Lupin des ruisseaux (Lupinus rivularis) : évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins de l’espèce

Le lupin des ruisseaux se rencontre sur les rives de cours d’eau de la côte pacifique, où il pousse sur des terrains sableux ou graveleux, à végétation généralement très clairsemée, humides et sujets à des inondations périodiques. Scoggan (1978) et d’autres auteurs mentionnent que l’espèce ne se rencontre qu’à faible altitude, dans les prairies graveleuses, sur les rives de cours d’eau ou dans des boisés clairsemés. Comme tous les lupins, le L. rivularismontre une préférence marquée pour les sols pauvres et perturbés, mais non envahis par les mauvaises herbes, notamment ceux des digues et des voies ferrées situées à proximité de cours d’eau (Sholars, 2001, comm. pers.), où il côtoie diverses espèces ayant une affinité pour les terrains perturbés : Plantago lanceolata, Solidago canadensis, Juncus tenuis, Hypericum perforatum, Epilobium angustifolium et d’autres. 

En Colombie-Britannique, nous avons observé le lupin des ruisseaux le plus souvent à moins de 30 mètres d’une rivière ou d’un ruisseau. L’espèce se rencontre non seulement sur les rives de cours d’eau naturels, mais aussi dans l’emprise de voies ferrées et sur des digues construites à proximité de cours d’eau naturels. Nous croyons que ces milieux artificiels sont colonisés de façon opportuniste et que les individus qui s’y trouvent sont issus de graines produites par des populations établies dans les environs. Il est même fort possible que ces milieux aient servi de refuge à l’espèce, permettant à certaines populations de survivre en dépit de la destruction massive de leur habitat. En milieu naturel non modifié, l’espèce pousse sur des sols graveleux ou sablo-graveleux, à l’arrière de berges peu escarpées. Une seule population a été observée dans un milieu n’ayant subi absolument aucune altération, à savoir une étendue de gravier située derrière une petite crête de rive fluviale, peut-être à l’intérieur des limites d’un parc provincial.

Dans l’un des sites, nous avons observé une sous-population de l’espèce au bord d’une route, à environ 300 m du fleuve Fraser. Le terrain semble formé de déblais de dragage, et il est de surcroît fortement perturbé par la mise en chantier d’un lotissement. Un nouveau lotissement existe depuis peu de l’autre côté de la route. Il est possible qu’un ruisseau ait autrefois traversé ce terrain. Reliquat d’une population anciennement plus importante ou sujets issus de graines transportées par le matériel de dragage ou de terrassement, cette sous-population n’est pas d’une taille suffisante pour être viable, et aucun semis n’a été observé à proximité.

Avant la construction des digues, le lupin des ruisseaux était probablement plus répandu sur les rives des rivières et des ruisseaux de la vallée du bas Fraser. Aujourd’hui, il ne subsiste plus dans cette région que quelques îlots naturels pouvant abriter l’espèce, le long du fleuve Fraser, des rivières Pitt et Coquitlam et de quelques autres cours d’eau. Le réseau étendu de digues offre des milieux artificiels qui peuvent compenser dans une certaine mesure la perte des habitats naturels, qu’il a remplacés ou qui ont été transformés à des fins industrielles. La construction des digues a probablement détruit un grand nombre de populations. Les quelques fragments de plaine inondable naturelle qui ont échappé à l’exploitation industriele et qui répondent aux exigences écologiques du L. rivularis sont donc d’une importance capitale pour le rétablissement de l’espèce.

Dans les milieux non touchés par la construction de digues ou de voies ferrées, l’espèce montre une préférence pour les plaines inondables. Ces milieux semblent plus humides que ceux qui les entourent, comme l’indique la présence fréquente, dans les zones les plus perturbées, de Juncus sp.

Bien que le L. rivularis soit une espèce pionnière ayant une affinité marquée pour les sols pauvres à faible couvert forestier, on en trouve deux populations dans des milieux partiellement ou totalement ombragés :

  1. une population poussant le long d’une clôture au bord d’un chemin, sur un terrain où la succession végétale est avancée et où le couvert forestier est d’environ 75 p. 100;
  2. une population poussant au bord d’un cours d’eau, où elle se trouve au soleil le matin et à l’ombre l’après-midi.

