Programme de rétablissement du bar rayé (Morone saxatilis) population de l'estuaire du Saint-Laurent, au Canada [finale] 2011

Figure 1. Bar rayé (Morone saxatilis)

Figure 2. Localisation de cinq rivières de l’est du Canada ayant abrité des populations de bar rayé

Figure 3. Aire de répartition du bar rayé, ancienne population de l'estuaire du Saint-Laurent

Figure 4. Carte d'une partie de l'estuaire du Saint-Laurent illustrant l'aire où l'ensablement aurait réduit la profondeur, entre l’île Madame et l’île aux Grues (zone rose), selon les observations de pêcheurs qui fréquentent régulièrement les lieux

Figure 5. Délimitation de l’habitat essentiel de l’anse Sainte-Anne dans l’estuaire du Saint-Laurent en zone intertidale et en zone de profondeur 0 à 5 m

Tableau 1. Statut du bar rayé selon NatureServe (NatureServe 2009)

Tableau 2. Classification des menaces envers la nouvelle population de bar rayé de l'estuaire du Saint-Laurent

Tableau 3. Nombre de bars rayés ensemencés dans le Saint-Laurent, par groupe d'âge et classe de longueur

Tableau 4. Planification du rétablissement, population de bar rayé de l'estuaire du Saint-Laurent

Tableau 5. Indicateurs de rendement pour les objectifs du programme de rétablissement

Tableau 6. Résumé des fonctions, composantes et caractéristiques de l’habitat essentiel

Tableau 7. Exemple d’activités susceptibles de détruire l’habitat essentiel

Tableau 8. Calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel du bar rayé de l’estuaire du Saint-Laurent


bar rayé

Septembre 2011

La série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril

Qu’est-ce que la Loi sur les espèces en péril (LEP)?
La LEP est la loi fédérale qui constitue l’une des pierres d’assise de l’effort national commun de protection et de conservation des espèces en péril au Canada. Elle est en vigueur depuis 2003 et vise, entre autres, àpermettre le rétablissement des espèces qui, par suite de l'activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées.

Qu’est-ce que le rétablissement?
Dans le contexte de la conservation des espèces en péril, le rétablissement est le processus par lequel le déclin d’une espèce en voie de disparition, menacée ou disparue du pays est arrêté ou inversé et par lequel les menaces à sa survie sont éliminées ou réduites de façon à augmenter la probabilité de survie de l’espèce à l’état sauvage. Une espèce sera considérée comme rétablie lorsque sa survie à long terme à l’état sauvage aura été assurée.

Qu’est-ce qu’un programme de rétablissement?
Un programme de rétablissement est un document de planification qui identifie ce qui doit être réalisé pour arrêter ou inverser le déclin d’une espèce. Il établit des buts et des objectifs et indique les principaux champs des activités à entreprendre. La planification plus élaborée se fait à l’étape du plan d’action.

L’élaboration de programmes de rétablissement représente un engagement de toutes les provinces et de tous les territoires ainsi que de trois organismes fédéraux - Environnement Canada, l’Agence Parcs Canada et Pêches et Océans Canada — dans le cadre de l’Accord pour la protection des espèces en péril. Les articles 37 à 46 de la LEP décrivent le contenu d’un programme de rétablissement publié dans la présente série ainsi que le processus requis pour l’élaborer.

Selon le statut de l’espèce et le moment où elle a été évaluée, un programme de rétablissement doit être préparé dans un délai de un à deux ans après l’inscription de l’espèce à la Liste des espèces en péril de la LEP. Pour les espèces qui ont été inscrites à la LEP lorsque celle-ci a été adoptée, le délai est de trois à quatre ans.

Et ensuite?
Dans la plupart des cas, un ou plusieurs plans d’action seront élaborés pour définir et guider la mise en œuvre du programme de rétablissement. Cependant, les recommandations contenues dans le programme de rétablissement suffisent pour permettre la participation des collectivités, des utilisateurs des terres et des conservationnistes à la mise en œuvre du rétablissement. Le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes visant à prévenir la disparition ou le déclin d’une espèce.

