO, 2009). Cette évaluation est basée sur toute l’information disponible sur cette population. Malgré des lacunes évidentes, les scientifiques ont proposé certains éléments cruciaux pour désigner l’habitat essentiel de cette population de petite taille.

Le bassin de la rivière Nastapoka et des lacs des Loups Marins s’étend sur un vaste territoire de 16 600 km². Les phoques semblent y être particulièrement regroupés dans un secteur d’environ 500 km² formé par les lacs des Loups Marins. Récemment, ils ont aussi été observés dans le Petit lac des Loups Marins et le lac Bourdel (Smith et coll., 2006 ; F. Martin, Makivik, données non publiées). On ignore si les phoques se trouvent exclusivement dans ce secteur en raison de la petite taille de leur population ou parce que ce secteur est le seul qui est viable pour eux. La première explication semble la plus plausible, compte tenudes connaissances traditionnelles qui indiquaient la présence de phoques dans de nombreux autres secteurs, plus ou moins éloignés des lacs des Loups Marins, à une certaine époque (MPO, 2009).

7.1.2 Description de l’habitat essentiel

Selon l’évaluation du potentiel de rétablissement (MPO, 2009), le secteur des lacs des Loups Marins, qui représente un territoire d’environ 500 km², pourrait accueillir une population d’environ 200 individus. La conservation d’une population de cette taille réduirait les risques d’extinction découlant d’événements stochastiques. Cependant, la population reste petite et demeure plus vulnérable qu’une population importante face aux changements environnementaux appréhendés découlant du réchauffement climatique.

Étant donné la très petite taille de la population actuelle, Pêches et Océans Canada considère qu’il est préférable de tenir compte de la répartition actuelle de cette population et donc d’inclure le lac Bourdel et le Petit lac des Loups Marins, à proximité des lacs des Loups Marins, dans la désignation de l’habitat essentiel. L’habitat essentiel du phoque commun des lacs des Loups Marins est désigné comme étant les lacs des Loups Marins, le lac Bourdel et le Petit lac des Loups Marins (figure 3 ). Si ces trois lacs présentent une productivité semblable, la capacité biologique de cet habitat, dont l’aire a été évaluée à environ 750 km², pourrait permettre la survie de 300 phoques. Cet habitat essentiel serait donc suffisant pour soutenir l’objectif de population de 210 individus, qui correspond à 70 % de la capacité biologique maximale du milieu. Pêches et Océans Canada considère que ces lacs sont un habitat de qualité pour l’espèce. Toutefois, si la population se répartit au-delà des lacs couverts par l’habitat essentiel proposé, celui-ci pourrait être insuffisant et devra être revu.

Description longue de la figure

Figure 3. Carte de l’habitat essentiel du phoque commun des lacs des Loups Marins. L’habitat essentiel est constitué du Petit lac des Loups Marins, des lacs des Loups Marins et du lac Bourdel. Ces lacs sont situés au nord du Québec, dans le Nunavik. La carte précise les coordonnées géographiques qui délimitent les lacs.

Figure 3. Habitat essentiel désigné pour le phoque commun des lacs des Loups Marins

Loups_marins_250k_juillet2013

Puisque les phoques d’eau douce passent toute leur vie dans les lacs, l’habitat essentiel désigné soutient toutes les fonctions nécessaires au cycle vital. La reproduction, la mise bas, l’allaitement et le soin aux jeunes, la croissance, l’échouage, l’alimentation et les migrations ont lieu dans l’habitat essentiel. Les seules composantes connues de l’habitat essentiel soutenant ces fonctions sont la présence permanente de zones libres de glace et une abondance adéquate de proies (tableau 3 ).