Espèce vivace, le L. rivularis est bien adapté pour résister aux conditions défavorables. En fait, certaines perturbations lui sont favorables. C’est le cas notamment du fauchage qui, lorsqu’il est pratiqué après la formation des graines, favorise dans une certaine mesure la dispersion de l’espèce. Un des sites est en partie coupé de façon régulière, un autre a été traité à l’herbicide. En dépit de ces traitements, des semis vigoureux ont été observés dans les deux sites, au début du printemps et à l’automne.

Les petites îles et les bancs de gravier, nombreux dans le fleuve Fraser à la hauteur de Mission, pourraient peut-être abriter l’espèce. Toutefois, aucune population n’a encore été signalée pour ces localités.

Tendances

Vallée du bas Fraser

Cinq des six populations canadiennes de L. rivularis sont regroupées dans la vallée du bas Fraser, mais aucune de celles-ci ne bénéficie de quelque protection que ce soit, de sorte que le sort de l’espèce au Canada est loin d’être assuré. Nous croyons que la construction de digues sur les rives des cours d’eau et l’industrialisation des plaines inondables ont détruit une grande partie de l’habitat naturel de l’espèce. On voit encore des vestiges de poches de gravier sur les rives du Fraser là où l’érosion a dénudé le substratum rocheux. Si ces formations étaient autrefois plus importantes, elles abritaient sans doute des populations de L. rivularis.

Cependant, si la précarité de la situation actuelle du L. rivularis est attribuable à la destruction de son habitat, il faut souligner que l’espèce était probablement déjà peu commune ou rare au Canada, où elle se trouve à la limite nord de son aire de répartition.

En amont, près de Mission, où les substrats graveleux sont pourtant plus abondants (on y trouve notamment plusieurs seuils graveleux au milieu du fleuve), la présence du lupin des ruisseaux n’a jamais été signalée. Cela n’a rien d’étonnant, puisqu’il s’agit d’une espèce essentiellement côtière et peut-être intolérante aux conditions continentales, plus rigoureuses.

Les crues printanières sont peut-être un des facteurs qui empêchent le L. rivularis de remonter vers l’intérieur du continent. Les eaux de fonte provoquent des crues plus fortes sur le cours supérieur du Fraser et de ses affluents. Ainsi, entre Mission et Hope, les eaux du fleuve atteignent un niveau relativement élevé et grugent davantage les berges et les seuils de gravier, ce qui peut empêcher l’espèce de s’y établir de façon durable.

Aujourd’hui, l’effectif de l’espèce est également limité par les pratiques d’entretien des emprises ferroviaires, notamment par l’épandage d’herbicide. Ce procédé réduit certes la compétition et maintient l’habitat dégagé, condition essentielle pour l’établissement des semis, mais elle tue par ailleurs les individus reproducteurs. L’an prochain, si la suppression de la végétation a lieu avant la formation complète des graines du lupin des ruisseaux, les deux populations établies sur le ballast de voies ferrées seront gravement touchées. Ces populations seront alors entièrement tributaires pour leur survie du réservoir de graines enfouies.

Sud de l’île de Vancouver

À ce jour, la recherche dans le Sud de l’île de Vancouver n’a pas mené à la découverte d’autres sites que celui de Sooke. Il faudrait toutefois explorer cette région plus à fond, car le Lupinus arboreus pousse en abondance sur la côte près de Sooke, à moins de 2 km de l’unique population de lupin des ruisseaux, qui se trouve donc menacée par l’hybridation.

Protection et propriété des terrains

Une des populations de lupin des ruisseaux se trouve peut-être sur un terrain protégé (parc provincial). Cependant, comme elle n’avait jamais été signalée, aucune mesure n’a été prise pour assurer sa conservation. Les autres populations connues poussent dans l’emprise de voies ferrées, sur des digues ou en bordure de chemins traversant des terrains industriels privés, lieux continuellement perturbés. En 2001, toutes les emprises de voie ferrée de la région ont été traitées aux herbicides.

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