La série de Programmes de rétablissement
Cette série présente les programmes de rétablissement élaborés ou adoptés par le gouvernement fédéral dans le cadre de la LEP. De nouveaux documents s’ajouteront régulièrement à mesure que de nouvelles espèces seront inscrites à la Liste des espèces en péril et que les programmes de rétablissement existants seront mis à jour.

Pour en savoir plus
Pour en savoir plus sur la Loi sur les espèces en péril et les initiatives de rétablissement, veuillez consulter le Registre public de la LEP.

Référence à citer :
Robitaille, J., M. Bérubé, A. Gosselin, M. Baril, J. Beauchamp, J. Boucher, S. Dionne, M. Legault, Y. Mailhot, B. Ouellet, P. Sirois, S. Tremblay, G. Trencia, G. Verreault et D. Villeneuve. 2011. Programme de rétablissement du bar rayé (Morone saxatilis), population de l'estuaire du Saint-Laurent, Canada. Série des programmes de rétablissement publiés en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Ottawa : Pêches et Océans Canada. xi + 52 p.

Exemplaires supplémentaires :
Des exemplaires supplémentaires peuvent être téléchargés à partir du site Web du Registre de la LEP.

Photographies de la couverture : © Jean Robitaille

Also available in English under the title:
Recovery Strategy for the Striped Bass (Morone saxatilis) St. Lawrence Estuary Population, Canada.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Pêches et des Océans, 2011. Tous droits réservés.

ISBN : 978-1-100-97325-8
Numéro de catalogue : En3-4/105-2011F-PDF

Le contenu du présent document, à l'exception des illustrations, peut être utilisé sans permission, à condition que la source soit adéquatement citée.

En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP), le ministre des Pêches et des Océans est le ministre compétent pour le rétablissement du bar rayé de la population de l'estuaire du Saint-Laurent. Ce programme de rétablissement a été élaboré, conformément à l’article 37 de la LEP. Pêches et Océans Canada – Région du Québec a codirigé l’élaboration du présent programme de rétablissement avec le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec. Ce programme a été développé en collaboration avec les membres de l’équipe de rétablissement du bar rayé de l’estuaire du Saint-Laurent (Section 4) et en consultation avec des Premières Nations, des organisations et des agences gouvernementales. La version proposée du programme satisfait aux exigences de la LEP quant au contenu et au processus (articles 39 à 41).

La réussite du rétablissement de la population de bar rayé de l'estuaire du Saint-Laurent dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties concernées qui participeront à la mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent programme. Cette réussite ne pourra reposer seulement sur Pêches et Océans Canada ou sur toute autre compétence. Dans l’esprit de l’Accord pour la protection des espèces en péril, le ministre des Pêches et des Océans invite toutes les Canadiennes et tous les Canadiens à se joindre à Pêches et Océans Canada pour appuyer le programme et le mettre en œuvre, pour le bien de l’espèce et de l’ensemble de la société canadienne. Pêches et Océans Canada s’appliquera à appuyer la mise en œuvre du programme, compte tenu des ressources disponibles et des diverses priorités à l’égard de la conservation des espèces en péril. Le degré de participation à la mise en œuvre du présent programme par les autres compétences et organismes impliqués est sujet à leurs propres politiques, affectations, priorités et contraintes budgétaires.

Le but, les objectifs et les approches proposés dans ce document pour réaliser le rétablissement ont été développés en fonction de la meilleure information connue actuellement, et sont sujets à des modifications advenant de nouvelles informations. Le ministre rendra compte des progrès réalisés au terme dans cinq ans. Un plan d’action détaillant des mesures de rétablissement viendra compléter le présent programme. Le ministre s'assurera, dans la mesure du possible, que les Canadiennes et les Canadiens directement intéressés ou touchés par ces mesures soient consultés au préalable.

Le présent document a été rédigé par Jean Robitaille, M.Sc., de la Coopérative des conseillers en écologie appliquée de Québec, avec la collaboration des membres de l'équipe de rétablissement du bar rayé de l'estuaire du Saint-Laurent (liste des membres à la section 4).

L'équipe de rétablissement remercie Francis Bouchard, Anne-Marie Pelletier et Geneviève Bourget pour leur participation à certaines rencontres de travail et leur contribution aux connaissances sur le bar rayé du Saint-Laurent ainsi que Gilles Fortin pour son soutien en cartographie.