Contrairement aux autres phoques arctiques tels le phoque annelé et le phoque barbu, le phoque commun n’est pas capable de creuser des trous d’air dans la glace pendant l’hiver. Il dépend donc des zones d’eau libre formées par des rapides ou par la circulation de l’eau, ainsi que de poches d’air qui se forment sous la couche de glace le long des rives en raison de la baisse du niveau de l’eau pendant l’hiver. Ces zones libres de glace et l’accès à des zones pour respirer, s’échouer et accéder au milieu aquatique sont une composante essentielle des lacs des Loups Marins.

La disponibilité, la quantité et la qualité des proies vont influencer la capacité biologique de l’habitat essentiel désigné, soit la capacité d’une population de phoque rétablie de s’alimenter. Des ressources alimentaires en quantité et en qualité suffisantes sont donc une caractéristique de l’habitat essentiel. L’abondance et la composition taxinomique des poissons des trois lacs composant l’habitat essentiel sont cependant inconnues.

Description longue du tableau

Tableau 3. Le tableau présente les fonctions biologiques soutenues par les trois lacs désignés habitat essentiel ainsi que les composantes de l’habitat et leurs caractéristiques.

Tableau  3. Sommaire des caractéristiques et des fonctions de l’habitat essentiel
Fonctions Localisation Composante Caractéristiques
Reproduction, mise bas, allaitement, soin aux jeunes, alimentation, croissance, échouage, migration Lac Bourdel
Lacs des Loups Marins
Petit lac des Loups Marins
Zones libres de glace Nombre suffisant de zones permanentes en hiver (libre de glace)
Dimension adéquate
Localisation adéquate
Proies Disponibles en quantité et qualité suffisante

7.2 Calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel

Les connaissances sur la répartition et la taille de la population du phoque commun des lacs des Loups Marins ainsi que sur les caractéristiques de son habitat sont encore limitées. L’objectif de population ainsi que la désignation de l’habitat essentiel dans ce programme de rétablissement sont basés sur des observations visuelles et télémétriques, principalement dans les lacs des Loups Marins, ainsi que sur une étude de la productivité de ces lacs réalisée à la fin des années 1970 (Power et Grégoire, 1978). Par conséquent, des recherches sont nécessaires afin d’améliorer les connaissances sur la répartition de la population, en particulier sur la densité et l’abondance des phoques dans les trois lacs désignés habitat essentiel. Il faudrait évaluer la capacité biologique des trois lacs afin de mettre à jour l’habitat essentiel désigné ainsi que l’objectif de population. De plus, les caractéristiques de l’habitat essentiel ainsi que les fonctions qu’il soutient devront être mieux déterminées. Par exemple, une meilleure estimation de la disponibilité des zones libres de glace dans l’habitat essentiel devrait être effectuée.

Description longue du tableau

Tableau 4. Le tableau présente les activités de recherche et leurs résultats attendus afin de compléter la désignation de l’habitat essentiel. La dernière colonne contient l’échéance anticipée pour la réalisation de ces activités.

Tableau 4. Calendrier des études
Description des activités Résultats/Justification Échéance
Déterminer et caractériser l’aire de répartition actuelle Répartition géographique de la densité et de l’abondance des phoques; en priorité dans l’habitat essentiel désigné, mais il faudrait également évaluer les lacs et rivières adjacents pour confirmer ou ajuster les limites de l’habitat essentiel. 5 ans
Définir les besoins de l’espèce en matière d’habitat pour chaque période de son cycle biologique Connaissances sur les composantes de l’habitat essentiel utilisées par les phoques. Permettra également d’acquérir des connaissances sur les composantes et les fonctions de l’habitat indispensables à la survie et au rétablissement du phoque commun des lacs des Loups Marins. Une attention particulière devra être portée aux zones libres de glace en permanence dans l’habitat essentiel et dans les rivières et lacs adjacents. 5 ans
Déterminer la capacité biologique du milieu Permettre de connaître la superficie d’habitat et la densité de proies essentielles à l’atteinte de l’objectif de population. 5 ans

7.3 Exemples d’activités susceptibles de détruire l’habitat essentiel

Toute activité venant modifier les caractéristiques des différentes composantes de l’habitat essentiel désigné, présentées au tableau 3 , peut entraîner sa destruction. Étant donné que l’utilisation de l’habitat varie dans le temps, il faut évaluer chaque activité humaine individuellement et appliquer des mesures d’atténuation précises lorsqu’elles existent et sont efficaces. La liste des activités présentées dans le tableau ci-dessous (tableau 5 ) n’est pas exhaustive. L’absence d’une quelconque activité humaine dans cette liste ne peut empêcher ou entraver l’habilité du Ministère à la réglementer en vertu de la LEP. De plus, l’inclusion d’une activité dans cette liste n’entraîne pas automatiquement son interdiction, car c’est la destruction de l’habitat essentiel qui est interdite et non l’activité elle-même.

Aux termes de la LEP, l'habitat essentiel doit être protégé légalement dans un délai de 180 jours suivant sa désignation dans un programme de rétablissement ou dans un plan d'action. En ce qui concerne l'habitat essentiel du phoque commun des lacs des Loups Marins, on prévoit que cette protection prendra la forme d’un arrêté ministériel pour l’habitat essentiel pris en vertu des paragraphes 58(4) et (5) de la LEP, qui invoquera l'interdiction prévue au paragraphe 58(1) de la destruction de l'habitat essentiel désigné. Toute activité venant modifier la dynamique de circulation des eaux et donc la formation des structures glacées ou libres durant l’hiver peut conduire à la détérioration de l’habitat essentiel du phoque commun des lacs des Loups Marins. Les phoques pourraient alors avoir de la difficulté à trouver des endroits pour venir y respirer, mettre bas ou se reposer, en plus des effets que les changements des conditions physiques du milieu pourraient avoir sur les poissons dont le phoque dépend. Bien que la disponibilité des proies soit une composante de l’habitat essentiel, aucune activité humaine, telle que la pêche, ne semble susceptible de l’affecter actuellement ou dans un avenir rapproché, de manière à détruire l’habitat essentiel. Selon les informations obtenues par les chasseurs autochtones, ces zones éloignées et difficiles d’accès ne subissent pas vraiment de pression de pêche.

Description longue du tableau

Tableau 5. Le tableau contient un exemple d’activité susceptible de détruire l’habitat essentiel. Il contient l’effet de l’activité sur l’habitat, ainsi que les fonctions, les composantes et leurs caractéristiques qui seraient perturbées.

Tableau  5. Exemple d’activités susceptibles de détruire l’habitat essentiel
Activités Séquence des effets Fonctions perturbées Composante perturbée Caractéristiques perturbées
Construction de barrages et formation de réservoirs Altération de la dynamique de circulation des eaux et de la formation de glace Reproduction, mise bas, allaitement, soin aux jeunes, croissance, alimentation, migration Zones libres de glace Nombre suffisant de zones permanentes en hiver
Dimension adéquate
Localisation adéquate

 

8. Mesure des progrès

Les indicateurs de rendement présentés ci-dessous proposent un moyen de définir et de mesurer les progrès vers l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition. Les progrès précis réalisés en vue de la mise en œuvre du programme de rétablissement seront mesurés par rapport aux indicateurs définis dans les plans d’action ultérieurs.

Mesurer périodiquement des indicateurs de la taille de la population et de son recrutement permettra de démontrer les progrès réalisés vers le rétablissement de cette population. Ces indicateurs pourraient être :

  • l’augmentation du nombre de phoques observés;
  • la croissance de la taille de la population estimée;
  • l’augmentation du nombre de veaux recensés (recrutement) ou du taux de reproduction;
  • le maintien de la superficie de son aire de répartition.

Des indicateurs indirects comme la composition spécifique des communautés de poissons et l’abondance des poissons dans les lacs pourraient être utilisés pour mesurer la taille de la population de phoques et son aire de répartition.