Conformément à la Directive du Cabinet de 1999 sur l'évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, l’objet d’une évaluation environnementale stratégique (ÉES) est d’incorporer les considérations environnementales à l’élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics pour appuyer une prise de décision éclairée du point de vue de l’environnement.

La planification du rétablissement vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que des programmes peuvent, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des incidences possibles sur les espèces ou les habitats non ciblés.

Le présent programme de rétablissement favorisera clairement l’environnement en encourageant le rétablissement du bar rayé, population de l’estuaire du Saint-Laurent. De plus, la réintroduction du bar rayé dans le Saint-Laurent pourrait contribuer à la restauration de la biodiversité de cet écosystème (Comité aviseur sur la réintroduction du bar rayé, 2001). La possibilité que le programme produise par inadvertance des effets négatifs sur d’autres espèces, notamment des espèces proies ou compétitrices, a été envisagée. L’ÉES a permis de conclure que le présent programme sera clairement favorable à l’environnement et n’entraînera pas d’effets négatifs significatifs. Consultez plus particulièrement les sections suivantes du document : Besoins biologiques et besoins en matière d’habitat; Rôle écologique; Facteurs limitants; Approches recommandées pour la mise en œuvre du rétablissement; et Effets sur d’autres espèces.

Jusqu'à la fin des années 1960, le Saint-Laurent a abrité une population indigène de bar rayé (Morone saxatilis), poisson anadrome typique des estuaires et des eaux côtières de l'est de l'Amérique du Nord. La population de bar rayé du Saint-Laurent s’était montrée très résiliente et avait été soumise, depuis le 19e siècle, à une exploitation commerciale et sportive très intense. La pêche au bar rayé était caractérisée par des périodes de grande abondance et de forte récolte, qui alternaient avec des années de disette, pendant lesquelles la population reconstruisait ses effectifs. Cependant, la reprise qui aurait dû se manifester au début des années 1960 a avorté et le bar rayé a complètement disparu au cours des années suivantes. L'analyse des données biologiques recueillies entre 1944 et 1962 montre une réduction de l'aire de répartition de ce poisson, qui coïncide avec l'agrandissement et les dragages d'entretien de la traverse du nord, une section de la voie navigable longeant l'île d'Orléans. La modification des habitats que fréquentaient les bars rayés immatures pourrait avoir accentué les effets de la pêche et porté la mortalité à un niveau que la population n'a pas pu supporter.

À la fin des années 1960, le bar rayé a donc cessé de figurer parmi les espèces rapportées dans les captures des pêcheurs sportifs et commerciaux du Saint-Laurent. Cette absence prolongée a amené le milieu des pêches à conclure que la population de ce poisson pouvait avoir été éradiquée. En 1980, le premier groupe à s'intéresser aux espèces menacées au Québec, le Comité pour la sauvegarde des espèces menacées au Québec (COSEMEQ), a inscrit la population de bar rayé du Saint-Laurent sur une liste d'espèces prioritaires (COSEMEQ 1981) et a parrainé la préparation d'un premier travail de synthèse sur le sujet (Beaulieu 1985). La disparition de cette population a été reconnue d'abord par les autorités du Québec (Trépanier et Robitaille 1995), puis ensuite par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) (Robitaille 2004).

En 2001, un comité de spécialistes du bar rayé et des pêches a émis un avis favorable à la réintroduction de ce poisson dans le Saint-Laurent, assorti d'un suivi de cette population et des composantes de la communauté biologique qui pouvaient être affectées, et a préparé un plan d'action (Comité aviseur sur la réintroduction du bar rayé2001). Plusieurs organismes ont donné leur appui au projet ou y ont contribué de diverses façons (annexe 2). En 2002, un programme québécois de réintroduction, comprenant la reproduction en pisciculture au Québec, a été développé à partir de bars rayés capturés dans la rivière Miramichi au Nouveau-Brunswick. Entre 2002 et 2009, plus de 6 300 bars rayés de taille supérieure à 60 mm (âge 0+ à 6+) et 6,5 millions de larves de 2 à 4 mm ont été ensemencés dans le but de favoriser le rétablissement de la population de bar rayé de l’estuaire du Saint-Laurent. Le programme de réintroduction qui vise à ensemencer jusqu'à 50 000 fretins d’automne (Comité aviseur sur la réintroduction du bar rayé 2001) devrait débuter dans les prochaines années. Jusqu’à maintenant, les bars rayés ensemencés correspondent aux individus en surplus du programme de reproduction.