9. Exceptions

La Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) définit le « droit d’exploitation » des Autochtones sur le territoire auquel il s’applique respectivement. L’exercice de ce droit prend en compte les principes de conservation qui visent à prévenir le déclin ou la disparition des espèces sauvages. Le paragraphe 83(3) de la Loi sur les espèces en péril exempte les personnes « exerçant des activités conformes aux régimes de conservation des espèces sauvages dans le cadre d’un accord sur des revendications territoriales   des interdictions prévues par cette même Loi.

Comme mentionné à l’article 24.3.30 de la CBJNQ, « un minimum de contrôles ou de règlements doit être imposé aux Autochtones »; le cas échéant, ils doivent avoir une incidence minimale sur les Autochtones et leurs activités d’exploitation. La population de phoques des lacs des Loups Marins se trouve dans des régions où le régime de chasse, de pêche et de trappage est en place. Selon cette convention, cette population de phoques est réservée à l’usage exclusif des Autochtones.

Étant donné qu’on ne dispose d’aucune information détaillée sur l’abondance, les tendances et la dynamique de la population, l’utilisation du prélèvement biologique potentiel – une approche très prudente pour estimer un niveau de récolte acceptable – permet d’évaluer le nombre de phoques qui pourraient être chassés sans compromettre la survie de la population. D’après cette approche, si la population s’élevait à 50 individus, soit l’estimation minimale de l’abondance, le dommage admissible serait d’un individu tous les trois ans. On doit souligner que la taille de la population est supérieure à l’estimation minimale puisqu’en mai 2011, un relevé non systématique des zones d’eau libre des lacs des Loups Marins a permis de dénombrer 52 phoques échoués sur la glace (J.-F. Gosselin, MPO, comm. pers.).

Les connaissances traditionnelles autochtones suggèrent qu'une capture par année est effectuée au maximum par les chasseurs cris. Des aînés cris estiment qu’entre 1975 et 2009, on pourrait n'avoir chassé que moins d'une dizaine de phoques communs des lacs des Loups Marins (I. Masty, ATC, comm. pers.). La récolte par les chasseurs cris et inuits de phoques d’eau douce se fait de façon occasionnelle et opportuniste. La récolte, telle qu’elle s'effectue actuellement, ne semble pas mettre en péril la survie ou le rétablissement du phoque commun des lacs des Loups Marins.

Sur la base de toutes ces informations, conformément à la section 24.3.30 de la CBJNQ et du Règlement sur les mammifères marins en vertu de la Loi sur les pêches, le ministre des Pêches et des Océans, qui représente le gouvernement fédéral en vertu de la CBJNQ, communiquera une directive au Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage (CCCPP) sur les mesures de conservation.

Cette directive mentionnera que la récolte doit être maintenue à son niveau actuel, ce qui ne semble pas mettre en péril la survie ou le rétablissement du phoque commun des lacs des Loups Marins. Dans l’intention de faire un suivi de cette chasse, il est recommandé que les chasseurs signalent aux autorités locales des renseignements, concernant notamment le lieu du prélèvement ainsi que la taille et le sexe du phoque récolté, et fournissent des échantillons de peau et de mâchoire. L’implication et la collaboration des organisations cries et inuites, ainsi que des communautés locales, seront essentielles pour l’obtention de cette information. Les administrations locales s’avèrent les mieux placées pour faire la promotion et la mise en œuvre de telles mesures.

Au terme d’une période initiale de cinq ans, les nouvelles données recueillies, de même que les analyses scientifiques effectuées permettront d’évaluer avec plus de précision le taux de capture admissible pour cette population.

10. Énoncé sur les plans d’action

Un ou plusieurs plans d’action seront publiés sur le Registre public des espèces en péril dans une période de cinq ans après la mise au Registre de ce programme.

11. Références

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  • Woodley, T. H., R. J. Smith et D. M. Lavigne. 1992. Potential impacts of hydroelectric development on marine mammals of northern Quebec. International Marine Mammal Association Inc. Guelph. IMMA Technical Report No. 92-02. 9 p.