Les autorités responsables de la sauvegarde des espèces en péril au Québec et au Canada ont convenu de mettre en commun leurs ressources et leur expertise afin de mener à bon port cette entreprise d'envergure. Ce programme de rétablissement du bar rayé de l'estuaire du Saint-Laurent pose le premier jalon de cette action concertée.

Le bar rayé (Morone saxatilis) est un poisson épineux, au corps allongé, comprimé latéralement, et à la tête triangulaire qui peut atteindre près de 90 cm dans le Saint-Laurent. Cette espèce anadrome est associée aux estuaires et aux habitats côtiers nord-américains. La fraie, l’incubation et le développement initial de l’alevin ont lieu en eau douce et les jeunes dévalent ensuite vers les eaux saumâtres puis salées, pour s’y alimenter et croître pendant quelques années, jusqu'à ce qu'ils atteignent la maturité.

Au Canada, cinq populations indigènes de bar rayé ont existé dans trois secteurs distincts qui correspondent aux trois unités désignées par le COSEPAC, soit la baie de Fundy, le sud du Golfe et l'estuaire du Saint-Laurent. La population de l'estuaire du Saint-Laurent, qui fait l’objet du présent programme de rétablissement, a été désignée disparue du Canada en novembre 2004, suite à sa disparition à la fin des années 1960. Toutefois, un programme de réintroduction est en cours depuis 2002. Entre 2002 et 2009, plus de 6 300 bars rayés de taille supérieure à 60 mm (âge 0+ à 6+) et près de 6,5 millions de larves de 2 à 4 mm ont été ensemencés dans le Saint-Laurent entre Saint-Pierre-les-Becquets et Rivière-Ouelle.

L’équipe de rétablissement du bar rayé de l’estuaire du Saint-Laurent a identifié douze menaces à la survie et au rétablissement de l’espèce, réparties en trois grandes catégories, soit : menace à l’habitat, menace due aux prélèvements et menace biologique. Après analyse, il a été déterminé que le rétablissement de la population de bar rayé de l’estuaire du Saint-Laurent est réalisable, tant au point de vue technique que biologique. Le but du rétablissement est de restaurer, au cours des dix prochaines années, une population de bar rayé qui se reproduira et se maintiendra d'elle-même dans l'estuaire du Saint-Laurent, s'y intégrant à la communauté biologique, sans la perturber.

Pour atteindre ce but, cinq objectifs sont formulés :

  1. Accroître les effectifs de bar rayé;
  2. Identifier les habitats utilisés par la population de bar rayé;
  3. Suivre l’état de la population de bar rayé;
  4. Suivre l’état de certaines composantes de la communauté ichtyologique (proies, prédateurs ou compétiteurs) en relation avec le bar rayé;
  5. Protéger la population de bar rayé et ses habitats les plus importants.

Afin d’atteindre ces objectifs, 19 mesures de rétablissement ont été formulées en fonction de ces cinq stratégies générales : 1) Inventaire et suivi; 2) Acquisition de connaissances; 3) Production artificielle et ensemencement; 4) Protection, restauration et intendance; et 5) Sensibilisation.

Étant donné les lacunes dans les connaissances et l’absence de cible de rétablissement quantitative, une désignation complète de l’habitat essentiel n’est pas envisageable, à ce stade-ci. Toutefois, en se fondant sur la meilleure information accessible, il est possible de désigner une partie de l’habitat essentiel, soit une zone de concentration des juvéniles (âge 0+) dans l’anse Sainte-Anne à La Pocatière à l’automne, entre le 1er septembre et le 31 octobre. Le calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel a été développé pour permettre l’acquisition des connaissances requises pour poursuivre la désignation de l’habitat essentiel au sein du plan d’action qui sera produit subséquemment dans un délai maximal de cinq ans.

Les buts, objectifs et mesures de rétablissement présentés dans le programme reposent sur les meilleures connaissances actuelles et peuvent changer à la lumière de nouvelles observations. Le ministre compétent rendra compte des progrès réalisés d’ici cinq ans.

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