Annexe A : Effets sur l’environnement et sur les espèces non ciblées

Une évaluation environnementale stratégique (ÉES) est effectuée pour tous les documents de planification du rétablissement en vertu de la LEP, conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes. L’objet de l’ÉES est d’incorporer les considérations environnementales à l’élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics pour appuyer une prise de décisions éclairées du point de vue de l’environnement et évaluer si les résultats d’un document de planification de rétablissement peuvent avoir une influence sur un élément de l’environnement ou tout objectif ou cible de la Stratégie fédérale de développement durable5 (SFDD).

La planification du rétablissement vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que des programmes peuvent, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des incidences possibles sur les espèces ou les habitats non ciblés.

La protection de l’habitat du phoque commun des lacs des Loups Marins devrait être bénéfique aux autres espèces qui fréquentent ce territoire, notamment la communauté ichtyologique. Des mesures mises en œuvre pour réduire le dérangement anthropique devraient également être favorables aux espèces qui sont susceptibles de modifier leur comportement avec une présence humaine accrue.

Annexe B : Enregistrement des initiatives de collaboration et de consultation

Membres de l’équipe de rétablissement du phoque commun des lacs des Loups Marins

  • Marthe Bérubé - Pêches et Océans Canada
  • Anne-Marie Bouchard - Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec
  • Mélanie Chabot - Administration régionale Kativik (parc national Tursujuq)
  • Adamie Delisle-Alaku - Société Makivik
  • Andréanne Demers - Pêches et Océans Canada
  • Gregor Gilbert - Société Makivik
  • Caroline Girard - Pêches et Océans Canada
  • Jean-François Gosselin - Pêches et Océans Canada
  • Isaac Masty  - Association des trappeurs Cris
  • Stas Olpinski - Société Makivik
  • Allen Penn - Grand Conseil des Cris
  • Catherine Pinard - Administration régionale Kativik (parc national Tursujuq)
  • Nadia Saganash - Grand Conseil des Cris
  • Alexandre Beauchemin - Hydro-Québec6

Consultations auprès des communautés autochtones

Avec la collaboration de représentants cris et inuits, Pêches et Océans Canada a entrepris des consultations avec les communautés autochtones locales pour avoir leur avis sur la protection et le rétablissement du phoque commun des lacs des Loups Marins par la Loi sur les espèces en péril, ainsi que pour collecter des données préliminaires sur les connaissances traditionnelles autochtones.

Des rencontres de consultation sur l’ajout du phoque commun des lacs des Loups Marins à la Liste des espèces en péril se sont tenues dans les communautés d’Umiujaq, de Kuujjuarapik et de Whapmagoostui du 16 décembre 2008 au 31 mars 2009. Elles ont permis de rencontrer les instances municipales, les intervenants locaux concernés, des chasseurs et l'association des chasseurs et trappeurs, de même que les citoyens.

Le programme de rétablissement préliminaire a aussi été présenté à des aînés et à des chasseurs de Whapmagoostui et de Kuujjuarapik lors d’une rencontre tenue le 3 avril 2012. Une rencontre a également eu lieu le 4 avril 2012 à Umiujaq avec des membres de la communauté, y compris le maire et plusieurs représentants de l’association des chasseurs et trappeurs, pour discuter de ce phoque d’eau douce et recueillir leurs opinions.

1 Registre public des espèces en péril

2 Isostatique qualifie tout mouvement de l'écorce terrestre provoqué par des transferts de masse tel le retrait des glaciers.

3 Les phoques s’échouent temporairement lorsqu’ils se hissent sur la terre ou la glace entre les périodes d’activité.

4 L'immunotoxicité peut être définie comme l'ensemble des effets négatifs provoqués par un composé sur le système immunitaire à la suite d'une exposition.

5 Planifier un avenir durable - Stratégie fédérale de développement durable pour le Canada

6 Présent jusqu’en juin 2011.

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